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Cour Administrative d'Appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 21/05/2015, 13NC00174, Inédit au recueil Lebon

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Président : Mme PELLISSIER

Rapporteur : Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES

Commissaire du gouvernement : M. FAVRET

Avocat : SELARL LE DISCORDE-DELEAU


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sogea Construction et la société Alcatel Lucent France ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner le département de la Moselle à leur verser respectivement les sommes de 6 942 232,60 euros TTC et 1 032 036,60 euros TTC en règlement du marché de conception réalisation d'un réseau de télécommunications à haut-débit conclu le 13 juillet 2004.

Par un jugement du 29 novembre 2012, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2013 et un mémoire en réplique enregistré le 13 janvier 2014, la société Sogea Construction et la société Alcatel Lucent France, représentées par MeC..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 29 novembre 2012 du tribunal administratif de Strasbourg ;

2°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise afin d'examiner les documents soumis à la cour et notamment de se prononcer sur le caractère contractuel ou non des travaux réalisés et d'estimer les préjudices qui découleraient pour les requérantes de travaux supplémentaires ;

3°) de condamner le département de la Moselle à payer à la société Sogea la somme de 5 804 542,30 euros HT soit 6 942 232,60 euros TTC, avec les intérêts moratoires tels que fixés à l'article 3.7 du cahier des clauses administratives particulières à compter du 5 février 2007 ;

4°) de condamner le département de la Moselle à payer à la société Alcatel Lucent la somme de 868 759,73 euros HT soit 1 032 036,60 euros TTC, avec les intérêts moratoires tels que fixés à l'article 3.7 du cahier des clauses administratives particulières à compter du 5 février 2007 ;

5°) d'ordonner, pour les dites sommes, la capitalisation des intérêts pour chaque année écoulée à compter du 5 février 2008 et dire que les intérêts capitalisés porteront eux-mêmes intérêts au taux légal ;

6°) de mettre à la charge du département de la Moselle la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Elles soutiennent que :

- leur requête devant le tribunal administratif était recevable et il appartenait aux juges de première instance de statuer sur cette recevabilité ; le jugement est donc irrégulier en la forme ;
- le décompte général, qui n'a pas été établi par le maître d'ouvrage délégué ni ne leur a été notifié dans les règles, au siège et par ordre de service du maître d'ouvrage délégué, ne peut être regardé comme définitif ; le délai de l'article 13.45 du CCAG n'a pu courir ;
- le cahier des clauses administratives générales, notamment son article 13.45 auquel se réfère le département de la Moselle, ne fait pas partie du champ contractuel du marché dès lors qu'aucun CCAG de ce type n'a été approuvé par arrêté ministériel ni n'était inséré dans les pièces du marché ;
- la circonstance que le département de la Moselle a, lors de la notification du décompte général, rejeté, par une décision motivée, leurs demandes de règlement complémentaire les dispensait de présenter un mémoire de réclamation ;
- le différend avec la personne responsable du marché était né dès la notification par le président du conseil général du projet de décompte final, rejetant expressément les demandes complémentaires ; c'est à juste titre qu'elle a adressé le 5 février 2007 à l'administration un mémoire complémentaire en application de l'article 50.22 du CCAG ; elle a été induite en erreur par l'administration ;
- la motivation par référence est possible en appel et les demandes nouvelles portant sur les intérêts moratoires et leur capitalisation sont admises ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait et de dénaturation des pièces du dossier ;
- elles ont pris le soin, avant d'initier le présent contentieux, d'établir un récapitulatif des demandes basées sur des éléments justificatifs triés et rassemblés par chefs de demande et secteurs concernés ; le tribunal administratif disposait donc d'informations suffisantes pour permettre le chiffrage de leurs préjudices ; si ce n'était pas le cas, il devait ordonner une expertise ; dès lors que le principe de l'indemnisation est acquis, il appartiendra à la cour d'ordonner avant dire droit une expertise afin d'apprécier contradictoirement le montant des préjudices ;
- le caractère forfaitaire du marché ne peut être opposé à leurs demandes indemnitaires relatives à des travaux supplémentaires ou à la survenance de difficultés exceptionnelles et imprévisibles ;
- certains travaux ont été expressément demandés par le conducteur d'opération ou la maîtrise d'ouvrage sans passer par la voie normale et régulière de l'ordre de service ;
- le tribunal administratif a fait une interprétation erronée de certaines stipulations contractuelles du marché ;
- leurs prétentions sont fondées en droit et justifiées en fait.



Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2013, le département de la Moselle, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise solidairement à la charge des sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Il soutient que :

- la requête des sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France devant le tribunal administratif était irrecevable dans la mesure où le décompte général du marché était devenu définitif avant sa saisine ;
- leurs requêtes de première instance et d'appel sont irrecevables dans la mesure où elles sont motivées par référence, notamment aux moyens développés dans leur mémoire en réclamation ; ces irrecevabilités ne peuvent être couvertes après le délai de recours ; les sociétés requérantes présentent des demandes nouvelles en appel qui sont également irrecevables ;
- les sociétés requérantes ne fournissent pas, à hauteur d'appel, les pièces justificatives dont elles font état ;
- les demandes indemnitaires des appelantes sont mal fondées dès lors que le marché litigieux a été conclu pour un prix global et forfaitaire, que son économie générale n'a pas été bouleversée et que les travaux supplémentaires dont les sociétés requérantes se prévalent n'ont pas été réalisés ;
- il n'y a pas eu de comportement fautif de sa part ;
- une mesure d'expertise serait inadaptée dans la mesure où les travaux ont été réceptionnés depuis sept ans.




Vu les autres pièces du dossier.


Vu :
- le code des marchés publics
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Pellissier, président,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour les sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France, ainsi que celles de MeB..., pour le département de la Moselle.




Considérant ce qui suit :

1. Par acte d'engagement du 13 juillet 2004, le département de la Moselle a confié à un groupement composé des sociétés Sogea Construction (mandataire) et Alcatel un marché de conception-réalisation, pour un prix global et forfaitaire de 55 456 751,31 euros TTC, d'un réseau de télécommunications à haut-débit par une infrastructure de fibres optiques. Le délai d'exécution prévu était de 22 mois à compter de la notification du marché. Un avenant conclu le 19 avril 2005 a porté le montant du marché à 52 864 012,03 euros HT (63 225 358,39 euros TTC) et l'ouvrage a été réceptionné le 29 septembre 2006. A la suite d'un différend portant sur la contestation du décompte général arrêté le 30 décembre 2005 par le département, après révision des prix, à 57 491 566,45 euros HT, les sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France, anciennement Alcatel, ont saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à la condamnation du département de la Moselle à leur verser respectivement les sommes supplémentaires de 5 804 542,30 euros HT et de 868 759,73 euros HT. Ces sociétés font appel du jugement du 29 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.


Sur la régularité du jugement :

2. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté la demande des sociétés requérantes " sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par le département de la Moselle ". Contrairement à ce que les requérantes soutiennent, les premiers juges n'étaient pas tenus de se prononcer sur la recevabilité de leur demande, dès lors qu'ils rejetaient leurs conclusions comme infondées.

3. Le fait pour les premiers juges d'avoir " dénaturé les faits de l'espèce " en estimant les prétentions des requérantes infondées ou commis des " erreurs de droit " en écartant les chefs de préjudice invoqués ne constitue pas une irrégularité de nature à entraîner l'annulation du jugement par le juge d'appel saisi de moyens en ce sens. Il appartient seulement à ce dernier d'examiner ces moyens dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel qui est résulté de l'introduction de la requête.

Sur la demande d'expertise :

4. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. La mission confiée à l'expert peut viser à concilier les parties ".

5. L'état du dossier présenté au tribunal administratif permet d'apprécier l'ensemble des éléments utiles à la solution du litige et notamment de se prononcer sur le caractère contractuel ou non des travaux réalisés et les préjudices qui découleraient pour les requérantes de l'exécution de travaux supplémentaires. Dès lors, celles-ci ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif n'a pas ordonné d'expertise ou à demander qu'une expertise soit ordonnée par la cour.


