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CAA de LYON, 4ème chambre - formation à 3, 05/03/2015, 14LY01532, Inédit au recueil Lebon

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Président : M. WYSS

Rapporteur : Mme Aline SAMSON DYE

Commissaire du gouvernement : M. DURSAPT

Avocat : SCP COLLET-DE ROCQUIGNY CHANTELOT-ROMENVILLE & ASSOCIES


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments (ci-après SMTPB), dont le siège est 21 rue du Cros à Domerat (03410), représentée par son président en exercice ;

La société SMTPB, agissant en son nom propre et en qualité de mandataire du groupement d'entreprises formé avec la société ACTREAD, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300588 du 12 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Vaux à lui verser la somme de 31 714 euros, outre les intérêts et capitalisation des intérêts, en réparation du préjudice résultant de la perte d'une chance sérieuse de remporter le marché de construction d'une station d'épuration à filtres plantés attribué au groupement d'entreprises Leschel et Millet-Redon ;

2°) d'ordonner à la commune de Vaux de verser aux débats le cahier d'enregistrement des offres et le procès-verbal d'ouverture des plis, l'offre détaillée de l'entreprise retenue avant et après la négociation, les minutes de la négociation, la copie de la décision d'attribution et de l'acte de notification du marché ;

3°) d'annuler ce contrat et de condamner la commune de Vaux à lui verser une somme de 31 714 euros, à majorer de la taxe sur la valeur ajoutée, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 octobre 2009 et de leur capitalisation ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Vaux une somme de 5 000 euros, augmentée de la taxe sur la valeur ajoutée, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
- la passation du marché est entachée d'une irrégularité manifeste non régularisable, tenant à une négociation illégale ; si le Tribunal était contraint de ne juger la présente affaire qu'au titre de son volet indemnitaire, la Cour n'est pas tenue par les termes de son précédent arrêt du 4 avril 2013 et peut considérer la présente affaire à la lumière des conclusions aux fins d'annulation du contrat ; la requérante peut contester le marché au titre tant de son volet indemnitaire que de l'annulation ; c'est à tort que son recours en annulation a été jugé irrecevable pour défaut de production de la décision attaquée, dès lors que seule la lettre de rejet est la décision attaquée, la commune avait lié le contentieux au fond devant le Tribunal administratif, ce qui régularisait sa demande, elle avait demandé en vain l'acte d'engagement du marché mais n'a jamais pu en obtenir communication ; les termes du jugement attaqué autorisent pleinement la demande d'annulation du marché à l'appui des conclusions indemnitaires ;
- c'est à tort que le Tribunal a estimé que les irrégularités de la décision du 9 octobre 2009 rejetant l'offre de son groupement et de la décision de signer le marché résultaient d'une simple erreur matérielle, dès lors que la décision de rejet est le fait de la société BGN, maître d'oeuvre, qui n'était pas compétent pour signer un tel document, que cette lettre se réfère à une décision de la commission compétente du 12 octobre 2009, à une date postérieure, que le conseil municipal n'a délibéré de l'attribution du marché que le 21 octobre 2009, que la lettre du 27 novembre 2009 communiquant le rapport d'analyse des offres est également signée par la société BGN ; le marché a été signé à une date à laquelle la délibération du conseil municipal n'était pas exécutoire ;
- l'irrégularité du recours à la négociation doit entraîner l'annulation du marché et la reconnaissance de la chance sérieuse de la SMTPB d'emporter le marché ; c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la négociation n'avait porté que sur le prix et n'aurait pas modifié le classement des offres car un tel procédé constitue un manquement caractérisé aux obligations d'égalité de traitement et de transparence, le pouvoir adjudicateur doit indiquer dans chaque consultation s'il entend faire effectivement usage de la faculté de négocier, il n'est pas démontré que la négociation n'aurait porté que sur le prix, l'irrégularité manifeste de la négociation devrait suffire à jeter un doute sérieux et global sur l'impartialité du jugement s'agissant des deux autres critères, il convient d'établir que la négociation irrégulière n'est pas la cause directe de son offre, l'écart de notation a été réduit ;
- elle a droit à l'indemnisation de son préjudice, d'un montant de 31 714 euros hors taxe, à majorer de la taxe sur la valeur ajoutée, des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
- il y a lieu de demander la communication de pièces pour que la Cour soit éclairée sur les modalités concrètes selon lesquelles est intervenue la négociation entre la commune et le groupement attributaire ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2014, présenté pour la commune de Vaux, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de la société SMTPB une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :
- seules restent en débat les conclusions indemnitaires, le rejet des autres conclusions de première instance de la société SMTPB ayant été maintenu par la Cour ;
- la requérante ne démontre pas, comme il le lui incombe, qu'à supposer l'irrégularité du marché avérée, elle aurait eu une chance sérieuse de se voir attribuer le contrat ;
- aucune irrégularité n'entache le marché ; il a été signé par une autorité compétente, compte tenu de la délibération du conseil municipal du 21 octobre 2009 ; la décision d'attribuer le marché au groupement retenu émane du pouvoir adjudicateur, et non de la société BGN, la société requérante tentant de tirer profit d'une erreur de date, les courriers envoyés aux entreprises dont les devis n'ont pas été retenus ayant été envoyés après la réunion du conseil municipal ; le recours à la négociation n'est pas entaché d'irrégularité, la société requérante n'établit pas que les conditions de la négociation auraient manqué de transparence ou l'existence d'une rupture d'égalité, c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il y avait une irrégularité à n'avoir pas porté à la connaissance des candidats l'intention de négocier dans l'avis d'appel à la concurrence ou dans le règlement de consultation, dès lors que la négociation est clairement autorisée dans les marchés en procédure adaptée ; les critères de sélection des offres ne sont pas irréguliers ; aucune erreur manifeste d'appréciation sur la valorisation de l'offre du groupement requérant n'est établie ;
- la société requérante ne justifie pas d'un préjudice indemnisable en absence de chance sérieuse de remporter le contrat ; même sans négociation, le groupement retenu aurait obtenu la meilleure note ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 5 septembre 2014, présenté pour la société SMTPB, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que :
- la commune ne justifie pas la raison pour laquelle la lettre de rejet a été signée par le maître d'oeuvre et n'est pas en mesure d'établir la date réelle de la lettre portant rejet de son offre ;
- la commune ne démontre pas que la négociation n'a pas porté sur les autres critères que le prix, le fait que seules son offre et celle du candidat retenu aient été notées et que l'écart de notation soit minime renforce les chances sérieuses d'emporter le marché ;

