Aux États-Unis, les 8-18 ans consacrent plus de 7 heures 30 par jour à l’usage des écrans.
En France, on si situe autour de 4 heures 30 pour le seul couple télévision-Internet (Médiamétrie, étude KidsOnline de l’Union européenne). Jusqu’à une époque récente, les jeunes avaient tendance à « se coller » aux écrans (télévision, ordinateurs) ; aujourd’hui, avec le « nomadisme » et la multiplication des supports, ce sont les écrans qui se collent à eux, particulièrement le smartphone.
Fig.1 - Moyenne des heures passées devant les différents types d’écrans selon l’âge et le sexe (in M. Ngantcha. et al. op. cit.)
Télévision et réussite scolaire
De nombreuses études démontrent l’impact de la télévision sur les troubles de l’attention et des apprentissages. Le sociologue Michel Desmurget, directeur de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et auteur des livres TV lobotomie (Max Milo, 2012) et La Fabrique du crétin digital (op. cit.), affirme que l’ensemble des études disponibles aboutissent à des résultats qui sont sans appel…
Deux études américaines constituent à cet égard des exemples frappants. Elles montrent que chaque heure de télévision quotidienne supplémentaire consommée à 2 ans et demi se traduit par une chute de 6 % des compétences mathématiques à l’âge de 10 ans et que chaque heure de télévision consommée quotidiennement en semaine lorsque l’enfant est à l’école primaire accroît de 40 % la probabilité de voir ce dernier quitter le système scolaire sans qualification…
Remarque
Les collégiens appartenant à des foyers aux conditions socio-économiques modestes sont plus nombreux à regarder la télévision au-delà de 4 heures par jour, mais sont moins souvent utilisateurs d’ordinateurs pour communiquer ou faire leurs devoirs ou de smartphone, que les enfants des familles « aisées ». Cela peut s’expliquer par le manque d’équipement (alors que la télévision est omniprésente) mais aussi par un accès moins important ou moins facile à des activités ou des loisirs alternatifs (cinéma, sport, pratiques artistiques, etc.) et par un contrôle parental moins strict que dans les familles des classes « aisées », en particulier lorsque l’écran est directement installé dans la chambre de l’adolescent.
De nombreuses autres études vont dans le même sens.
Du divertissement à la distraction
Quant aux analyses portant sur la nature des contenus regardés, si les contenus éducatifs ne semblent pas créer d’augmentation des problèmes d’attention, ces derniers semblent en revanche directement corrélés aux contenus de divertissement, qu’ils soient ou non violents.
Les sociologues s’accordent pour mettre en avant différents paramètres explicatifs :
- la réduction du temps passé aux devoirs : deux heures de télévision se traduiraient par une réduction de 28 à 36 % du temps consacré aux devoirs ;
- la qualité et la durée du sommeil ;
- une dégradation du développement cérébral ;
- avec une télévision allumée, les jeux perdraient en richesse, ce qui a un impact sur la mémoire ;
- les formats audiovisuels rapides de la télévision habituent le cerveau à modifier continuellement ses focalisations cognitives et ses engagements intellectuels ;
- une moindre relation aux adultes : quand la télévision est allumée, il y a moins d’échanges à la maison.
De manière générale, la télévision altérerait le développement cognitif en substituant des pratiques fonctionnellement pauvres à des expériences intellectuellement formatrices.
Remarque
Dimitri Christakis, chercheur au Seattle Children’s Institute de l’université de Washington, parle de la télévision comme d’un « problème de santé publique ».
Les experts s’accordent sur des règles simples : jamais de télévision dans la chambre d’un enfant ou d’un adolescent, pas de télévision avant 2 ans et 2 heures au maximum après cet âge.
Malgré ces recommandations, en France, les enfants de 4 à 14 ans regardent la télévision en moyenne 2 h 18 par jour.
A noter
Les jeunes Américains de 8 à 18 ans sont en moyenne exposés 6 h 21 par jour aux écrans (télévision, vidéos, jeux vidéo, ordinateurs, Internet). L’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) a mené une enquête, en décembre 2016 en région parisienne, chez des adolescents scolarisés de 15 ans qui met en évidence des durées d’exposition aux écrans pouvant aller jusqu’à 5 ou 6 heures par jour chez certains élèves (PELLEAS, Obradovic et al., 2014).
Jeux vidéo et réussite scolaire
Des études récentes montrent que l’utilisation des jeux vidéo peut générer des troubles de l’apprentissage et impacter la réussite scolaire.
Le psychologue Robert Weis affirme : « Il ne faut pas diaboliser les jeux vidéo, mais contrôler leur utilisation en en limitant le temps d’utilisation. »
Une étude menée à Singapour pendant trois ans auprès de 3 000 enfants montre également leur impact sur les troubles de l’attention, les jeux vidéo générant impulsivité et hyperactivité.
Comme pour la télévision, les raisons identifiées sont les troubles du sommeil et la réduction du temps passé pour les devoirs.
