Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Emmanuelle Licitri : Forte d'une carrière publique de plus de 23 ans, j'ai eu un parcours riche et diversifié dans des collectivités et EPCI du bloc communal de taille moyenne à très grande. Recrutée à 24 ans à la sortie du concours d'Attaché, je choisis tout d'abord les fonctions supports, épine dorsale de toute organisation. Ayant la chance de croiser des élus et des DGS qui ne m'enferment pas dans une compétence, je navigue sur des fonctions d'expertise de la comptabilité publique aux RH, en plaçant toujours l'humain au cœur de mes préoccupations et de mon management.

Animée par la volonté de faire progresser les hommes et les structures, par l'envie d'apprendre, toujours en quête de nouveaux défis, je bascule sur des fonctions de DGA qu'un Maire, nouvellement élu, me propose. Il me met le pied à l'étrier sur des fonctions d'encadrement supérieur, misant sur ce qu'il avait perçu de mes capacités à faire et à animer des équipes pluridisciplinaires. D'abord sur les fonctions RH-juridique, je bascule ensuite quelques années plus tard, à la faveur de réorganisations internes, sur l'ensemble des services à la population, soucieuse d'appréhender la vision « terrain ». Créative, dotée d'une forte capacité d'innovation, le Maire me confie par la suite le poste de Directrice des Affaires culturelles, avec pour objectif d'impulser un rayonnement accru à sa collectivité et de la propulser sur le devant de la scène dans un territoire à fort enjeu politique et économique. Cette expérience fabuleuse a été la plus enrichissante car elle m'a obligée à sortir de ma zone de confort. J'en suis sortie grandie, avec une connaissance et une confiance en moi renouvelées.

Persuadée de l'enrichissement réciproque que la mutualisation peut apporter, je saisis en 2018 l'opportunité d'un poste de DGA-RH nouvellement créé pour une agglomération de 56 000 habitants et sa ville centre de 27 000 habitants en Vaucluse. J'y impulse depuis, aux côtés des deux DGS et d'une Autorité territoriale unique, une dynamique d'innovation managériale favorisant une culture commune, la coresponsabilité, l'innovation, la résilience, l'adaptabilité et l'ouverture.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Emmanuelle Licitri : Agilité : pour s'adapter quotidiennement à la culture de chacune des deux collectivités, proposer à tout moment la meilleure solution, passer instantanément d'une vision stratégique à un sujet relevant plus de la gestion courante.

Intuition : pour être à l'avant-garde des évolutions sociétales qui nécessiteront des transformations internes qu'elles soient organisationnelles ou managériales et proposer ainsi à ma hiérarchie un accompagnement adapté à l'ensemble des services.

Créativité : pour oser sortir des sentiers battus et proposer des solutions originales qui sauront créer l'adhésion.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Emmanuelle Licitri : La toute première est d'aimer l'humain, faire preuve de qualités d'écoute et d'empathie.

Avoir une certaine pugnacité aussi, une capacité à se remettre en question et savoir accueillir la critique.

Enfin, détenir un brin d'audace, mais également une force de persuasion et la capacité à dire les choses, même celles qui sont plus difficiles à entendre.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Emmanuelle Licitri : Mes équipes, les projets que je porte ou que j'entrevois de mener prochainement et plus personnellement mon fils et nos fous rire.

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Emmanuelle Licitri : J'en relaterai deux. En qualité de Directrice des Affaires culturelles, ce fut l'élaboration d'une politique culturelle 2016-2020 qui a permis la création de synergies public-privé favorisant le déploiement de projets d'envergure à faible coût :

• renouveau des expositions : Dali-Happening, Grandes résistantes contemporaines, Tintin ;
• redynamisation des actions médiathèque : offre adaptée à tout âge, labellisation famille-plus ;
• déploiement de partenariats d'excellence : conférence d'un astronaute en partenariat avec un palace 5 étoiles et un domaine viticole ;
• travail sur la communication évènementielle : plaquettes culturelles, charte graphique exposition, partenariat médias locaux et internationaux.

Ce fut une expérience riche d'enseignements sur moi, sur mes capacités, sur qui j'étais et la découverte d'un univers foisonnant de rencontres et de gens passionnés et passionnants. Inoubliable !

Ensuite et plus récemment sur mon poste actuel de DGA, l'action systémique menée depuis septembre 2018, à la fois sur les agents, les managers et les organisations.

