La démission : double expression de volonté
Parmi les causes de cessation définitive de fonctions, l’article 24 du Titre Ier du statut général mentionne, au 3°, « la démission régulièrement acceptée ». Cette terminologie laisse apparaître le caractère synallagmatique de la démission qui suppose, pour être régulière, une double expression de volonté : celle du fonctionnaire ou du stagiaire démissionnaire, celle de l’administration susceptible d’accepter la démission.
La démission doit être librement demandée.
Volonté non équivoque
La demande de démission fait l’objet d’un écrit du fonctionnaire, « marquant sa volonté non équivoque de cesser ses fonctions ». Doit ainsi être écartée la demande formulée en termes imprécis ou aléatoires, suivant lesquels l’agent exprime une intention vague (l’agent signale qu’il « envisage » de démissionner) ou une « menace » (l’agent met en balance sa démission et le refus d’une promotion ou d’une affectation). Dans de telles hypothèses, il convient de gérer le dossier avec rigueur, permettant d’apprécier la volonté réelle de l’agent et de le rappeler à ses obligations.
Un vœu informel de « démission » peut traduire des situations variables dignes de considération. L’agent concerné ne maîtrise pas nécessairement la sémantique juridique et statutaire, et le mot « démission » peut cacher le besoin d’une disponibilité (pour suivre ou retrouver un conjoint), d’un congé parental. La demande mal formulée est susceptible de traduire le malaise d’un agent souffrant de troubles mentaux (auquel cas, la volonté n’est pas exprimée en termes non équivoques) ou victime d’une certaine forme de harcèlement moral.
Pressions, poursuites disciplinaires
S’il a cédé à des pressions ou s’il ne s’est pas rendu compte de la portée de sa décision (en raison de son état de santé), il pourra demander au juge administratif l’annulation de la décision administrative acceptant sa démission (plusieurs jurisprudences témoignent de cette orientation) :
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CE (2e et 4e sous-sections), 22 mai 1968, Req. n° 73483, Melle Khalif, AJDA, 1968, p. 591
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CE (3e et 5e sous-sections), 5 novembre 1971, Commune de Billère, Req. n° 82307
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- CE, 12 décembre 1984, M. Guillon, RDP, 1985, p. 523.
Voici néanmoins une jurisprudence plus nuancée, la démission étant liée à des poursuites disciplinaires :
CE (1re et 4e sous-sections), 7 février 1986, CHR de Tours c/Mme Lecomte, Rev. française de droit administratif, Req. n° 56277
.
En revanche a été assimilé à une démission l’agent qui, à la suite de l’annulation de la décision de licenciement par le juge, a indiqué au maire de la ville dans une lettre que « l’inexécution par la mairie de ses obligations [le] conduisait à ne plus pouvoir travailler » et a demandé la cessation du versement de son traitement ainsi que la régularisation de sa situation pour les traitements versés depuis la date de sa réintégration (
CAA Paris, 21 novembre 2006, M. X., Req. n° 05PA03995
). Il ne peut demander l’annulation de la décision du maire acceptant sa démission.
De même, le fait de prendre acte de la rupture du contrat de travail et de demander à son employeur la production de son dernier bulletin de salaire, du solde de tout compte ainsi que du certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi a été interprété par le juge comme marquant sa volonté sans équivoque de démissionner (
CAA Bordeaux, 2 novembre 2009, Centre hospitalier de Rochefort-sur-Mer, Req. n° 08BX02301
).
Constitue une volonté non équivoque de cesser ses fonctions la lettre d’un agent indiquant que son état de santé ne lui permettait plus d’assurer son activité. Les termes de la lettre et le fait de fixer elle-même le terme de ses fonctions manifestent une intention de démissionner (
CAA Lyon, 28 septembre 2010, Mme Geneviève A., Req. n° 09LY01350 inédit
).
Situations non assimilables
La demande d’un agent d’être affecté dans un autre service n’est pas assimilable à une démission (
CAA Marseille, 4 avril 2006, Mme X., Req. n° 02MA01572
).
Très rarement, l’agent conteste sa propre démission arguant qu’elle est entachée d’un vice de consentement. Tel était le cas dans une affaire qui a donné lieu à un arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles (
CAA Versailles, 2 octobre 2008, M. X., Req. n° 07VE00423
). L’agent estimait que les maladies dont il souffrait (cancer du côlon et insuffisances respiratoires) avaient vicié son consentement. Le juge réfute cet argument estimant que l’intéressé n’était pas dans un état de santé ne lui permettant pas d’apprécier la portée de sa décision.
Requalification de la démission en licenciement
La démission peut être requalifiée en licenciement lorsqu’elle résulte en réalité d’une faute grave de l’administration qui a fait pression pour amener l’agent à la démission, et ouvre droit alors à indemnisation (CE, 21 avril 1873, Zickel, Rec. Lebon, p. 324 ; CE, 28 avril 1976, Ruy, AJDA, 1977, p. 321).