L’ article L. 2193-2 du Code de la commande publique définit la société comme « l’opération par laquelle un opérateur économique confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant, l’exécution d’une partie des prestations du marché conclu avec l’acheteur. » D’un point de vue juridique, le contrat de sous-traitance est un contrat d’entreprise, tout comme le marché principal.
La sous-traitance se distingue ainsi d’autres types de contrats que l’on retrouve fréquemment en matière de construction :
- distinction avec la relation salariée, par son critère d’autonomie, car la sous-traitance suppose l’exécution en toute indépendance d’une prestation. Cependant, il arrive parfois que ce critère d’autonomie et d’indépendance ne soit pas respecté car le sous-traitant (ou ses salariés) est placé dans un lien de subordination vis-à-vis de l’entreprise principale, ce qui fait encourir la requalification de la relation de sous-traitance en contrat de travail (en cas de sous-traitance à un entrepreneur individuel) ou en prêt de main-d’œuvre à but lucratif (en cas de sous-traitance à une entreprise qui emploie des salariés) : sur ce point, cf. Éviter le piège de la fausse sous-traitance ;
- distinction avec la location de matériel (par exemple, d’engins de chantier), y compris lorsqu’elle s’accompagne de la mise à disposition d’un opérateur par l’entreprise de location. Le principal critère pour exclure la qualification de sous-traitance tient à ce que le matériel loué est transféré sous la garde du locataire, ce qui exclut toute participation effective à la construction puisque le loueur se contente de mettre à disposition du matériel ;
- distinction avec la vente ou la fourniture : elle est parfois malaisée car les deux notions sont très proches, d’autant plus que la définition de la sous-traitance n’implique pas forcément que le sous-traitant intervienne et soit présent sur le chantier, mais qu’il « participe » à l’acte de construire.
La jurisprudence vérifiera, dans ce dernier cas, si le contrat conclu avec le fabricant ou le fournisseur porte sur un travail spécifique ou, au contraire, sur la vente d’un produit standard.
S’il s’agit d’un travail « spécifique », c’est-à-dire qui implique l’élaboration de notes de calcul, de plans de fabrication à partir d’une multiplicité de données spécifiques au chantier, pour établir un dimensionnement du matériel fourni, qui est alors conçu pour la seule exécution des éléments destinés au chantier, la relation contractuelle s’analyse en sous-traitance et le fabricant de ces produits aura la qualité de sous-traitant même s’il n’intervient pas directement sur le chantier pour en assurer la pose.
Exemple : une entreprise spécialisée façonne des armatures en béton conformes aux spécifications techniques du CCAP prévu par le marché pour le lot gros œuvre. Les prestations fournies relèvent bien du champ d’application de la loi du 31 décembre 1975 et cette entreprise est sous-traitante de l’entrepreneur titulaire de ce lot.
En revanche, lorsque le produit ou le matériau fourni est « standard », c’est-à-dire qu’il n’implique pas une fabrication spécifique pour la commande et nécessite seulement une adaptation au chantier en question, le contrat reste un contrat de vente et le fournisseur n’a pas droit à la qualification de sous-traitant. Ainsi, une entreprise dont le contrat conclu avec l’entrepreneur principal n’a pas les caractéristiques d’un contrat d’entreprise mais d’un simple contrat de fournitures n’a pas droit au paiement direct de ses fournitures par le maître d’ouvrage.
Exemple : une société fournit au titulaire d’un marché d’aménagement de rue des pavés, dalles et bordures de granit façonnées dont les caractéristiques devaient répondre aux spécifications techniques du marché. Cependant, le seul travail spécifique a consisté en la fourniture de ces éléments importés de Chine aux finitions et dimensions exigées par le marché, sans que ce type de façonnage ne présente une spécificité technique particulière. Ainsi, le contrat conclu avec le titulaire qui consistait à fournir des éléments livrés prêts à l’emploi, sans aucune participation à l’exécution du marché de travaux ne présente pas les caractéristiques d’un contrat de sous-traitance (d’entreprise) mais d’un contrat de vente ( CAA Bordeaux, 30 juill. 2019, n° 17BX02501 ).
