Menu

La fin de la liberté d’accès à la commande publique ?

Acheteur public

Le monde est enclin depuis près de 15 ans à une multiplication et accélération des crises de toutes natures : crise financière de 2008, lutte accrue contre le chômage depuis 2012, crise sanitaire de 2019, crise géopolitique de 2022 et crise sociétale et environnementale actuelle. Ce contexte unique semble induire un intérêt sans précédent des politiques pour la commande publique et plus globalement pour l'achat public.

Ce constat est avéré tant à l’échelle européenne que nationale.

Une manne financière inexploitée

Dans un contexte où l’argent public se fait plus rare mais aussi plus cher (cf. taux d’intérêt), tous les regards semblent se tourner vers une nouvelle manne financière : la commande publique.

2 163 milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne, 100, 200 ou 300 milliards à l’échelle française. Peu importe diraient certains. Cette dépense annuelle est de toute façon quasi incompressible ! Pourquoi alors ne passerions-nous pas d’une dépense contrainte à une opportunité d’investissement ?

Cette question n’en est plus une. Sous couvert de souveraineté alimentaire, sanitaire, industrielle, énergétique, numérique, financière… l’acheteur public est en passe de devenir un acteur majeur de la préservation de notre modèle social, de notre environnement et du développement économique.

Tout ceci dans un cadre sociétal inédit où le citoyen submergé de données issues de l’open data ne devrait plus tarder à s’intéresser au caractère responsable et patriotique de la dépense des pouvoirs publics.

Faut-il nous y opposer ou nous en offusquer ? Probablement pas, tant le citoyen, mais aussi l’usager et le contribuable sont désormais attentifs au bon usage des deniers publics. Bien plus d’ailleurs que ses propres deniers tant il reste du chemin pour inculquer en France une notion de patriotisme économique.

Considérons alors que l’État, les collectivités territoriales et les établissements de santé ouvrent le chemin et doivent montrer la voie.

Un cadre juridique pas si fermé que cela

La liberté d’accès à la commande publique, l’égalité de traitement des candidats et la transparence des procédures sont les principes fondamentaux opposables à tout contrat de la commande publique, quelle que soit sa nature ou quel que soit son montant.

En première lecture, utiliser la commande publique à des fins « politiques », et notamment à des fins de préférence nationale et/ou géographique est prohibé. Toutefois, il est avéré et démontré que le législateur européen voire national est tout à fait en mesure de contester ces principes sous couvert de décisions politiques et/ou portage de politiques publiques. Les exemples à l’échelle de l’Union ou de la France sont nombreux :

  • Consécration du dispositif des achats innovants favorables par essence aux TPE et PME ;
  • Exclusions de plein droit prévues aux articles L. 2141-1 à L. 2141-6-1 du CCP afin de porter des politiques économiques, fiscales ou encore sociales ;
  • Marchés réservés prévus aux articles L. 2113-12 à L. 2113-16 du CCP à des fins plus particulièrement sociales…

La mise en place d’une interdiction d’attribuer mais aussi d’exécuter des contrats de la commande publique avec des tiers « russes » (cf. Fiche technique de la DAJ) a, quant à elle, ouvert une nouvelle voie : celle de faire peser sur les entreprises au stade de la soumission, de l’attribution, mais aussi au stade de l’exécution, un risque d’exclusion.

Une approche inédite qui ouvre la voie à exclure à tout moment de la commande publique des opérateurs éloignés ou en infractions vis-à-vis de volontés ou d’obligations en matière d’emplois des seniors, d’égalité femmes-hommes, de RSE, de partage de la valeur…

Une porte est ouverte et risque de ne pas se refermer si facilement car l’exemplarité de l’acheteur public est en jeu.

Les annonces récentes du Gouvernement visant à renforcer la lutte contre la fraude fiscale et sociale conduisent d’ores et déjà à un renforcement par exemple des contrôles des acheteurs publics en matière de recensement et contrôle de l’attestation de vigilance !

Un impact important pour l’acheteur public

Comme évoqué précédemment, les obligations pour l’acheteur ne portent plus uniquement sur l’évaluation préalable voire périodique (cf. attestation de vigilance tous les 6 mois), mais bel et bien sur une évaluation continue de ses fournisseurs et de ses contrats.

L’assouplissement du régime des exclusions des marchés publics en lien avec la loi du 9 mars 2023 ou encore la création à venir de nouveaux motifs (cf. Commande publique – modification des conditions d’exclusion obligatoire des candidats) confirment ce changement de paradigme. L’acheteur devient le bras armé de la mise en œuvre et du suivi de certaines politiques publiques. Il doit en assurer le rôle et l’exposition réglementaire, financière et réputationnelle. Il doit aussi veiller à en limiter les impacts en termes de charge et de risques pour rester concentré sur son métier : celui d’assurer par les achats le service public porté par l’établissement dans le cadre budgétaire arrêté.

Un impact important pour les fournisseurs

Les fournisseurs, quel que soit leur statut de mandataire, co-traitant ou encore sous-traitant, sont également en première ligne.

L’idée de les inonder de demandes d’attestations sur l’honneur ou encore de dépôt sur des plateformes payantes est à proscrire. Proposer aux fournisseurs une solution simple, gratuite et pérenne devient indispensable.

De l’évaluation préalable à l’évaluation continue de tous ses tiers

La lecture des textes et les évolutions évoquées en attestent. Le pilotage de la conformité des fournisseurs ne peut se limiter :

  • À la phase dite de procédure de marché public (candidature et attribution) ;
  • Aux procédures formalisées ;
  • Aux fournisseurs de rang 1.

Le pilotage de la conformité porte sur tous les contrats, tous les fournisseurs (mandataires, co-traitants, sous-traitants, partenaires…) et à tout instant. Les décisions rapides prises dans le cadre de la guerre en Ukraine ont démontré la nécessité de pouvoir réagir immédiatement et de  manière certaine c’est-à-dire sans exclure à  tort ni conserver une relation contractuelle injustifiée.

En résumé, l’acheteur public ne doit plus s’interroger sur l’intérêt ou l’efficience d’un processus et outils associés en matière  « Third Party Management » ou de « contract management ».

La remise en cause de l’accès à la commande publique, et qu’elle qu’en soit la raison, oblige plus encore l’acheteur public qui devra se doter des processus et outils associés au risque de se perdre dans des démarches administratives improvisées et chronophages. Une charge impactant le temps achat mais surtout éloignant plus encore l’établissement public concerné d’une attractivité devenue capitale vis-à-vis de ce métier.

Ne pas le faire ce n’est pas uniquement s’exposer à des condamnations disciplinaires, civiles ou pénales, c’est aussi exposer son établissement à des conséquences financières importantes et plus encore à des impacts en termes d’image, de réputation et d’attractivité.

Sébastien Taupiac
Directeur de l’offre et des partenariats / e-Attestations.com

Posté le 23/05/23 par Rédaction Weka