Le modèle que j'ai créé s'intitule la fleur de l'innovation managériale et repose sur huit axes :

• développer une culture commune de la prévention ;
• travailler la mise en mouvement ;
• manager par la confiance ;
• développer des passerelles entre les deux collectivités ;
• inscrire le changement dans le long terme ;
• travailler le rapport au risque ;
• travailler une posture d'ouverture ;
• valoriser les agents.

Une approche pragmatique, basée sur des actions concrètes, visibles et compréhensibles de tous et des « petites victoires » pour donner envie aux personnes impliquées de continuer en nourrissant les pétales par de nouvelles actions.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Emmanuelle Licitri : Je rêve d'une fonction publique qui valoriserait des modes de pensée moins habituels pour sortir des logiques de silos, travailler des passerelles hybrides et donc créer les conditions pour faire émerger des solutions originales.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Emmanuelle Licitri : Dans nos fonctions nous rencontrons beaucoup de monde mais des rencontres au sens qui ont bouleversé ma vision des choses et m'ont inculqué des leçons, parfois de vie, je n'en citerais que quelques-unes.

Un DGS, tout d'abord, Alain Riquet, qui a su m'enseigner la vision stratégique à 360° à acquérir rapidement pour se maintenir sur des postes de Direction Générale.

Mon ancien Maire également Vincent Morisse qui m'aura permis de déployer mes ailes et d'appréhender la dimension politique des dossiers.

Mon ancien collègue DGST, Gérard Pellerin avec qui nous avons traversé vents et marais et que je salue chaleureusement. Alexandre Durand-Viel, qui occupait les fonctions de Directeur Général d'un palace 5 étoiles à l'époque où j'étais Directrice des Affaires culturelles, qui a cru en moi et m'a ouvert des portes via des actions de mécénat.

Jordi Casals, collectionneur d'art, avec lequel j'avais monté une exposition Dali et avec qui j'ai vécu lors de cet évènement phare, des moments magiques parfois tellement incroyables, qu'ils en sont restés inoubliables.

Patrick Baudry, le célèbre astronaute avec lequel j'ai collaboré deux fois. Un homme de conviction, d'une humilité, d'une simplicité, et d'une gentillesse extraordinaires et sa femme Stéphanie que j'embrasse tendrement.

Et plus récemment ma DGS, Karine Icard, avec laquelle je partage tant de valeurs humanistes qui se concrétisent dans nos engagements au sein du Syndicat National des Directeurs Généraux des Collectivités territoriales et de l'Association Dirigeantes et Territoires.

Enfin, Gérard Daudet, mon président-Maire, homme de projets et de convictions, doté d'une réelle vision pour transformer sa ville et qui, au quotidien, me fait confiance et prend en considération ma vision parfois singulière des choses.

J'aurais envie de parler de tant d'autres, dans mes équipes, des personnes qui incarnent au quotidien le service public par leur professionnalisme et leurs qualités humaines. Certaines même qui m'ont accompagnée dans l'ombre, lors des tempêtes que j'ai pu traverser personnellement ou professionnellement. Je les salue tous, ils se reconnaitront et j'en profite ici, pour les remercier sincèrement, Anne-Catherine en priorité.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Emmanuelle Licitri : « La porte du changement ne peut s'ouvrir que de l'intérieur. Chacun en détient la clé » de Jacques Salomé. Pour un acteur du changement comme moi, il est important de comprendre que tout n'est pas lié au pilotage d'un projet, au cadrage de la procédure, au choix du moment pour l'impulser, aux acteurs impliqués... Il y a d'abord et avant tout l'humain au centre du projet, dans sa globalité et donc dans sa capacité à accueillir l'évolution. Et parfois, juste comprendre et accepter que la volonté n'est pas au rendez-vous, c'est savoir se mettre à la juste distance pour accepter que l'on n'a pas toutes les cartes en main pour agir...

Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?

Emmanuelle Licitri : Une parenthèse pour moi, chaque soir : un moment de lecture pour décompresser et m'évader. J'écoute aussi beaucoup de musique et de podcasts. Et des bulles ressourçantes, chaque week-end auprès de mes proches.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Emmanuelle Licitri : La crise sanitaire qui a permis au plus grand nombre de voir le changement comme une chance.

Les enjeux du réchauffement climatique et la gestion raisonnée de l'ensemble des ressources de nos territoires qui obligent, me semble-t-il à transformer notre vision même des politiques publiques. Je me sens désormais autorisée, dans mes actions quotidiennes, à proposer une vision parfois singulière.

Propos recueillis par Hugues Perinel

Voir tous les portraits