Enfin, ce qui concerne les échafaudages, l’analyse est similaire : les échafaudages permettent à l’entreprise d’intervenir sur le chantier, mais ils ne participent pas directement à l’acte de construire et ne sont pas destinés à rester sur le chantier. À ce titre, l’échafaudeur ne bénéficie pas de la qualité de sous-traitant.
Par simplicité, certaines entreprises ont pris pour habitude de faire agréer leurs fournisseurs et leurs conditions de paiement par le biais d’une déclaration de sous-traitance. Pourtant, même dans ce cas, le fournisseur n’a pas la qualité de sous-traitant et ne peut donc utilement se prévaloir d’un droit au paiement direct.
La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 instaure un dispositif général d’autoliquidation de la TVA dans le BTP pour les prestations effectuées par un sous-traitant pour le compte d’un donneur d’ordre assujetti à la TVA.
Les sous-traitants ne facturent désormais plus de TVA aux entreprises principales, qui procèdent à l’autoliquidation de la TVA. Cela signifie, concrètement, que les factures des sous-traitants devront être établies hors taxes, en précisant que la prestation est exonérée de TVA par l’application d’un mécanisme d’autoliquidation de la TVA dans le secteur du bâtiment.
Dans le cadre d’un marché public, l’entrepreneur principal titulaire du marché doit être regardé comme le preneur assujetti au sens de l’ article 256 A du Code général des impôts .
Dès lors, lorsque la sous-traitance, objet du DC4, concerne les travaux assujettis au dispositif d’autoliquidation, l’entrepreneur devra renseigner la partie dédiée de la rubrique F, en indiquant le seul montant hors taxes sur la valeur ajoutée des sommes à verser par paiement direct au sous-traitant.
Par conséquent, le maître de l’ouvrage paye le sous-traitant sur une base hors taxes et l’entrepreneur principal autoliquide la TVA.
Exemple : soit une entreprise principale A titulaire d’un marché public de 100 000 € HT et une TVA correspondante au taux de 10 % d’un montant de 10 000 € ; elle sous-traite une partie de ce marché à une entreprise B acceptée par le maître de l’ouvrage pour un montant de 40 000 € HT (la TVA correspondante sera autoliquidée par l’entreprise principale au taux de 20 % pour un montant de 8 000 €). Dès lors que le maître de l’ouvrage a agréé les conditions de paiement prévues par le contrat de sous-traitance, il paye le sous-traitant pour la part du marché dont il assure l’exécution.
Ainsi, le sous-traitant B adresse au maître de l’ouvrage sa demande de paiement accompagnée de l’original de la facture libellée au nom de l’entreprise A, laquelle mentionne le montant HT du marché, soit 40 000 €, sans faire apparaître la TVA exigible ; il porte à la place la mention "autoliquidation".
Dès que l’entreprise principale donne son accord de paiement, exprès ou tacite, au maître de l’ouvrage, celui-ci dispose de 30 jours pour payer le sous-traitant. Le paiement s’effectue sur une base HT, soit 40 000 €.
L’entreprise principale A doit autoliquider la TVA de son sous-traitant B en portant le montant de 40 000 € sur la ligne « autres opérations imposables » de sa déclaration de chiffre d’affaires. Parallèlement, le sous-traitant B porte ce même montant sur la ligne « autres opérations non imposables » de sa déclaration.
Le maître de l’ouvrage informe le titulaire du marché des paiements qu’il effectue au sous-traitant. Lorsque l’exigibilité de la TVA est l’encaissement, le titulaire du marché doit alors acquitter la TVA correspondant au paiement direct effectué par le maître d’ouvrage au sous-traitant et adresser au maître d’ouvrage un décompte ou une facture comportant le montant du versement direct fait au sous-traitant, soit, dans l’exemple, une facture de 40 000 € TTC (36 363,64 € HT + 3 636,36 € de TVA au taux de 10 %). Le maître d’ouvrage règle au titulaire du marché le montant de cette facture, TVA comprise, déduction faite des sommes payées par ses soins directement au sous-traitant (soit ici, 40 000 – 40 000 = 0 €). L’entreprise A, titulaire du marché, portera le montant de TVA collectée de 3 636,36 € sur sa déclaration de chiffre d’affaires du mois du paiement direct au sous-traitant.
