Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Mathias Trogrlic : Je suis géographe, j'aime à le rappeler parce que cette discipline ouvre à une forme de curiosité sur tous les sujets. J'ai débuté mon parcours à Sarcelles puis à Plaine Commune, en intercommunalité, dans le domaine du développement économique. Le développement économique permet de travailler en souplesse entre deux sphères : la sphère publique et la sphère privée et j'ai tout de suite apprécié de dépasser les caricatures pour partager des objectifs communs et surmonter des contraintes.

En 2009, j'ai eu l'opportunité de partir vers un poste de Directeur général des services à Écouen, dans le Val d'Oise. Dans une commune de 7 500 habitants, j'ai pu apprendre le métier... et découvrir que l'on n'a jamais fini de l'apprendre.

En 2016 j'ai changé de département pour occuper le poste de DGS de la ville de Chambly, dans l'Oise, qui est limitrophe du Val d'Oise.

Enfin, en 2020, j'ai bondi dans une grande aventure en devenant DGS de la ville de Sarcelles dans le Val d'Oise. Retour aux sources sur les terres de ma première expérience professionnelle, avec toute la passion et l'engagement que réclament une ville de 60 000 habitants multiforme et attachante.

Administrateur territorial, je suis par ailleurs engagé au sein du SNDGCT depuis quinze ans et je fais partie du conseil d'administration de l'association Dirigeantes & Territoires pour promouvoir l'accès à l'égalité femmes-hommes dans la fonction publique territoriale.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Mathias Trogrlic : Engagement : il est indissociable de la façon dont j'envisage mon métier. S'engager pour un territoire, pour des administrés, pour une équipe de direction, pour des agents. Je ne peux concevoir mon métier comme une forme de routine administrative, et je pense que servir l'intérêt général réclame une forme d'engagement au quotidien.

Stratégie : qu'elle soit territoriale ou managériale, la stratégie est la composante la plus essentielle de notre métier. Trouver le lien et l'articulation entre les objectifs du territoire et l'opérationnalité des actions, c'est un enjeu quotidien !

Transformation : c'est inhérent aux territoires. Parce que nous sommes des transformateurs des territoires, des organisations et qu'il faut de l'énergie pour ne pas se laisser embarquer dans une forme de routine. C'est l'essence même du métier selon moi. Mais la transformation requiert une grande adaptation. S'il y avait un quatrième mot pour décrire mon métier actuel, ce serait celui-ci sans hésiter !

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Mathias Trogrlic : De la polyvalence, sans aucun doute, et le goût de pouvoir passer d'un sujet à un autre et de s'adapter en permanence.

L'écoute, indispensable. Humaine pour les élus et les agents. Globale pour comprendre le territoire.

L'humilité : nous ne sommes que des passeurs, quelquefois des chefs d'orchestre, mais nous ne sommes pas élus. Il faut savoir s'effacer lorsqu'il le faut.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Mathias Trogrlic : Le fait de ne pas savoir quelle sera ma journée. Cela peut paraître effrayant et déconcertant parfois, mais c'est très stimulant. Le fait de ressentir une utilité concrète sur la vie de la collectivité, sur les agents qui en font partie, c'est une vraie source de motivation.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou dont vous parleriez avec fierté ?

Mathias Trogrlic : La construction d'une équipe à Sarcelles. Lorsque j'arrive en tant que DGS, en septembre 2020, tout était à faire, après une période très compliquée dans cette ville, et c'était à la fois abyssal et totalement stimulant. Monter une équipe, partir quasiment d'une feuille blanche, faire face à des contraintes et les prendre une par une, ce fut une période d'apprentissage accéléré. Il est né de cela un collectif solidaire, qui s'adapte à tout et qui porte des valeurs communes. Cette équipe est ma fierté.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Mathias Trogrlic : Je suis très attaché à la fonction publique territoriale, et je suis désolé que celle-ci souffre d'un manque d'attractivité. Je pense que nous exerçons les plus beaux métiers du monde, si ceux-ci pouvaient être valorisés et si nous pouvions avoir les moyens de les exercer au mieux. Le fait que des jeunes ne se tournent plus vers l'intérêt général est pour moi un crève-cœur. J'y vois une crise de notre société, et si j'avais un rêve, ce serait de pouvoir renverser cette tendance.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Mathias Trogrlic : J'ai commencé mon approche professionnelle par un stage dans un département qui m'est très cher, la Meurthe-et-Moselle, aux côtés du regretté Michel Dinet, alors Président de ce département dont est originaire toute ma famille. Il fut une des grandes figures du développement local et j'ai été très marqué par son dynamisme, et surtout par sa volonté permanente de faire en sorte que l'humain et le collectif soient les leviers les plus efficaces pour transformer les territoires.

La deuxième rencontre est celle de Charlotte Brun, qui est Maire-adjointe à la Ville de Lille et qui m'a permis de débuter ma carrière de DGS à Écouen. Elle m'a fait confiance alors que je n'avais rien prouvé, c'est une qualité que j'admire.

Enfin, je voudrais citer Mona Ichalalene, qui est Directrice de la communication à Sarcelles, et que j'ai croisée pour la première fois en stage à Écouen, il y a des années. Nos parcours se sont suivis et rejoints, et notre complicité quotidienne est précieuse. C'est une rencontre très marquante. À travers elle, je veux saluer toutes celles et ceux que j'ai croisés et avec qui j'ai fait équipe. Rien ne se fait seul.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Mathias Trogrlic : J'aime beaucoup une phrase qui était comme une devise de Michel Dinet : « nous sommes deux, ils sont cent, encerclons-les ! ». C'est un parfait résumé de la volonté et de l'énergie qu'il faut pour faire avancer chaque jour les territoires. Je reste également persuadé que l'agilité naît de la contrainte et que celle-ci permet de se dépasser.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Mathias Trogrlic : La disparition progressive de la fiscalité locale est un changement de paradigme qui a considérablement modifié nos métiers. C'est une remise en cause de la libre administration de nos collectivités, et donc de nos territoires. L'idée qu'une compensation de l'État est plus efficace que la vision stratégique d'élus locaux est une conception qui remet en cause les grands principes de la décentralisation.

Le second changement est la période du Covid. Justement parce que les collectivités ont prouvé leur capacité d'adaptation, d'anticipation et d'organisation, parfois mieux que l'État lui-même. Ce fut une reconnaissance de la souplesse de nos organisations et de notre capacité à nous mobiliser quand arrive l'impensable. Malheureusement, je n'ai pas l'impression que cette capacité soit totalement reconnue.

Propos recueillis par Hugues Perinel

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