Partie 1 - Les enjeux d’une politique publique en matière familiale et de protection de l’enfance
Chapitre 1 - Les fondements de la politique de protection de l’enfance
1.1/2 - Le contexte sociologique contemporain de la protection de l'enfance
Le droit de la famille est passé d'une conception volontariste, destinée à promouvoir l'institution, à un droit des individus au sein de la cellule familiale. Cette mutation s'accompagne de mesures sociales pour compenser la fragilisation des familles. D'importantes réformes ont accompagné cette métamorphose, en aménageant la loi sur des questions telles que le divorce, l'autorité parentale, la contraception, les droits de l'enfant, le Pacs… Ces mutations s'inscrivent dans un cadre plus général, que l'on a appelé la « juridicisation » des relations sociales, le droit devenant de plus en plus un instrument de gestion des rapports sociaux. Avec l'affaiblissement de l'État, le poids grandissant de la société civile, la volonté d'autonomie individuelle, la complexification des relations sociales et économiques, les liens ne sont plus prescrits, mais consentis, et le droit est l'instrument de gestion de ces liens consentis, J. Commaille, Famille : entre émancipation et protection sociale, in J.-F. Dortier (coord.), Familles, Éditions Sciences Humaines, 2002, p. 243-250.
Après l'autonomie et l'indépendance obtenues par les femmes, à partir des années 1960, nos sociétés connaissent une phase nouvelle du mouvement d'individualisation, celle des enfants. L'individualisation désigne le fait pour chaque personne de se définir d'abord en référence à elle-même, F. de Singly, La cause de l'enfant, in F. de Singly (dir.), Enfants, adultes. Vers une égalité des statuts ? Universalis, 2004, p. 7-13). Pour l'enfant, cela signifie que sa première dimension identitaire ne réside pas dans son origine familiale ou sociale, mais qu'il a droit, dès sa naissance et comme tout adulte, à la reconnaissance d'une identité strictement personnelle. Depuis les années 1960, l'enfant est écouté, la loi lui reconnaît ce droit à la parole dans les affaires qui le concernent. Cette croyance en l'existence d'un message émis par l'enfant est une nouveauté historique. Le très jeune enfant n'est plus un « petit animal », il a déjà, contenu en lui, sa nature propre, son originalité. La psychologisation de la relation pédagogique ne suffit pas à définir cette individualisation de l'enfant, même si la psychanalyse a joué un rôle central. Il y a eu parallèlement des avancées juridiques, comme l'adoption le 20 novembre 1989 par l'ONU de la nouvelle Convention internationale des droits de l'enfant en 1989, où l'enfant se voit reconnaître des droits : non seulement celui d'être protégé mais aussi d'être acteur des décisions importantes le concernant. Il est reconnu comme personne à part entière. Dans la relation entre un adulte et un enfant, l'égalité doit donc se conjuguer avec le respect des différences, notamment de statut.
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