Au moment de solder le marché, l’entreprise A, titulaire du marché, émet une facture pour le maître de l’ouvrage de 100 000 € HT + 10 000 € de TVA au taux de 10 %, soit un montant TTC de 110 000 € desquels il retranche les paiements TTC déjà effectués
(soit 36 363,64 € HT + 3 636,36 € de TVA au taux de 10 %). Le maître de l’ouvrage versera donc à réception de la facture un montant TTC de 70 000 € à l’entreprise A (soit 63 637,36 € HT + 6 363,64 € de TVA au taux de 10 %). L’entreprise A portera le montant de TVA collectée de 6 363,64 € sur sa déclaration de chiffre d’affaires du mois du paiement.
L’autoliquidation concerne tous les contrats de sous-traitance signés à partir du 1er janvier 2014 et qui portent sur les travaux de construction, y compris ceux de réparation, de nettoyage, d’entretien, de transformation et de démolition d’un bien immobilier. Sont ainsi concernés :
- les travaux du bâtiment exécutés par les différents corps de métiers participant à la construction ou la rénovation des immeubles ;
- les travaux d’équipement des immeubles, y compris les travaux d’installation comportant la mise en œuvre d’éléments qui perdent leur caractère mobilier en raison de leur incorporation à un ensemble immobilier, qui sont considérés, pour l’application de la TVA, comme des travaux immobiliers dès lors qu’ils ont pour effet d’incorporer aux constructions immobilières les appareils ou les canalisations faisant l’objet de l’installation ;
- les travaux de réparation ou de réfection ayant pour objet la remise en état d’un immeuble ou d’une installation à caractère immobilier. Il s’agit des opérations comportant la mise en œuvre de matériaux ou d’éléments qui s’intègrent à un ouvrage immobilier ou lorsque ces opérations ont pour objet soit le remplacement d’éléments usagés d’une installation de caractère immobilier, soit l’adjonction d’éléments nouveaux qui s’incorporent à cette installation ou à l’immeuble qui l’abrite, les travaux publics et ouvrages de génie civil.
En revanche, sont exclus du dispositif :
- les opérations de nettoyage faisant l’objet d’un contrat séparé ; toutefois les opérations de nettoyage qui sont le prolongement ou l’accessoire des travaux visés ci-dessus sont soumises au même régime que ces travaux ;
- la fabrication de matériaux ou d’ouvrages spécifiques, cette opération étant analysée comme une livraison de biens ; en effet, lorsqu'une entreprise titulaire du marché ou sous-traitante fait appel à une autre entreprise pour la fabrication de matériaux ou d’ouvrages spécifiques destinés à l’équipement de l’immeuble faisant l’objet des travaux, cette opération ne s’analyse pas comme de la sous-traitance mais comme une opération consistant en la livraison d’un bien meuble corporel et est donc exclue du dispositif d’autoliquidation ;
- les prestations intellectuelles confiées à des bureaux d’études, à des économistes de la construction ou à des sociétés d’ingénierie ; la sous-traitance de maîtrise d’œuvre n’est donc pas concerné par l’autoliquidation.
- les contrats de location d’engins et de matériels de chantier, y compris lorsqu’ils s’accompagnent du montage et du démontage.
Les modalités précises de mise en œuvre de l’autoliquidation de la TVA des sous-traitants, sont détaillées au Bulletin officiel des finances publiques – Impôts référencé BOI-TVA-DECLA-10-10-20 (rubrique H - Travaux de construction relatifs à un bien immobilier effectués par une entreprise sous-traitante pour le compte d’un preneur assujetti - cf. Extrait du Bulletin officiel des finances publiques).
