Plus souvent vécue dans le secteur privé que dans le secteur public, la suppression d’emploi dans la fonction publique est une réalité à laquelle les agents peuvent être confrontés.
La suppression d’emploi doit être fondée sur l’intérêt du service
Aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine explicitement les causes de la suppression d’un emploi. À défaut de précisions dans la loi, le juge administratif va vérifier si la suppression de l’emploi est fondée sur l’intérêt du service, c’est-à-dire que la suppression de l’emploi est fondée soit sur un motif économique, soit sur un motif de réorganisation du service.
Contrôle du juge – La suppression d’un emploi dans l’intérêt du service constitue un motif légitime de licenciement. Encore faut-il que cet intérêt du service soit justifié par l’administration. Le juge contrôle les motifs avancés par l’administration (
CE, 24 juin 1992, Hennon, n° 120060
, Rec. Lebon, tables, p. 1082).
Exemples :
- La création d’un poste de contractuel après l’éviction d’un agent pour un motif tiré de l’organisation du service impliquant la suppression de son poste permet au juge de considérer que le motif initial n’est pas fondé (TA Amiens, 24 avril 2007, Mme Raskin, n° 0400871, AJFP janvier-février 2008, p. 54).
- Est justifié au titre de l’intérêt du service le licenciement d’un agent dont les fonctions ne correspondaient plus à la mission principale du centre dont les activités avaient été réorientées vers l’activité équestre pour laquelle l’agent ne disposait pas des diplômes requis (
CAA Paris, 20 mai 2008, n° 07PA00351
).
- La suppression d’emploi par mesure d’économie peut intervenir quel que soit l’état des finances locales (CAA Douai, 4 décembre 2008, Mme Candelier, n° 07DA00558).
- Le juge ne se contente pas de la suppression des tableaux des emplois permanents dans les centres hospitaliers. Il vérifie la réalisation de la suppression de l’emploi de directeur de la restauration. Dans l’affaire Assistance publique des hôpitaux de Marseille, un agent avait été licencié en raison de la suppression de l’emploi sus-indiqué qu’il occupait. En réalité, les fonctions ont été attribuées à d’autres agents de l’établissement public. Le juge a considéré que le licenciement pour suppression de poste n’était pas fondé (
CAA Marseille, 5 février 2010, Assistance publique des hôpitaux de Marseille, n° 07MA04930
).
Constitue un licenciement dans l’intérêt du service celui d’un agent de service à la suite de la décision de l’administration de confier la mission de nettoyage à une entreprise privée (
CAA Marseille, 18 décembre 2009, n° 07MA03676
).
Détournement de pouvoir – Le juge prend la précaution de vérifier sur la base du dossier qui lui est fourni que la suppression de l’emploi ne cache pas en réalité un détournement de pouvoir.
Sont illégales les délibérations qui ont en réalité pour objet de permettre le licenciement de l’agent occupant l’emploi supprimé. Le Conseil d’État a ainsi considéré comme illégal le licenciement d’un agent contractuel consécutif à la suppression de son emploi, au motif qu’il ressortait : « des pièces versées au dossier que la délibération (portant suppression de son emploi) […] n’était pas motivée par des considérations relatives à l’emploi occupé, mais se fondait exclusivement sur les insuffisances professionnelles et le comportement général imputés à M. Blanc dans l’exercice de ses fonctions » (
CE, 25 mai 1992, M. Blanc, n° 85115
;
CAA Lyon, 9 juin 2000, SIAEP « Rive gauche du Cher », n° 99LY02396
).
La légalité de la suppression de l’emploi dépend des circonstances de chaque espèce. Suivant les situations, le juge reconnaîtra ou non le détournement d’un pouvoir.
Procédure de suppression des emplois dans la FPT
Procédure en trois temps – Trois organes doivent intervenir dans la procédure de suppression d’un emploi : le comité technique (CT), l’assemblée délibérante et l’autorité territoriale. L’article 97 de la
loi n° 84-53 du 26 janvier 1984
précise qu’un emploi ne peut être supprimé qu’après avis du CT, avis qui doit faire l’objet d’une transmission au délégué régional ou interdépartemental du CNFPT, pour les postes de catégories A, ou au président du centre de gestion, pour les postes de catégorie B et C. Le non-respect de l’obligation qui résulte de l’article 97 entraîne l’illégalité de la délibération qui supprime le ou les emplois.
L’avis du CT est obligatoire mais consultatif, c’est-à-dire qu’il ne lie pas l’autorité territoriale.
La délibération doit de son côté être suffisamment précise. Le juge administratif recherche si la volonté de l’assemblée délibérante de supprimer un emploi est réelle (
CE, 22 décembre 1993, Commune de Sainte-Marie-de-la-Réunion, n° 127980
).
Contrôle de légalité de la préfecture – Pour être exécutoires, la délibération et la décision de l’autorité territoriale doivent être transmises au contrôle de légalité de la préfecture. Si la délibération n’est pas parvenue en préfecture, elle n’est pas exécutoire et le maire ne peut se fonder sur cette délibération supprimant l’emploi pour licencier le jour même l’agent non titulaire occupant cet emploi (
CE, 18 octobre 1993, Guerraz, n° 96589
).
Remarque
L’article 92 de la
loi n° 86-33 du 9 janvier 1986
portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière qui prévoit la consultation du CT avant la suppression d’un emploi ne s’applique pas aux agents non titulaires (
CAA Nantes, 9 juin 2006, M. Juillet, n° 05NT00512
: à propos du licenciement d’un agent à la suite de la fermeture d’un atelier dans un établissement public social et médico-social).