Sur les réclamations des sociétés titulaires du marché :

En ce qui concerne les principes applicables au marché :

6. Le marché litigieux, conclu après appel d'offres en application des articles 37 et 80 du code des marchés publics et après remise par chacun des candidats d'une " étude d'avant-projet ", porte sur la conception et la réalisation, par le groupement titulaire, d'un réseau de télécommunications par fibres optiques couvrant l'ensemble du département de la Moselle. Le " programme fonctionnel détaillé " (PFD) et le " cahier des clauses techniques générales " (CCTP) inclus dans ce marché prévoient ainsi la réalisation de vingt-trois " tronçons " principaux, à implanter en général sous les routes départementales, et quinze " secteurs " ou " points fédérateurs " sous abri, situés aux principales intersections. Le marché initial a défini les acteurs économiques à relier au réseau, dont l'ensemble des collèges du département, et l'avenant conclu le 19 avril 2005 y a ajouté, moyennant un complément de prix de près de 7,8 millions d'euros, vingt-et-un " noeuds de raccordement d'abonnés " et la couverture de " zones blanches " pour la téléphonie mobile.

7. Pour demander la condamnation du département à leur verser, en complément du prix convenu par le marché et ses avenants, les sommes respectives de 5 804 542,30 euros HT et 868 759,73 euros HT, la société Sogea Construction, qui a exécuté les études et travaux de génie civil, et la société Alcatel Lucent France, en charge des études et travaux de pose des fibres optiques, invoquent des " sujétions imprévues " et soutiennent principalement que, pour vingt des vingt-trois tronçons et chacun des quinze secteurs, elles ont effectué au bénéfice du département des études et travaux supplémentaires qui ouvrent droit à rémunération.

8. En premier lieu, l'indemnisation des sujétions imprévues n'est possible que si les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un contrat présentent un caractère à la fois exceptionnel, imprévisible et extérieur aux parties et en outre, pour les marchés à forfait, si ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du contrat. Il ne résulte pas de l'instruction et les requérantes ne soutiennent d'ailleurs pas qu'en l'espèce l'économie du contrat a été bouleversée.

9. En deuxième lieu, le département, qui a conclu l'avenant du 19 avril 2005 ayant eu pour effet une importante majoration du prix initial, n'exclut pas que l'exécution de travaux non compris dans le marché puisse donner lieu à rémunération, mais soutient qu'au regard de la nature même de ce marché de conception réalisation et de ses stipulations, les demandes des requérantes sont irrecevables et infondées.

10. Le marché litigieux prévoit la conception et la réalisation de l'infrastructure départementale de télécommunications conformément au programme fonctionnel détaillé et au CCTP pour un prix global et forfaitaire. L'article 3.3 " contenu des prix " du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) précise : " (...) Le concepteur réalisateur est réputé avoir pris connaissance des lieux et de tous les éléments afférents à l'exécution des travaux. / Les prix globaux et forfaitaires s'entendent pour l'exécution, sans restriction ni réserve d'aucune sorte, de toutes les études et les ouvrages normalement inclus dans sa spécialité, ou rattachés à ceux-ci par les documents de la consultation ". Ce même article stipule en outre, s'agissant des études, que " le concepteur réalisateur est réputé avoir prévu, lors de l'étude de son offre, et avoir inclus dans son prix, toutes les modifications et adjonctions éventuellement nécessaires pour l'usage auquel elles sont destinées " et, s'agissant des ouvrages, que le concepteur réalisateur est réputé avoir vérifié, avant la remise de son offre, la justesse du document quantitatif figurant au dossier et devra de ce fait supporter, en cours de chantier et à titre d'aléas, " les dépenses supplémentaires imprévues ". L'article 2.1.1 du CCTP, consacré aux études de conception de l'infrastructure, rappelle que le concepteur réalisateur s'engage sur sa solution technique et que toute évolution du tracé par rapport à celle de l'avant-projet qu'il a remis est à sa charge exclusive, ceci pour l'ensemble des conséquences techniques et financières qu'impose la modification du tracé. Il est toutefois prévu une exception " dans le cas où la modification du tracé conduirait à la nécessité de raccorder un ou plusieurs sites prévus au contrat selon des conditions financières impliquant, pour le concepteur-réalisateur, un surcoût par site supérieur ou égal à 150 000 euros TTC ", ceci à condition que la modification résulte d'un cas de force majeure, auquel est assimilée " la non-obtention, par le maître de l'ouvrage, d'une autorisation de passage sur le domaine public non départemental ou sur une propriété privée ", à moins d'ailleurs que cet empêchement ait été prévisible par le concepteur réalisateur à la date de signature du contrat.

