Quels choix d’orientation ?
Alors que l’enseignement est supposé mixte, on constate une répartition inégale des filles et des garçons dans le monde scolaire. Les filles sont proportionnellement plus présentes dans les formations littéraires, paramédicales, sociales, tandis que les garçons rejoignent plus fréquemment les formations scientifiques et relevant du domaine de la technologie industrielle.
Ce phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la France, les études de l’OCDE montrant des résultats sensiblement identiques dans la plupart des pays industrialisés (cf. Promouvoir la mixité de l’enseignement ).
Comment s’opèrent les mécanismes d’orientation pour que le système scolaire soit le théâtre de cette différenciation marquée des parcours ?
Les différences apparaissent très tôt. Même dans le collège considéré comme unifié depuis la loi Haby de 1975, la moindre possibilité de différenciation conduit à des comportements d’orientation différents chez les filles et les garçons. On constate ainsi, comme le montre le tableau 1 ci-dessous, que ces derniers choisissent plus fréquemment l’option « découverte professionnelle » de 6 heures en 3e (35,7 % seulement des élèves de DP6 sont des filles). En revanche, les sections européennes et internationales sont plus fréquemment choisies par les filles (58,4 % au niveau 4e-3e).
On voit ainsi apparaître dès le collège une première distinction conduisant les garçons à se tourner plus volontiers vers une situation de formation préfigurant fréquemment une orientation vers une voie professionnelle, alors que les filles se tournent vers une voie à connotation plus littéraire (enseignement linguistique).
Cette première tendance est confirmée par le fait que les garçons s’orientent plus fréquemment à la fin de la 3e vers la voie professionnelle (42 % contre 31 % de filles). Au sein de l’enseignement général et technologique, les filles font plus souvent des choix d'enseignement littéraire et les garçons d'enseignement scientifique ou technologique. Les choix des enseignements d’exploration de seconde générale et technologique sont à cet égard révélateurs. Pour ne prendre que deux exemples, une fille sur cinq (20,9 %) choisit l’enseignement « littérature et société » alors que les garçons ne sont qu’un sur dix à faire ce choix (9,6 %). L’enseignement de « sciences de l’ingénieur » est en revanche choisi par 2,2 % des filles alors que 12 % des garçons optent pour cette discipline.
En première, les choix de séries diffèrent : les filles vont davantage en ES et L et les garçons en S et STI. On note ainsi que seulement 30 % des filles inscrites en première générale et technologique choisissent la série scientifique contre 44 % des garçons. Le rapport est inversé pour le choix de la série littéraire qui accueille 16 % des filles et seulement 5 % des garçons.
Remarque
Les choix d’orientation dans l’enseignement professionnel sont également nettement sexués, puisqu’au lycée professionnel, ce sont les spécialités sanitaires et sociales, commerce-vente et bureautique qui arrivent en tête des choix des filles, alors que l’électricité-électronique est le secteur le plus prisé des garçons.
Les mécanismes en jeu : phénomènes d’autosélection
Pour expliquer ces choix d’orientation, il serait possible d’invoquer des différences de réussite des filles et des garçons, conduisant les premières, plus à l’aise dans les disciplines littéraires, à opter pour des formations relevant de ce champ disciplinaire alors que les seconds, meilleurs dans le domaine scientifique, investiraient les sections scientifiques et technologiques.
En fait, la situation est plus complexe. Des mécanismes d’autosélection entrent en jeu, incitant les filles à se considérer comme étant moins à même de réussir dans les disciplines scientifiques et donc à se détourner de ces formations, là où les garçons, plus confiants en eux, sont en mesure de passer outre à une évaluation moyenne pour rejoindre une formation en accord avec leurs représentations de réussite et d’excellence.
À niveau égal, des choix différents
L’étude menée par la DEPP en 2012 montre que quand il se juge très bon en français, un garçon sur dix rejoint la série L, alors que quand elles se jugent très bonnes en français, trois filles sur dix optent pour cette filière. À l’inverse, quand ils se jugent très bons en mathématiques, huit garçons sur dix choisissent la filière S, alors que les filles ne sont que six sur dix dans ce cas.
Source : DEPP (Division de l’évaluation, de la prospective et de la performance), Filles et garçons sur le chemin de l’égalité, de l’école à l’enseignement supérieur, 2012.
Il en résulte que, finalement, la mixité est mise à mal. C’est vrai dans l’enseignement professionnel où certaines spécialités sont presque exclusivement masculines (dans le secteur de la production) ou féminines (dans le secteur des services), mais aussi, dans une moindre mesure, dans l’enseignement général et technologique.