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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 30/05/2013, 12NC01528, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme HERBELIN

Rapporteur : M. Jean-Marc FAVRET

Commissaire du gouvernement : M. COLLIER

Avocat : BOCHER-ALLANET


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 5 septembre 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Bochet-Allanet ;

M. A...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101654 du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la décision du
16 septembre 2011 par laquelle le directeur adjoint du pôle aide sociale à l'enfance du département du Doubs l'a licencié et, d'autre part, à enjoindre au département du Doubs de le réintégrer dans son emploi d'assistant familial ;

2°) d'enjoindre au conseil général du Doubs de le réintégrer dans son emploi d'assistant familial à compter du 16 novembre 2011, et de tirer les conséquences financières de cette réintégration, dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge du conseil général du Doubs la somme de 2 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de condamner le conseil général du Doubs aux entiers frais et dépens ;

Il soutient que :
- la procédure contradictoire n'a pas été respectée, car il n'a pas été fait état, durant l'entretien préalable au licenciement, de la rupture du lien de confiance et d'une faute relative à la prise en charge des enfants, alors que son licenciement est également motivé par la commission d'une telle faute ;
- la procédure disciplinaire n'a pas été respectée, car la sanction d'une faute disciplinaire doit intervenir dans un délai raisonnable ; or, les services du conseil général ont été informés dès le mois de juin 2011 de ses périodes successives de suspension et d'annulation de son permis de conduire ; il appartenait à son employeur de prendre immédiatement la sanction qui s'imposait à son encontre ;
- le licenciement est entaché d'une erreur de droit, aucun texte n'imposant à un assistant familial de déclarer à son employeur l'annulation de son permis de conduire ; il avait le droit de ne pas révéler ses condamnations à son employeur ; s'il ne les a pas spontanément révélées, il ne les a pas non plus volontairement dissimulées ; son épouse, qui fait partie de la famille d'accueil des enfants, est habilitée à les conduire dans le véhicule familial ; aucun document officiel n'autorise les assistants familiaux à transporter les enfants accueillis avec leur véhicule ; si l'agrément d'assistant maternel est subordonné à l'absence de condamnations pour des infractions dont le niveau de gravité est défini et en relation directe avec la profession d'assistant maternel, les infractions routières n'en font pas partie ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, car il n'a pas de dépendance pathologique à l'alcool ; ses conduites en état d'ivresse résultent d'évènements festifs ponctuels ; il a toujours pris en charge dans de bonnes conditions les enfants qui lui étaient confiés ; s'il a omis d'informer sa hiérarchie des annulations de son permis de conduire, cette omission n'a pas eu de conséquence sur la prise en charge des enfants ; il n'a pas fait de fausses déclarations en ce qui concerne les distances kilométriques parcourues ; le département ne peut sérieusement invoquer la perte de confiance, car son agrément lui a été restitué et un enfant lui a été à nouveau confié pour des vacances ;
- le licenciement est en réalité motivé par sa mésentente avec le responsable du pôle d'aide sociale à l'enfant, qui lui reproche toujours un incident intervenu par le passé avec un mineur qui l'a accusé d'agression ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 février 2013, présenté pour le département du Doubs, représenté par le président du conseil général, par Me Barberousse, qui conclut au rejet de la requête de M.A..., à ce que soit mise à sa charge une somme de 1 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de M. A...aux dépens, conformément aux dispositions des articles 1635 bis Q du code général des impôts et R. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :
- la procédure contradictoire a été respectée, car les motifs du licenciement ont été expressément évoqués durant l'entretien préalable au licenciement ;
- le moyen tiré de ce que la procédure disciplinaire n'aurait pas été respectée, dès lors que la sanction de licenciement n'est pas intervenue dans un délai raisonnable, est inopérant, car la décision en litige n'a pas de caractère disciplinaire ; au surplus, la période de deux mois ayant couru entre le porté à connaissance des services départementaux du retrait du permis de conduire de l'intéressé et le déclenchement de la procédure de licenciement ne peut pas être regardée comme excessive ;
- les services départementaux doivent être informés sans délai de toute difficulté dans l'accomplissement des tâches de transport des enfants, comme c'est le cas quand le permis de conduire a été annulé ; l'assistance du conjoint n'est prévue qu'à titre occasionnel, comme le rappelle le dossier de candidature à l'emploi rempli par l'intéressé le 24 août 2006, date à laquelle le requérant avait connaissance de ses condamnations ;
- M. A...n'a informé les services de ses condamnations qu'en juin 2011, à l'occasion de la procédure de renouvellement de son agrément ; l'intéressé a rompu le lien de confiance indispensable à toute collaboration avec les services de l'aide sociale à l'enfance, en s'abstenant d'informer son chef de service de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait d'assurer le transport personnel des enfants qui lui étaient confiés, du fait d'une condamnation pour conduite en état d'ivresse, et de ce que son épouse assurait ce transport ;
- le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, le licenciement n'ayant pas été prononcé en considération de la suspension de l'agrément dont l'intéressé avait fait l'objet à la suite de l'accusation d'agression portée par un enfant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;




Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 mai 2013 :

- le rapport de M. Favret, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- les observations de Me Bochet-Allanet, avocat de M. B...A...,

- et les observations de Me Barberousse, avocat du département du Doubs ;



1. Considérant M.A..., assistant familial, dont le permis de conduire a été annulé à deux reprises pour conduite en état d'ivresse, une première fois à compter du
17 octobre 2006 jusqu'au 5 juin 2007, et une seconde fois à compter du 3 décembre 2009 jusqu'au 23 juin 2010, demande l'annulation du jugement du 10 juillet 2012 par lequel le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à annuler la décision du 16 septembre 2011 par laquelle le directeur adjoint du pôle aide sociale à l'enfance du département du Doubs l'a licencié pour cause réelle et sérieuse et, d'autre part, à enjoindre au département du Doubs de le réintégrer dans son emploi d'assistant familial ;


Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " Les articles L. 423-3 à L. 423-13, L. 423-15, L. 423-17 à L. 423-22, L. 423-27 à L. 423-33 et L. 423-35 s'appliquent aux assistants maternels et aux assistants familiaux employés par des personnes morales de droit public... " ; qu'aux termes de l'article L. 423-10 du même code : " L'employeur qui envisage, pour un motif réel et sérieux, de licencier un assistant maternel ou un assistant familial qu'il emploie depuis trois mois au moins, convoque celui-ci et le reçoit en entretien dans les conditions prévues aux articles L. 1232-2 à L. 1232-4 du code du travail. Au cours de l'entretien, l'employeur est tenu d'indiquer le ou les motifs de la décision envisagée et de recueillir les explications du salarié... " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation... " ; aux termes de l'article L. 1232-3 du même code : " Au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié " ; aux termes de l'article L. 1232-4 de ce code : " Lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise... " ;

3. Considérant qu'il est constant que M. A...a été convoqué à un entretien préalable à son licenciement, qui a eu lieu le 13 septembre 2011 ; que son licenciement est motivé par le fait qu'il n'a pas informé l'administration de deux annulations de son permis de conduire pour état d'ivresse et de ce que son épouse, non employée par le département, a assumé le transport des enfants durant les périodes d'annulation de son permis de conduire, et, enfin, par le fait que M. A...a fourni des états de frais kilométriques correspondant aux transports effectués par son épouse ; qu'il n'est pas contesté que ces éléments ont été évoqués durant l'entretien préalable au licenciement ; que, dès lors que ces éléments concernent le lien de confiance entre le requérant et le service chargé de l'enfance, l'administration a nécessairement entendu, en les évoquant, indiquer à l'intéressé qu'elle considérait que ce lien avait été rompu ; que, la décision en litige ayant ainsi été prise pour " cause réelle et sérieuse ", et non pour motif disciplinaire, le requérant ne saurait utilement soutenir qu'il n'a pas été fait état, durant cet entretien, d'une faute relative à la prise en charge des enfants ; que, par suite, le moyen tiré du non respect du caractère contradictoire de la procédure doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, le licenciement en litige a été décidé pour " cause réelle et sérieuse ", dans l'intérêt des enfants concernés, et non pour motif disciplinaire ; qu'il s'ensuit que M. A...ne saurait, en tout état de cause, utilement soutenir que la procédure disciplinaire n'a pas été respectée ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 421-2 du code de l'action sociale et des familles : " L'assistant familial est la personne qui, moyennant rémunération, accueille habituellement et de façon permanente des mineurs et des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans à son domicile... L'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil. " ; qu'aux termes de l'article L. 421-3 du même code : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil général du département où le demandeur réside... L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne... " ; qu'aux termes de l'article R. 421-6 du même code : " Les entretiens avec un candidat à des fonctions d'assistant familial et les visites à son domicile doivent permettre de s'assurer : / 1° De sa disponibilité, de sa capacité d'organisation et d'adaptation à des situations variées ; / 2° De son aptitude à la communication et au dialogue ; / 3° De ses capacités d'observation et de prise en compte des besoins particuliers de chaque enfant ; /
4° De sa connaissance du rôle et des responsabilités de l'assistant familial ; / (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il incombe au président du conseil général de s'assurer que les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des enfants accueillis ;

