Partie 9 - En complément
Chapitre 4 - Parents, enfants, professionnels : une coéducation qui s’organise

9.4/5 - Coéducation : Accueil de la petite enfance et coéducation : une alliance parents/professionnels à développer

La création des premières crèches : perspectives idéologiques

La plupart des institutions éducatives ou, plus généralement, dédiées à l’accueil des enfants, ont été conçues ou développées en France par la IIIe République pour contrecarrer l’obscurantisme supposé des familles et les influences que les Églises faisaient peser sur elles. Dans le contexte de la révolution industrielle et de l’urbanisation qui l’accompagnait déjà, une perspective à la fois familialiste et nataliste guidait cependant la mise en place, par l’État, des prémices de ses politiques publiques familiales, mais aussi sociales, éducatives et, peu à peu, de l’emploi. Aussi les institutions consacrées aux enfants ont également visé, d’une part et tout d’abord, à contrarier la volonté d’une partie peu éclairée du patronat de s’assurer la mainmise sur le travail des enfants et des jeunes, mais aussi des mères ; d’autre part et ensuite, à fixer la main-d’œuvre adulte, à contrôler les classes laborieuses perçues comme dangereuses et à protéger les enfants.

Cette méfiance à l’égard des parents et de leur environnement social se retrouve lors de la création des premières crèches collectives, initialement dénommées « salles d’asile », au milieu du XIXe siècle.

Et aujourd’hui ?

Cette méfiance est moins de mise, moins encouragée, moins explicite. Il n’en reste pas moins que, depuis son admission en crèche jusqu’à la poursuite de sa vie sociale vers l’école dite « maternelle », le jeune enfant se voit placé au cœur – voire être l’enjeu – d’interactions complexes. La culture et les pratiques éducatives populaires ou « profanes » de sa famille rencontrent en effet - et parfois encore affrontent – celles, professionnelles, « savantes », en l’occurrence médicales, psychologiques et éducatives, de l’institution qui l’accueille. Chacun de ces deux systèmes culturels tend à produire ses propres normes, voire à vouloir les imposer à l’autre au nom de la représentation qu’il se fait du bien-être, immédiat ou à venir, de l’enfant. Les interactions qui s’ensuivent peuvent prendre les formes extrêmes de l’évitement ou du conflit, ou des formes intermédiaires à travers lesquelles se négocient des rapports d’influences, des délégations éducatives partielles, des contestations plus ou moins feutrées, des conciliations progressives, des adaptations mutuelles et parfois, au bout du compte, de réelles coopérations.

L’histoire des crèches peut se lire en grande partie comme l’histoire de la reconnaissance, du rééquilibrage et de la pacification de ces interactions.

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