En cas de sous-traitance, les travaux facturés par le sous-traitant à l’entrepreneur principal relèvent du taux normal. Mais l’entrepreneur principal peut, selon les travaux qu’il réalise, être amené à facturer au maître d’ouvrage public l’ensemble des travaux au taux réduit, y compris ceux qu’il a fait sous-traiter (pour autant que les conditions générales pour appliquer la TVA à 5,5 % s’appliquent).
En cas de paiement direct, les sommes que le maître d’ouvrage est amené à verser directement au sous-traitant incluent donc une TVA au taux normal. En effet, comme indiqué plus haut, le paiement direct n’est qu’une modalité de paiement sans influence sur les règles de facturation.
L’instruction fiscale administrative relative au taux réduit prévoit que le paiement direct ne peut excéder le montant du marché principal public passé entre le maître d’ouvrage et l’entrepreneur principal.
Oui, dès lors que le marché public prévoit le versement d’une avance, les sous-traitants agréés qui bénéficient du paiement direct sont également en droit d’en bénéficier sur leur demande. Les conditions de l’octroi de droit de l’avance du sous-traitant sont identiques à celles du titulaire : l’avance du sous-traitant est de droit si le montant total du marché public, et non le seul montant des prestations sous-traitées, est supérieur à 50 000 € HT et si le délai d’exécution du marché public est supérieur à 2 mois.
La rubrique G « Conditions de paiement » du DC4 « Déclaration de sous-traitance » permet au sous-traitant d’indiquer s’il demande ou non à bénéficier de l’avance. En cochant la case « non », le sous-traitant refuse le versement de l’avance. En cochant la case « oui », le sous-traitant accepte le versement de l’avance. Le renoncement au bénéfice de l’avance par le titulaire du marché public ne fait pas obstacle à ce que ses sous-traitants en obtiennent le versement.
L’assiette de l’avance est déterminée comme suit :
- pour le titulaire : le montant des prestations qu’il exécute en propre ainsi que le montant des prestations sous-traitées mais qui ne font pas l’objet d’un paiement direct, à l’exclusion du montant des prestations sous-traitées qui font l’objet d’un paiement direct
- pour le sous-traitant agréé bénéficiant du paiement direct : le montant des prestations qui lui sont sous-traitées, telles qu’elles figurent dans le marché public ou dans l’acte spécial de sous-traitance.
A noter
La Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances propose, dans sa fiche consacrée aux avances, des exemples de calcul du montant de l’avance en cas de sous-traitance.
En cas d’agrément des sous-traitants antérieurement à la notification du marché public, les sommes versées aux sous-traitants à titre d’avance doivent donc être déduites de l’assiette servant de base de calcul à l’avance du titulaire.
Si le titulaire qui a perçu l’avance sous-traite une part de marché postérieurement à la notification de celui-ci, il doit rembourser la fraction de l’avance correspondant au montant des prestations sous-traitées, alors même que le sous-traitant ne peut ou ne souhaite pas en bénéficier. Le remboursement par le titulaire s’impute alors sur les sommes qui lui sont dues dès la notification de l’acte spécial.
A noter
Lorsque le titulaire du marché ou son sous-traitant admis au paiement direct est une PME le taux de l’avance est porté à :
- 20 % pour les marchés publics passés par l’État ;
- depuis le 1er janvier 2020 : 10 % pour les acheteurs locaux et les établissements publics administratifs de l’État (hors établissements de santé) ayant une importante surface financière, c’est-à-dire ceux dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 60 millions d’euros par an.
Répondent à la définition d’une PME, les entreprises qui occupent moins de 250 personnes et dont le chiffre d’affaires annuel n’excède pas 50 millions d’euros ou dont le total du bilan annuel n’excède pas 43 millions d’euros.
Le remboursement de l’avance du sous-traitant s’effectue selon des modalités identiques à celles prévues pour le titulaire du marché.