3 décrets entrés en vigueur le 20 juillet 2016 sont venus préciser les modalités de mise en œuvre de plusieurs outils de coordination entre les professionnels de l’ensemble des secteurs sanitaire, social et médico-social.
L’échange et le partage d’informations personnelles sont des opérations indispensables. L’échange peut se définir comme la communication d’informations à un destinataire clairement identifié par un émetteur connu. Il se matérialise notamment par la lettre de liaison.
Remarque
La lettre de liaison se substitue au « compte rendu d’hospitalisation » ainsi qu’à la lettre rédigée à l’occasion de la sortie du patient. On peut s’interroger sur les conséquences de la disparition du compte rendu d’hospitalisation – lequel pouvait être transmis dans les 8 jours de la sortie du patient – en ce qu’elle pourrait être un facteur de perte de l’information médicale, d’autant plus que la lettre de liaison doit désormais être remise au patient le jour de sa sortie.
Le partage des données, lui, « permet de mettre à disposition de plusieurs professionnels fondés à en connaître des informations utiles à la coordination et à la continuité des soins ou à l’intérêt de la personne » (source : Agence des systèmes d’information partagés de santé).
Ce guide a vocation à éclairer les gestionnaires sur les principes qui régissent l’échange et le partage des données patients.
À ce titre, les structures de coopération, d’exercice partagé ou de coordination sanitaire ou médico-sociale sont des cadres d’exercice favorables à la reconnaissance d’équipe de soins.
En application de l’
article L. 1110-4 du Code de la santé publique
, le pouvoir réglementaire définit les modalités d’échange et de partage de données entre, d’une part, les professionnels de santé et, d’autre part, les non-professionnels de santé des champs médico-social et social. En effet, les auteurs d’un échange ou d’un partage d’informations non conforme s’exposent à de graves sanctions.
Les critères de l’échange des données posés au II de l’
article L. 1110-4 du CSP
sont repris :
- la participation à la prise en charge d’une même personne ;
- le caractère strictement nécessaire des informations échangées à la coordination ou la continuité des soins, à la prévention, au suivi médico-social et social.
Au 2° du même article, une troisième condition est ajoutée. Elle tient au « périmètre » de la mission du destinataire de l’information
Ce dernier critère exige que les informations communiquées soient ciblées, cohérentes, au regard des compétences de chaque professionnel. La mission du professionnel est ainsi un élément d’appréciation du caractère nécessaire de l’information échangée.
A noter
Seules les informations strictement nécessaires à la prise en charge du patient doivent être échangées. Dans ce contexte, le mythe du secret partagé ne saurait fonder un échange ou un partage d’informations personnelles sans limite.
Selon les dispositions de l’
article R. 1110-2 du CSP
, 2 grandes catégories de professionnels sont éligibles au partage de l’information : les professionnels de santé et les non-professionnels de santé de l’action sociale ou médico-sociale. Le décret prend en compte la pluralité des intervenants. Ce choix n’est pas sans poser de difficultés. En effet, pour respecter les conditions de l’échange et du partage, les professionnels devront maîtriser leur champ de compétences et celui de chaque intervenant dans la prise en charge de la personne concernée. La nécessité de l’information transmise sera appréciée à l’aune des compétences du destinataire de l’information.
Remarque
On ne peut que conseiller de porter une attention particulière à la définition ou la redéfinition des champs de compétences au regard des métiers et fonctions de chacun.
Pour rappel, la loi pose, d’une part, une obligation d’information de la personne concernée de son « droit d’exercer une opposition à l’échange et au partage d’informations la concernant ». Cette information lui est due quand bien même son consentement ne serait exigé par les textes. La personne peut alors exercer ce droit à tout moment (
CSP, art. L. 1110-4, IV
).
D’autre part, dans l’hypothèse d’une prise en charge en dehors de l’équipe de soins, elle exige le recueil préalable du consentement de la personne prise en charge et ce, par tout moyen (
CSP, art. L. 1110-4, III al. 2
).
À ces obligations légales, le
décret n° 2016-994 du 20 juillet 2016
ajoute une obligation d’information préalable de la personne concernée en cas d’échange ou de partage de ses informations personnelles entre professionnels de santé et non-professionnels de santé de l’action sociale ou médico-sociale.
Ainsi, la dimension intersectorielle de l’échange ou du partage d’informations personnelles appelle une obligation d’information préalable spécifique. Cette information porte sur :
- la nature des informations devant faire l’objet de l’échange ;
- l’identité du destinataire et la catégorie dont il relève ou sa qualité au sein de la structure précisément définie.
Le II de l’
article R. 1110-3 du CSP
précise que « lorsqu’ils sont membres d’une même équipe de soins, les professionnels tiennent compte, pour la mise en œuvre de ce partage, des recommandations élaborées par la Haute Autorité de santé […] en particulier pour ce qui concerne les catégories d’informations qui leur sont accessibles ».
A noter
En vue de leur large diffusion auprès des différents professionnels et publics accueillis, ces règles pourront être inscrites dans le règlement de fonctionnement des établissements de santé et des établissements et services médico-sociaux.
Ce n’est pas parce que la personne est hors d’état d’exprimer sa volonté que « le professionnel ou la personne participant à sa prise en charge » est dispensé de cette obligation d’information préalable (
CSP, art. R. 1110-3, III
). Seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer cette personne l’en dispense. Cette disposition réglementaire ne fait qu’appliquer le principe général légal.
Dans cette dernière hypothèse, une information a posteriori de l’échange ou du partage des informations auquel il a été procédé est due. « Il en fait mention dans le dossier médical » (
CSP, art. R. 1110-3, III
).
Classiquement, l’exigence sous-jacente à ces obligations d’information est la traçabilité, par la structure, de la mise en œuvre de l’ensemble de ces informations préalables.