Vu l'ordonnance en date du 10 septembre 2014 prononçant la clôture de l'instruction au 1er octobre 2014 ;

Vu l'ordonnance en date du 25 novembre 2014 reportant la clôture de l'instruction jusqu'au 29 décembre 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 décembre 2014, présenté pour la commune de Vaux, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 décembre 2014, présenté pour la société SMTPB, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que l'absence de bordereau de production et d'énumération des pièces produites par la commune de Vaux met en avant une possible violation du principe du contradictoire ; que la motivation de la pièce " analyse et classement des offres " ne permet pas de justifier les notes attribuées par le groupement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 5 février 2015 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, rapporteur,
- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;


1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le groupement composé de la société montluçonnaise de travaux publics et bâtiments (ci-après SMTPB) et de la société ACTREAD a soumissionné à l'attribution d'un marché tendant à la réalisation d'une station d'épuration à filtres planté, pour la commune de Vaux ; que la société SMTPB a sollicité l'annulation du marché conclu entre cette commune et le groupement d'entreprises Leschel et Millet - Renon ainsi que l'indemnisation du préjudice découlant de son éviction irrégulière ; que, par jugement du 4 octobre 2012, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté l'ensemble de sa demande ; que, par arrêt du 8 avril 2013, la Cour de céans a confirmé le rejet des conclusions tendant à l'annulation du marché, pour irrecevabilité, a annulé le jugement en tant qu'il statuait sur les conclusions indemnitaires et a renvoyé cette partie de la demande devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par jugement du 12 mars 2014, ce Tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires de la société SMTPB ; qu'elle relève appel de ce dernier jugement ;


Sur la recevabilité des conclusions tendant à l'annulation du marché :

2. Considérant qu'ainsi que le fait valoir la commune de Vaux, les conclusions tendant à l'annulation du marché ont été définitivement rejetées, le jugement dont il est interjeté appel portant seulement sur le rejet des conclusions indemnitaires de la société SMTPB ; que cette dernière n'est, par suite, pas recevable à demander à la Cour d'annuler le marché en litige ;


Sur les conclusions indemnitaires :

3. Considérant qu'ainsi que l'ont relevé, à juste titre, les premiers juges, la circonstance que la société requérante a été informée du rejet de son offre par une lettre datée du 9 octobre 2009 et émanant du maître d'oeuvre, n'est pas, dans les circonstances de l'espèce, constitutive d'une irrégularité, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est d'ailleurs pas allégué, que cette lettre aurait été envoyée avant le 21 octobre 2009, date à laquelle le conseil municipal de Vaux a décidé de retenir l'offre du groupement Leschel et Millet - Renon ; que, dans ces conditions, la date du 9 octobre 2009 figurant en en-tête de ce courrier doit être regardée comme constituant une simple erreur matérielle que l'absence de certitude sur la date de la signature du marché est sans incidence sur la régularité de la procédure d'attribution ; qu'il suit de là que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que son offre aurait été écartée par le maître d'oeuvre et non par le conseil municipal de Vaux ;

4. Considérant que si c'est le maître d'oeuvre qui a communiqué à la société SMTPB, par courrier du 26 novembre 2009, le rapport d'analyse des offres en réponse à sa demande du 17 novembre, cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la validité du contrat ;