Conséquences de la suppression d’un emploi pour l’agent contractuel
Aucun droit au reclassement – Contrairement aux agents fonctionnaires, il n’existe pas de droit au reclassement sur un autre emploi d’un agent contractuel en cas de suppression de son emploi. Une telle garantie de reclassement est en effet liée dans la fonction publique à l’appartenance de l’agent à un grade (
CE, 13 octobre 1997, Mme Sommier, n° 162017
).
La suppression de l’emploi de l’agent non titulaire découlant d’une décision de réorganisation ou par mesure d’économie prise dans l’intérêt du service conduit au licenciement de l’agent contractuel, si l’administration n’a pu trouver de solution à lui proposer.
Remarque
FPT : L’agent peut obtenir l’annulation de la décision de licenciement prise par l’autorité territoriale en invoquant l’illégalité de la délibération ayant supprimé son emploi, même après l’expiration du délai de recours, par la voie de l’exception d’illégalité et dans la mesure où la décision de licenciement ne constitue qu’une mesure d’application de la délibération.
Obligation pour l’administration de rechercher une solution de reclassement – La jurisprudence a reconnu l’existence d’un principe général du droit impliquant une obligation pour l’administration de rechercher une solution de reclassement en cas de suppression d’emploi.
Procédures à suivre en matière de reclassement – La réforme de novembre 2014 et celles de 2015 ont introduit pour les agents publics contractuels de la fonction publique une procédure de reclassement dans plusieurs hypothèses, notamment en raison de la suppression du besoin ou de l’emploi qui a justifié le recrutement de l’agent pour répondre à un besoin permanent (
décret n° 86-83 du 17 janvier 1986
, art. 45-5 ;
décret n° 91-155 du 6 février 1991
, art. 41-5 et 41-6 ;
décret n° 88-145 du 15 février 1988
, art. 39-5 ; cf. Reclassement lié à l’évolution de l’emploi).
Les apports de la jurisprudence
Situation avant la jurisprudence Sadlon – Par le passé, la jurisprudence intervenue avant l’avis Sadlon du Conseil d’État (2013) se caractérisait par l’absence de consensus. Ainsi, certaines décisions avaient reconnu un tel principe à partir de 2010. La CAA de Marseille a reconnu l’existence d’un principe général du droit suivant lequel lorsqu’une administration supprime l’emploi d’un agent bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, l’autorité administrative doit le reclasser et ne peut le licencier que si le reclassement s’avère impossible ou si l’agent refuse le reclassement qui lui est proposé (
CAA Marseille, 30 mars 2010, Mme Luzy, n° 08MA01641
). Cela impliquerait donc une nouvelle obligation à la charge des employeurs publics. La solution a été rendue pour la FPE (voir aussi TA Nantes, 18 mai 2011, n° 0705084, concl. Th. Giraud, AJDA 2011, p. 1334 ;
CAA Lyon, 19 juin 2012, n° 11LY03037
;
CAA Nantes, 30 novembre 2012, Ministre de l’Éducation nationale, n° 11NT01865
;
CAA Marseille, 16 avril 2013, n° 12MA02125
). À l’inverse, d’autres jurisprudences semblaient refuser ce principe, du moins en s’en tenant au texte, et ont constaté l’absence d’obligation (
CAA Nantes, 4 mars 2010, Alluin, n° 09NT00506
).
Confirmation par le Conseil d’État (jurisprudence Sadlon) – Le Conseil d’État a été saisi d’une question préjudicielle portant sur l’existence d’une obligation de reclassement :
« Dans l’hypothèse où un agent bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée, en application des dispositions ci-dessus rappelées, pourrait être évincé pour permettre le recrutement d’un fonctionnaire titulaire, l’administration a-t-elle l’obligation de reclasser l’agent dans un autre emploi, alors qu’un principe général du droit imposant une telle obligation n’a été reconnu jusqu’ici par la jurisprudence du Conseil d’État qu’en faveur de l’agent contractuel atteint d’une inaptitude physique l’empêchant de manière définitive d’occuper son emploi ? »
Il a considéré qu’il existait un principe général du droit selon lequel il incombe à l’administration, avant de pouvoir prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un CDI pour affecter un fonctionnaire sur l’emploi correspondant, de chercher à reclasser l’intéressé. Aussi, l’administration devra effectuer une recherche en ce sens et le licencier seulement en cas d’impossibilité de le reclasser (
CE, Sect., avis, 25 septembre 2013, Sadlon, n° 365139
, consid. 3, Rec. Lebon, p. 233).
Pour une application, à propos d’un enseignant d’un Greta :
CE, 18 décembre 2013, Ministre de l’Éducation nationale, n° 366369
, Rec. Lebon, tables.
La règle vaut en cas de suppression de l’emploi pour des motifs économiques (
CE, 22 octobre 2014, Ministre de l’Éducation nationale, n° 368262
, consid. 3).
Pas d’extension aux titulaires – L’administration ne saurait être tenue, avant de prononcer le licenciement d’un agent contractuel recruté en vertu d’un CDI dont l’emploi est supprimé, de chercher à le reclasser lorsque cet agent dispose par ailleurs, en qualité d’agent public titulaire d’un droit à réintégration dans son administration d’origine (
CE, 10 octobre 2014, Département des Alpes-Maritimes, n° 365052
).
Pas de droit à la communication du dossier personnel – Le licenciement prononcé suite à une suppression d’emploi n’ouvre pas droit à la communication préalable à la décision de licenciement du dossier personnel de l’agent. En effet, cette communication ne s’impose que pour les décisions de licenciement prises en considération de la personne. Le licenciement pour suppression d’emploi ne semble emporter une telle communication que dans le cas où la décision de suppression de l’emploi s’est également accompagnée d’une appréciation portée sur la personne licenciée (
CE, 28 mars 1990, Commune de Saint-Laurent-du-Var, n° 91738
).