A noter
L’échange et le partage d’informations personnelles ne se confondent pas avec le secret médical partagé. La loi rappelle que les informations relatives à un patient ne sont pas partageables ou échangeables entre plusieurs professionnels au seul prétexte qu’ils prennent tous en charge cette même personne.
Chaque professionnel doit réfléchir sur la nécessité de l’information échangeable ou partageable au regard des compétences de son ou ses interlocuteurs. La possibilité d’échanger ou de partager une information nécessaire à la prévention doit être tout particulièrement anticipée. À défaut, la communication d’informations personnelles pourrait bien être aussi hasardeuse que la prévention peut l’être.
Cette réflexion doit être institutionnalisée puisqu’elle présente un enjeu qualitatif majeur pour la prise en charge de la personne au sein du service. La pertinence de l’ouverture des droits d’accès aux systèmes d’information pour chaque professionnel dépendra de la définition préalable de leur champ de compétence propre.
Élargissement du secret médical au personnel non médical
Le secret médical s’applique, depuis la
loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016
(également appelée « loi Touraine ») à l’ensemble des professionnels du secteur médico-social ou social ou exerçant au sein d’un établissement ou service social et médico-social.Cet élargissement du champ des personnes soumises au secret médical par la loi santé s’explique par un souci de clarification du rôle du personnel non médical qui n’était jusque-là pas autorisé à accéder à des informations qui pouvaient pourtant s’avérer utiles au traitement des patients.
Le secret médical n’empêche toutefois pas les professionnels de santé d’échanger des informations médicales sur leurs patients dès lors que ces informations sont utiles pour leur prise en charge, la loi santé facilite ce partage d’informations en élargissant l’accès à celles-ci au personnel non médical. Il faut distinguer 2 cas : soit les personnes appartiennent à la même équipe de soins, soit il s’agit d’échanges entre personnes d’équipes de soin différentes pour la prise en charge du patient.
Appartenance à une équipe de soin
Si les professionnels font partie d’une même équipe de soin, les informations peuvent être partagées avec l’ensemble des membres de l’équipe dans le cadre de la prise en charge.
La loi définit donc précisément cette équipe de soins à l’article L. 1110-12 du CSP comme étant « un ensemble de professionnels qui participent directement au profit d’un même patient à la réalisation d’un acte diagnostique, thérapeutique, de compensation du handicap, de soulagement de la douleur ou de prévention de perte d’autonomie, ou aux actions nécessaires à la coordination de plusieurs de ces actes ».
Alors que la législation raisonnait auparavant en termes de professionnels agissant au sein d’un même établissement, il n’est désormais plus nécessaire de travailler au sein du même établissement de santé pour être considéré comme membre d’une même équipe de soins, dès lors que les professionnels travaillent ensemble et sur le même patient. En revanche, l’équipe de soins doit, pour être constituée, comprendre au moins un professionnel de santé.
La loi santé de 2016, précisée par le décret d’application n° 2016-994 du 20 juillet 2016, stipule en effet que les informations médicales relatives à un patient « sont réputées confiées à l’ensemble de l’équipe de soins ». Ce qui permet de clarifier le statut du personnel non médical, mais aussi de certaines spécialités médicales non assermentées, comme l’ostéopathie, d’une équipe de soins : tous les membres de l’équipe peuvent désormais accéder aux données médicales personnelles.
Cette évolution a suscité des inquiétudes chez les syndicats de médecins qui s’inquiètent de l’élargissement du nombre de personnes pouvant accéder à ces informations et du risque que cela ferait peser sur le secret médical.
Cependant, l’accès à ces informations est soumis au secret médical et/ou professionnel et le décret stipule que cet accès aux informations doit être strictement justifié par leur caractère nécessaire à la prise en charge à la coordination ou à la continuité des soins, à la prévention ou à son suivi médico-social et social. En outre, le patient doit être dûment informé, tant de la nature des informations communiquées que de l’identité du destinataire et de sa fonction justifiant l’accès à ces informations. Il peut faire valoir son droit d’opposition à cet échange d’information.
Non-appartenance à une équipe de soin
Lorsque les professionnels ne font pas partie de la même équipe de soin, le patient doit donner son consentement préalable à cet échange d’information. Le décret d’application de la loi santé n° 2016-1349 du 10 octobre 2016 précise que ce consentement peut être obtenu par voie dématérialisée et que les données ne peuvent être utilisées que pour la durée de la prise en charge. Lorsque la personne est incapable d’exprimer sa volonté, seule l’urgence ou l’impossibilité d’informer cette personne peut provisoirement dispenser les professionnels de l’obligation d’information préalable. Cette décision est mentionnée dans le dossier médical et le patient en est informé dès que son état de santé le permet.
Accès au DMP
Il est à noter que la même procédure s’applique pour l’accès au dossier médical personnel. Ainsi, la création du DMP reste soumise au consentement du patient. Une équipe de soin ne peut y accéder qu’avec le consentement du patient.
En revanche, comme le précise le décret d’application de la loi santé n° 2016-914 du 4 juillet 2016, seuls les professionnels de santé peuvent y accéder (ce qui exclut donc le personnel non médical). Le patient ne peut pas s’opposer à ce que son médecin traitant puisse accéder à son DMP. Le patient peut cependant décider de clôturer son DMP et reste par ailleurs libre de changer de médecin traitant.
En conclusion, on peut donc noter que le législateur conserve une approche plutôt stricte du secret médical, et ce dans l’optique de protection de la vie privée. Cependant, la loi santé assouplit les conditions d’échanges d’information entre professionnels, toujours sous le sceau du secret, dans l’optique d’améliorer le fonctionnement des services médicaux et paramédicaux et la prise en charge des patients.