Partie 9 - En complément
Chapitre 9 - Accueillir l'enfant migrant

9.9/3 - La consultation d'ethnopsychologie de l'école Charles-Hermite

Les enfants de migrants sont aussi enfants de la République

Le déracinement perturbe les repères et fait craindre, aussi bien chez les parents que chez les enfants, un bouleversement considérable de la structure interne. La réaction est souvent celle du désarroi, et elle se manifeste le plus souvent dans les institutions : crèche, école, lycée. La psychologie éducative occidentale s'est révélée incompétente pour assurer la santé psychique des enfants migrants issus des sociétés traditionnelles du tiers-monde. Ce constat n'est pas sans conséquences pour l'avenir de ces populations en France.

Cet échec est bien compréhensible, car bon nombre de familles migrantes font appel plutôt aux marabouts, aux voyants, aux guérisseurs syncrétiques plutôt qu'au pédopsychiatre ou au psychologue occidental. L'enfant migrant ne trouve à l'école ou à la crèche aucune consultation spécifique qui tienne compte de sa culture d'origine, des croyances de ses parents ou de sa langue maternelle. Il est intéressant que le personnel spécialiste de la petite enfance sache comment fonctionne ce type de famille, à quelle vulnérabilité est exposé l'enfant dont il a la charge ou ce qui est normal dans une culture mais ne l'est pas ici. Dans le contexte migratoire, la maternité se rigidifie et nous manquons parfois d'outils pour mieux comprendre ces enfants. Partant de cette observation et aidée par une vingtaine de thérapeutes – pionniers, migrants eux-mêmes et formés par Tobie Nathan à l'université Paris-V (Sorbonne) puis à Paris-VIII –, j'ai ouvert en 1992 la première consultation d'ethnopsychiatrie à l'école Charles-Hermite, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. J'avais pris conscience de l'efficacité de cette technique thérapeutique en ayant assisté pendant une dizaine d'années aux entretiens de Nathan, d'abord à l'hôpital Avicenne de Bobigny, puis au Centre Georges-Devereux de l'université Paris-VIII. Cette expérience n'est pas un modèle, mais elle peut permettre à d'autres de s'en inspirer pour créer leur propre outil dans le domaine de l'enfance migrante.

J'avais aussi consacré ma thèsenotesRébecca Duvillié, Approche ethnopsychiatrique des enfants migrants en milieu scolaire, thèse de doctorat soutenue à l'université Paris-VIII, 1994.
à ce sujet, sous la direction de Nathan. Elle avait donné lieu à de nombreuses discussions internes, tant avec les autres thésards qu'avec les enseignants du secteur où j'exerçais comme psychologue scolaire. Le fait de s'adresser à une population spécifique, les migrants, dans une école laïque posait beaucoup de questions : n'allait-on pas les stigmatiser un peu plus ?...

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