11. Les demandes supplémentaires des sociétés, détaillées ci-dessous, doivent être examinées au regard du cadre juridique ainsi défini.

En ce qui concerne les demandes de la société Sogea Construction :

S'agissant des études supplémentaires :

12. Pour demander une somme complémentaire totale, après révision, de 358 520,82 € HT au titre de la reprise des études, la requérante, qui rappelle qu'il lui appartenait de définir le tracé du réseau et d'obtenir les autorisations nécessaires, liste dans son mémoire en réclamation, tronçon par tronçon et secteur par secteur, les " nouvelles études " ou les " reprises d'études APD " qu'elle dit avoir dû effectuer à la suite de difficultés d'obtention de certaines autorisations de passage ou permissions de voirie ou des prescriptions spéciales qu'elle contenaient.

13. Il ne résulte d'aucune des pièces produites, qui n'impliquent pour la plupart que des modifications de détail par rapport aux tracés et aux modalités d'exécution définis par Sogea et soumis aux maîtres des ouvrages publics empruntés par le réseau, qu'un refus d'utilisation du domaine public aurait été opposé à cette société dans des conditions de nature à entraîner une modification du tracé entraînant un surcoût significatif. Il n'est en tout état de cause pas soutenu que les conditions posées par l'article 2.1.1 du CCTP pour l'indemnisation d'un tel surcoût auraient été réunies. La réalisation d'études supplémentaires pour adapter le tracé ou les caractéristiques du réseau départemental aux exigences des propriétaires des sols et ouvrages empruntés par le réseau fait donc partie des aléas que la société devait supporter aux termes de l'article 2.1.1 du CCTP et qui sont réputés inclus dans son prix forfaitaire selon l'article 3.3 du CCAP rappelés au point 10, alors même que ces nouvelles études auraient dû être réalisées après la remise au conducteur d'opération de l'" avant projet détaillé ".

S'agissant des chambres à l'intersection des routes départementales et en tête de réseau :

14. La société Sogea demande, à hauteur de 154 554,90 euros hors taxes avant révision des prix, l'indemnisation des surcoûts que lui aurait causés l'installation, réalisée selon elle à la demande du département au delà des prestations définies par le " programme fonctionnel détaillé ", de " chambres de raccordement " à chaque intersection de route départementale, ainsi qu'une somme de 4 282,95 euros HT pour la réalisation de telles chambres " en têtes de trois réseaux câblés d'autres opérateurs ". Le PFD prévoyait au point 2.3.5.2-3 une " chambre de tirage " à chaque changement d'infrastructure et une à " chaque changement important de direction ". Le modificatif au PFD figurant dans l'avenant de 2005 rémunère la réalisation de 120 " chambres de tirage " supplémentaires. En l'absence de toute démonstration de la requérante, et d'ailleurs de toute réclamation en cours d'exécution du marché, il ne résulte pas de l'instruction que des " chambres de tirage " ont été réalisées au delà des quantités prévues par le marché et son avenant, ni a fortiori que ce dépassement des quantités figurant au marché résulte d'une exigence du département qui ne serait pas imposée par la fiabilité technique du réseau, alors que le concepteur réalisateur s'est engagé à livrer sans majoration du prix un réseau en parfait état de fonctionnement.