6. Considérant que M. A...admet ne pas avoir informé son employeur du fait que son permis de conduire avait été suspendu et annulé à deux reprises pour des faits de conduite en état d'ivresse ; que la détention d'un permis de conduire valide étant une condition essentielle de l'exercice de l'activité d'assistant familial, M. A...était tenu d'informer l'administration du fait que son permis de conduire avait été suspendu et annulé à deux reprises, et ce, même si aucun texte ne l'impose, dès lors que les services départementaux doivent être informés sans délai de toute difficulté dans l'accomplissement des tâches de transport des enfants ; que le requérant ne saurait donc sérieusement soutenir qu'il avait le droit de ne pas révéler ses condamnations à son employeur, ou qu'il pouvait se dispenser de s'acquitter de cette obligation, dès lors que certains de ses collègues en étaient informés, et que sa hiérarchie aurait dû se rendre compte qu'il ne pouvait pas se déplacer facilement ; qu'en outre, dès lors que son épouse n'est pas employée par le département, l'intéressé se devait également d'informer l'administration de ce qu'elle assumait le transport des enfants durant les périodes où il se trouvait privé de son permis de conduire, et, enfin, de ce qu'il avait fourni des états de frais kilométriques correspondant aux transports effectués par son épouse, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que l'article L. 421-2 dispose que " l'assistant familial constitue, avec l'ensemble des personnes résidant à son domicile, une famille d'accueil ", l'assistance du conjoint n'étant prévue qu'à titre occasionnel, comme le rappelle au demeurant le dossier de candidature à l'emploi rempli par l'intéressé le 24 août 2006, date à laquelle le requérant avait connaissance de sa première condamnation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département du Doubs n'a pas commis d'erreur de droit en estimant que cette absence d'information était de nature à remettre en cause le lien de confiance qui doit présider aux relations entre un assistant familial et l'administration, et à justifier en conséquence un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte également de ce qui précède que la décision attaquée n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation ;

9. Considérant, en cinquième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le licenciement de l'intéressé aurait été motivé par les mauvaises relations qu'il aurait entretenues avec son supérieur hiérarchique, ou prononcé en considération de la suspension de l'agrément dont l'intéressé avait fait l'objet à la suite d'une accusation d'agression de la part d'un enfant ; que le détournement de pouvoir allégué n'est donc pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction de M. A...ne peuvent dès lors qu'être rejetées ;


Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Doubs, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A...demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...une somme à verser au département du Doubs au titre des mêmes dispositions ;


Sur les dépens :

13. Considérant que la présente affaire ne comporte pas de dépens ; que, par suite, les conclusions de M. A...et du département du Doubs tendant à la condamnation de la partie adverse aux dépens doivent être rejetées ;



D E C I D E :



Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du département du Doubs sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au département du Doubs.
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12NC01528



Abstrats

135-03-02-01-01 Collectivités territoriales. Département. Attributions. Compétences transférées. Action sociale.
36-10-06 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement.
36-12-03-01 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Licenciement.

Source : DILA, 14/08/2013, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 30/05/2013