Les spécialistes de neurosciences indiquent aussi que les émotions fortes procurées par les jeux vidéo ou les films violents influencent les processus d’apprentissage : les connaissances fraîchement acquises sont très sensibles à la période de consolidation qui suit, or des expériences émotionnelles fortes (60 minutes de jeux, un film) dans les heures suivant l’apprentissage influencent le processus de consolidation de la mémoire.
Deux corrélations problématiques
En France, le redoublement (en nette diminution) apparaît comme un indicateur synthétique à même d’appréhender cette problématique. Une étude montre que les redoublants sont plus nombreux à passer plus de 4 heures par jour devant la télévision, à jouer sur une console ou à utiliser un ordinateur. Ce temps consacré aux écrans pour le divertissement et le loisir est susceptible de réduire substantiellement celui consacré à l’apprentissage scolaire et, par ce mécanisme, d’engendrer des difficultés scolaires pouvant, dans certains cas, déboucher sur un redoublement. Ceci dit, on pourrait objecter que s’ils passaient leur temps à jouer au foot, ce serait sans doute la même chose… À ceci près que le foot, outre qu’il est plus physique, est aussi plus socialisant.
D’autre part, l’augmentation de la durée passée devant un écran se révèle aussi associée à un risque accru de harcèlement infligé aux pairs, quel que soit le type d’écran considéré. Ainsi, 34,6 % des auteurs de brimades déclarent avoir passé plus de 4 heures par jour devant la télévision et 27,1 % devant une console, alors que ces taux sont respectivement de 25,4 % et 18,7 % chez les élèves n’ayant pas harcelé leurs pairs (in F. Ramus, Ramus méninges, 29 octobre 2019, www.scilogs.fr).
Les experts alertent également les parents sur l’utilisation précoce des tablettes, qui présente un risque de frein au développement des jeunes enfants.
Internet rend-il bête ?
Des études scientifiques démontrent que le temps passé devant les écrans est, selon les statistiques, associé à un plus faible capital cognitif. L’une d’elle, Walsh et al. fut très médiatisée en 2018, car elle mettait en corrélation le quotient intellectuel (QI) et l’exposition aux écrans. Ainsi, les « enfants passant plus de 2 heures par jour devant un écran auraient en moyenne 4, 25 points de QI de moins que les autres » – une mesure qui ne dépendrait pas des facteurs personnels suivants : revenus du foyer, éducation des parents, ethnicité ou indice de la masse corporelle… (cf. F. Ramus, art. cit.)
Remarque
S’il est possible que le temps passé devant les écrans ait effectivement un effet négatif sur les performances cognitives de l’enfant, il est également possible que les enfants ayant de moins bonnes capacités cognitives soient plus attirés par les écrans que les autres, ou bien encore qu’il existe d’autres facteurs, non mesurés dans ces études, qui influencent à la fois l’exposition aux écrans et le développement cognitif comme l’environnement familial et social, des facteurs prénataux, ou des prédispositions génétiques.
Science et bon sens
« Si l’exposition aux écrans semble bien avoir des effets négatifs sur le développement cognitif, seules des expositions massives peuvent avoir un impact véritablement inquiétant. Beaucoup de commentateurs voient ces résultats comme reflétant un effet intrinsèquement délétère des écrans, accusés de corrompre le développement du cerveau, arguments agrémentés de force noms de neurotransmetteurs et de régions cérébrales pour leur donner un semblant de crédibilité, bien qu’aucune étude scientifique ne justifie de telles attributions. Il existe pourtant une interprétation bien plus simple de l’effet des écrans. Si un jeune enfant passe 3 heures par jour seul devant la télévision ou à jouer sur une tablette, c’est autant de temps pendant lequel il n’interagit pas avec ses parents et avec d’autres adultes ou enfants. Or, les interactions sociales et verbales sont bien évidemment cruciales pour le développement du langage et des autres compétences cognitives. Nul besoin d’invoquer un effet maléfique des écrans pour comprendre cela. Dans ces cas-là, il ne suffit pas de dire aux parents de supprimer les écrans ; encore faut-il leur recommander des activités de substitution qui aient un rôle plus positif sur le développement cognitif. »
Cf. F. Ramus, art. cit.
Le risque mis en avant par les chercheurs est que les jeunes deviennent des consommateurs superficiels de données. En effet, une page sur le Web est regardée entre 19 et 27 secondes, et moins de une sur dix est regardée plus de 2 minutes. Et cette lecture rapide, associée à la primauté toujours donnée à la nouveauté, vient surcharger la mémoire de travail.
Remarque
La mémoire de travail est un type de mémoire à court terme dont le rôle est de transférer les informations dans la mémoire à long terme, qui est celle de la compréhension, qui permet la mise en cohérence des informations et l’élaboration conceptuelle. Or, à défaut de solliciter cette dernière, nous devenons de simples consommateurs de données.
Les écrans connectés comportent donc des risques : excès d’utilisation, primauté à la nouveauté, surcharge cognitive, perte du contrôle de l’attention, superficialité, avec, à la clé, un risque d’addiction.