S'agissant des autres travaux supplémentaires de génie civil :

15. La société Sogea demande, pour un montant total de plus de 5 millions d'euros hors taxes, la rémunération de divers travaux de génie civil qu'elle soutient avoir réalisés, au-delà de ce qu'elle avait prévu et qui auraient été validés par le département, du fait des exigences de différents maîtres d'ouvrages concernant la profondeur et la localisation des tranchées du réseau, le mode opératoire à employer, la localisation des équipements, l'abattage d'arbres ou la réalisation de divers travaux, notamment de revêtement, à leur profit. La seule circonstance que ces travaux ont été réalisés à la demande de communes ou d'autres maîtres d'ouvrages publics au-delà de ce que la société Sogea construction leur avait proposé dans les courriers sollicitant une permission de voirie ne suffit pas à démontrer que ces travaux ne font pas partie intégrante du marché qu'elle a conclu à prix global et forfaitaire, " après avoir pris connaissance des lieux et de tous les éléments afférents à la réalisation des travaux ", en s'engageant à concevoir et réaliser un réseau de télécommunications départemental répondant à certaines spécifications. Par exemple, si elle fait valoir, s'agissant du " secteur 15 ", que la ville de Metz a " imposé " une exécution du raccordement de ses onze collèges en " génie civil traditionnel " avec une tranchée profonde d'un mètre au lieu du procédé " Cleanfast " à 0,40 m de profondeur qu'elle avait proposé, ou que la direction départementale de l'équipement a imposé des " travaux en rive de chaussée " au lieu du " tranchage " proposé entre les communes d'Ancy et Moulins-lès-Metz, il est constant qu'il lui appartenait, en sa qualité de concepteur réalisateur, de prévoir les procédés et les localisations les plus adaptés et d'anticiper d'éventuelles oppositions ou exigences des maîtres d'ouvrages afin de les intégrer à son prix. Sa demande à ce titre ne peut donc être accueillie.

En ce qui concerne les demandes de la société Alcatel Lucent France :

S'agissant des changements de positionnement des " points fédérateurs " :

16. L'article 2.2.4.6.4 du CCTP prévoit la réalisation, à la charge de la société responsable de la pose de la fibre optique, de quinze " locaux de brassage " à implanter de préférence sur des terrains appartenant au département et donne une liste indicative des quatorze communes qui devraient accueillir ces points fédérateurs. La société Alcatel Lucent France soutient que le département, du fait d'exigences non prévues au marché, est à l'origine de changements de positionnement de huit points fédérateurs et qu'elle a dû exposer des frais supplémentaires, qu'elle estime à 378 hommes/jour au total, d'une part pour rechercher les nouveaux sites et d'autre part pour constituer les nouveaux " dossiers de déclaration de travaux " correspondant à ces sites.

17. Il ne résulte cependant pas de l'instruction, et notamment des comptes-rendus de chantier produits, que les changements, d'ampleur limitée, dans le positionnement des points fédérateurs en définitive retenus, résultent d'exigences du département non prévues au marché, ni d'ailleurs qu'ils auraient entraîné des délais excédant ceux initialement prévus.

S'agissant des mesures optiques supplémentaires :

18. Si la société Alcatel Lucent France soutient que " la décision du maître d'ouvrage de ne pas raccorder les dessertes aux boucles primaires et adjacentes " l'aurait obligée à réaliser 145 mesures optiques supplémentaires au coût unitaire de 3 750 euros HT, il ne résulte pas de l'instruction que ce choix technique du département, contre lequel aucune réclamation n'a été formulée en cours d'exécution du marché, excèderait le cadre contractuel fixé à l'article 2.1.2.3 du CCTP et devrait donner lieu à rémunération au delà du prix global fixé par le marché et son avenant, lequel intègre un complément de prix pour 21 mesures supplémentaires.


19. Il résulte de ce qui précède que les sociétés Sogea et Alcatel Lucent France ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande.


Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de la Moselle, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse aux sociétés requérantes la somme qu'elles demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire des sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France une somme de 2 000 euros à verser au département de la Moselle sur le fondement des mêmes dispositions.


D E C I D E :
Article 1er : La requête des sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France est rejetée.
Article 2 : Les sociétés Sogea Construction et Alcatel Lucent France verseront solidairement une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au département de la Moselle au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sogea Construction, à la société Alcatel Lucent France et au département de la Moselle.
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N° 13NC00174



Abstrats

39-05-02-01 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés. Décompte général et définitif.

Source : DILA, 26/05/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Nancy

Date : 21/05/2015