Une mesure à large champ
L’introduction, le 6 août 2019, de la rupture conventionnelle dans le dispositif légal d’emploi des agents contractuels de droit public constitue l’une des innovations majeures de la
loi de transformation de la fonction publique
.
L’ouverture de la mesure, qui précédemment n’était pas admise dans la fonction publique, est d’autant plus remarquable qu’elle est étendue non seulement à certains agents contractuels de droit public mais aussi aux fonctionnaires (
L. n° 2019-828, 6 août 2019, art. 72
, I et II). Pour les titulaires, il s’agit d’une expérimentation qui sera conduite du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2025 et donnera lieu à une évaluation présentée au Parlement un an avant son terme.
Les objectifs des pouvoirs publics
Cette nouvelle modalité de cessation des fonctions s’inscrit au rang de diverses mesures ayant pour objet de « favoriser la mobilité et accompagner les transitions professionnelles des agents publics » (L., 6 août 2019, préc., titre IV).
Au-delà de cet intitulé, déjà significatif, les objectifs des pouvoirs publics sont exprimés dans l’étude d’impact de la loi de 2019 de transformation de la fonction publique.
Les objectifs affirmés dans l’étude d’impact – Selon l’étude d’impact de la réforme de 2019 (étude du 27 mars 2019, jointe au
dossier législatif
publié au JO) :
« La mise en place de la rupture conventionnelle s’inscrit dans l’objectif, plus général, du gouvernement qui vise à favoriser la fluidité des carrières entre l’emploi public et le secteur privé tout en renforçant les garanties relatives au recrutement et aux conditions d’emploi des agents contractuels. Il s’inscrit également dans le cadre des plans de départs volontaires. […] En ce qui concerne le volet “chômage” de la présente mesure, l’objectif est d’étendre le régime d’auto-assurance chômage des agents publics civils aux cas de privation d’emploi résultant d’une rupture conventionnelle […]. L’objectif poursuivi est d’accompagner les démarches volontaires de départ de la fonction publique avec une garantie supplémentaire pour les agents concernés. »
Il ressort des objectifs des pouvoirs publics que la mesure a pour but de favoriser les départs de certains agents en CDI de la fonction publique, en rendant attractifs de tels projets par le versement d’une indemnité de rupture et la possibilité d’accéder au régime des indemnités chômage, deux avantages financiers que la démission n’offre pas (hormis les cas de démission légitime qui ouvrent le droit aux indemnités chômage).
Une mesure longtemps refusée dans la fonction publique
Un long cheminement – Onze ans auront été nécessaires à l’introduction en droit de la fonction publique de la rupture conventionnelle du contrat, si l’on se réfère à la mise en place de cette mesure à l’endroit des employeurs et salariés de droit privé par la
loi n° 2008-596 du 25 juin 2008
, désormais codifiée aux
articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail
.
L’interdiction par le juge administratif – En l’absence de disposition légale propre à la fonction publique, le juge administratif a censuré l’utilisation de la mesure par l’administration et ses cocontractants :
- directement, lorsque les éléments du dossier soumis faisaient référence expressément à la rupture conventionnelle (
CE, 28 mai 2014, n° 366009
, cons. 6 ;
CAA Lyon, 5 févr. 2019, n° 17LY00395
, cons. 3) ;
- ou indirectement (lorsque les parties n’avaient pas fait référence expressément à la rupture conventionnelle), en jugeant qu’il ne leur était pas loisible de négocier les conditions d’indemnisation de la rupture du contrat de travail, si l’indemnité allouée au titre de cette rupture s’avérait supérieure au montant de l’indemnité qu’aurait perçue l’intéressé en cas de licenciement, car les dispositions relatives au calcul de l’indemnité de licenciement présentent un caractère d’ordre public (
CE, 14 juin 2004, n° 250695
, cons. 3).
La consécration de la rupture conventionnelle concernant les agents contractuels – Selon les dispositions de l’
article 72, III, de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019
de transformation de la fonction publique, « les modalités d’application de la rupture conventionnelle aux agents recrutés par contrat à durée indéterminée de droit public […], notamment l’organisation de la procédure, sont définies par décret en Conseil d’État ».
Deux décrets ont précisé, d’une part, le régime de cette procédure (
D. n° 2019-1593, 31 déc. 2019
) et, d’autre part, les modalités de calcul des montants « plancher » et « plafond » de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle (
D. n° 2019-1596, 31 déc. 2019
).
Les agents concernés – À l’instar de la solution retenue dans le secteur privé par le Code du travail, seuls les contrats conclus à durée indéterminée pourront faire l’objet d’une rupture conventionnelle. Cette modalité de séparation à l’amiable n’est donc pas autorisée lorsque le contrat est conclu à durée déterminée.