5. Considérant qu'à supposer que le marché ait été signé par le maire avant que la délibération l'autorisant à conclure le contrat ne soit devenue exécutoire, faute d'avoir été reçue antérieurement en préfecture, une telle irrégularité serait sans incidence sur l'éviction du groupement SMTPB et n'est donc pas de nature à justifier qu'il soit fait droit à ses conclusions indemnitaires ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics : " (...) II.- Les marchés publics et les accords-cadres soumis au présent code respectent les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. Ces obligations sont mises en oeuvre conformément aux règles fixées par le présent code. (...) " ; que selon l'article 28 du même code dans sa rédaction applicable au litige : " Lorsque leur valeur estimée est inférieure aux seuils mentionnés au II de l'article 26, les marchés de fournitures, de services ou de travaux peuvent être passés selon une procédure adaptée, dont les modalités sont librement fixées par le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y répondre ainsi que des circonstances de l'achat. / Le pouvoir adjudicateur peut négocier avec les candidats ayant présenté une offre. Cette négociation peut porter sur tous les éléments de l'offre, notamment sur le prix. / Pour la détermination de ces modalités, le pouvoir adjudicateur peut s'inspirer des procédures formalisées prévues par le présent code, sans pour autant que les marchés en cause ne soient alors soumis aux règles formelles applicables à ces procédures. En revanche, s'il se réfère expressément à l'une des procédures formalisées prévues par le présent code, le pouvoir adjudicateur est tenu d'appliquer les modalités prévues par le présent code. (...) " ; que l'article 42 dudit code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : " Les marchés et accords-cadres passés après mise en concurrence font l'objet d'un règlement de la consultation qui est un des documents de la consultation. Ce règlement est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l'avis d'appel public à la concurrence. / Pour les marchés passés selon une procédure adaptée, le règlement de la consultation peut se limiter aux caractéristiques principales de la procédure et du choix de l'offre. " ;

7. Considérant que si le pouvoir adjudicateur décide, s'agissant d'un marché passé selon une procédure adaptée, de recourir à la négociation, le principe de transparence des procédures impose qu'il en informe les candidats potentiels dès le début de la procédure, dans l'avis public d'appel à la concurrence ou dans les documents de la consultation, ou à tout le moins qu'il précise, dans l'un de ces documents, qu'il se réserve la possibilité de négocier ;

8. Considérant qu'en l'espèce, ni l'avis d'appel à la concurrence, ni le règlement de la consultation ne mentionnent que le pouvoir adjudicateur entend recourir à la négociation ou se réserve une telle possibilité ; que, par suite, le recours à la négociation dans de telles conditions entache la procédure d'attribution du marché d'irrégularité ;

9. Considérant toutefois que l'irrégularité du recours à la négociation n'est pas de nature par elle-même, contrairement à ce que soutient la société requérante, à remettre en cause le bien-fondé de la notation des offres concurrentes ; qu'il résulte de l'instruction que l'offre du groupement dont était membre la société SMTPB ne comportait, s'agissant des références à des chantiers du même type, que des exemples de conception, les dossiers ayant trait à des réalisations ne précisant pas s'il s'agissait de stations plantées de roseaux, ce qui rendait son offre moins pertinente au regard des sous-critères permettant d'apprécier la valeur technique de l'offre, tenant aux capacités techniques et humaines de l'entreprise pour ce type de chantier et à la liste des travaux de même nature exécutés au cours des trois dernières années ; que, par ailleurs, sa description des procédés et moyens d'exécution envisagés pour le chantier, qui constituait un autre sous-critère utilisé pour la détermination de la valeur technique, était sommaire ; que la valeur technique constituait le critère principal, à hauteur de 50 %, le prix ne représentant que 30 % et le délai d'exécution 20 % ; que, dans ces conditions, compte tenu de la faiblesse de son offre sur ce point, et alors que l'écart de prix entre l'offre initiale du candidat retenu, avant négociation, et sa propre offre n'était pas tel qu'il pouvait suffire à compenser son retard sur le critère technique, les deux offres étant par ailleurs identiques s'agissant du délai d'exécution, la société SMTPB ne peut être regardée comme ayant été privée d'une chance sérieuse d'emporter le marché litigieux ; qu'elle n'a par suite pas droit à l'indemnisation de son manque à gagner ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société SMTPB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que ses conclusions indemnitaires ont été rejetées par le premier juge ;


Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés non compris dans les dépens :

11. Considérant en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de la société SMTPB doivent être rejetées ;

12. Considérant, en second lieu, que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner la société SMTPB à verser à la commune de Vaux une somme au titre des frais exposés non compris dans les dépens ;


DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Vaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Montluçonnaise de Travaux Publics et Bâtiments et à la commune de Vaux.
Délibéré après l'audience du 5 février 2015 où siégeaient :
- M. Wyss, président de chambre,
- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,
- Mme Samson Dye, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 mars 2015.
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N° 14LY01532



Abstrats

39-02-005 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Formalités de publicité et de mise en concurrence.

Source : DILA, 11/06/2015, https://www.legifrance.gouv.fr/

Informations sur ce texte

TYPE DE JURISPRUDENCE : Juridiction administrative

JURIDICTION : Cour administrative d'appel

SIEGE : CAA Lyon

Date : 05/03/2015