Conditions de la responsabilité solidaire
Une même inexécution ou une mauvaise exécution peut être regardée comme imputable à plusieurs personnes à la fois. La possibilité d’une condamnation solidaire est alors subordonnée à un certain nombre de conditions :
- Il faut que la condamnation solidaire soit demandée. En effet, la solidarité ne se présume pas et le juge ne peut la prononcer d’office (
CE, 9 juin 1967, n° 64834, Société des eaux de Marseille
) ;
- Il faut que cette solidarité existe matériellement (concours de fautes contractuelles) et/ou juridiquement (engagement solidaire).
Lien matériel et solidarité automatique
La nécessité d’un lien matériel a été notamment soulignée par le président D. Labetoulle dans ses conclusions sur l’arrêt :
CE, 29 juillet 1983, n° 34013, J. Bouget
. Alors qu’en matière de responsabilité décennale, la solidarité est automatique entre tous les constructeurs auxquels le désordre est imputable, il n’en ira de même en matière de responsabilité contractuelle qu’en cas de « faute commune » ou, de façon peut-être plus précise, lorsque chacune des fautes invoquées « aura concouru à la réalisation de la totalité du dommage ».
Pour des illustrations jurisprudentielles, voir :
CE, 26 juillet 1985, n° 43399, SARL Bâtiment Moderne
;
CE, 26 septembre 1986, n° 50630, De Bary et a.
;
CE, 23 février 1990, n° 83398, M. Duchon et a.
, Rec. T. 872 et 1026, CJEG 1990, p. 401, chron. F. Moderne, D. 1991. SC. 105, note P. Terneyre.
Et pour les conséquences d’une solidarité juridique, a contrario :
CE, 4 novembre 1987, n° 29316, OPHLM de l’Yonne
: « […] en l’absence de toute stipulation contractuelle en ce sens, les architectes et entrepreneurs ne peuvent être tenus solidairement que des conséquences de leurs fautes communes ».
Les « fautes communes » s’opposent ainsi aux « fautes distinctes », et la solidarité à la subsidiarité :
« Considérant que les désordres sont imputables à la fois à la conception du procédé relatif à la pose des canalisations, à l’insuffisance de la surveillance exercée sur l’exécution des travaux et au comportement des entreprises qui, bien que disposant d’une compétence technique certaine, n’ont formulé aucune observation sur le vice de conception ; que, dans ces conditions, et en l’absence dans la convention du 14 avril 1964 de toute stipulation contractuelle répartissant les missions entre les membres du groupement d’études, c’est à bon droit que le tribunal administratif a estimé que ces désordres engageaient à l’égard de la SEM d’aménagement et de rénovation de l’agglomération d’Auxerre la responsabilité solidaire des membres du groupement d’études et, pour la partie des canalisations dont l’exécution était confiée à chacun des entrepreneurs, la responsabilité solidaire du groupement d’études et des entreprises de travaux » (
CE, 10 avril 1991, n° 24358, Société Omnium technique d’habitation et a.
, Rec. T. 1052, Dr. adm. 1992, n° 293, D. 1991. SC. 353, note P. Terneyre).
Cas des groupements d’entreprises
On pourrait penser que la solidarité est automatiquement retenue lorsque les entreprises sont groupées. Tel n’est pas toujours le cas : « […] s’il était indiqué dans le marché que ces 7 entreprises constituaient le groupement momentané d’entreprises pour l’étude et la réalisation des projets industrialisés à accroissements multiples », il résulte de l’instruction que ledit groupement n’était pas, en tant que tel, partie au marché (
CE, 24 février 1988, n° 53523, Groupe Gerdiam c/ Maillard
).
Mais, en principe, en l’absence de stipulations contraires, les entreprises, qui s’engagent conjointement et solidairement envers le maître de l’ouvrage à réaliser une opération de construction, s’engagent conjointement et solidairement non seulement à exécuter les travaux, mais encore à réparer le préjudice subi par le maître de l’ouvrage du fait de manquements dans l’exécution de leurs obligations contractuelles (
CE, 29 septembre 2010, n° 332068, Région Aquitaine
, Rec. T. 853 et 855, BJCP 2010, n° 73, p. 401, concl. N. Boulouis, Contrats et march. publ. 2010, n° 12, p. 28, note J.-P. Piétri).
Un constructeur ne peut échapper à sa responsabilité conjointe et solidaire avec les autres entreprises cocontractantes, au motif qu’il n’a pas réellement participé aux travaux révélant un tel manquement, que si une convention, à laquelle le maître de l’ouvrage est partie, fixe la part qui lui revient dans l’exécution des travaux (CE, 29 septembre 2010, n° 332068, Région Aquitaine, préc.).
À l’inverse, un protocole, en vertu duquel chacune des entreprises du groupement reste responsable des travaux qu’elle a exécutés, n’est pas opposable au maître d’ouvrage, dès lors que celui-ci n’a pas été partie au protocole (
CE, 10 février 1995, n° 80255, OPHLM de la Communauté urbaine de Bordeaux
;
CAA Paris, 1er juillet 1997, n° 97PA00068, Commune de Champigny-sur-Marne, Société Sodedat 93
; CAA Douai, 14 juin 2005, n° 03DA000341, SA AXA France IARD).