Il convient de préciser que ces deux actions, si elles diffèrent de par leur condition de mise en œuvre, ont un but unique : sanctionner la violation d’une règle d’urbanisme ou d’une servitude d’urbanisme.
Les « servitudes d’urbanisme » constituent des limitations administratives à l’exercice du droit de propriété. Elles réalisent une conciliation entre l’intérêt privé et l’intérêt général. Elles résultent de la réglementation nationale (règlement national d’urbanisme) ou locale (plan d’urbanisme).
Au principal, l’action en responsabilité civile sera fondée sur l’
article L. 480-13 du Code de l’urbanisme
.
Cependant, elle pourra également, à titre subsidiaire, reposer sur l’
article 1240 du Code civil.
Action civile fondée sur l’article L. 480-13 du Code de l’urbanisme
L’article L. 480-13 du
Code de l’urbanisme
encadre l’action civile des tiers en réparation des préjudices subis du fait de la méconnaissance d’une règle de fond d’urbanisme au seul cas où une construction est édifiée conformément à un permis de construire.
La rédaction de cet article, issue de la
loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006
portant engagement national pour le logement et modifiée par la
loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018
, dite loi Élan, apporte une distinction fondamentale entre l’action à l’encontre du propriétaire et celle à l’encontre du constructeur.
Ainsi, si une action en démolition peut être engagée à l’encontre du propriétaire, seule une action en dommages et intérêts peut être intentée à l’encontre du constructeur.
L’action en démolition à l’égard des propriétaires est subordonnée à deux conditions spécifiques :
- On l’a vu, la procédure mise en œuvre par cet article ne vaut qu’à l’égard d’une action contre une construction édifiée conformément à un permis de construire. Afin d’obtenir la démolition de la construction, il est absolument impératif d’avoir, au préalable, obtenu l’annulation pour excès de pouvoir du permis de construire. La démolition est subordonnée à la disparition rétroactive de l’acte administratif. L’action en démolition n’est plus possible lorsque la légalité du permis de construire n’a pas été contestée devant la juridiction administrative. Cela nécessite donc, pour le tiers, et ce, avant même que la construction soit réalisée, de saisir le juge administratif d’un recours en annulation du permis de construire dans le délai de deux mois à compter de l’affichage du permis sur le terrain. Cette restriction, d’une importance considérable, permet d’apporter davantage de stabilité aux autorisations d’urbanisme délivrées en rendant une action en démolition impossible, sur ce fondement, si le permis n’a pas été au préalable contesté et annulé.
- En outre, le législateur de 2006 a enfermé cette action en démolition dans un strict délai : le tiers dispose, en effet, d’un délai de 2 ans à compter de l’achèvement des travaux pour engager son action en responsabilité. L’achèvement des travaux s’entend de la date à laquelle la construction est en état d’être affectée à l’usage auquel elle est destinée.
L’action en démolition ne peut toutefois intervenir que dans certains secteurs dont la liste exhaustive est détaillée à l’article L. 480-13. À titre d’exemple, la démolition ne peut être prononcée que si la construction est située dans :
- Les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard lorsqu'ils ont été identifiés et délimités par des documents réglementaires relatifs à l'occupation et à l'utilisation des sols ;
- La bande de trois cents mètres des parties naturelles des rives des plans d'eau naturels ou artificiels d'une superficie inférieure à mille hectares ;
- Les cœurs des parcs nationaux délimités;
- Les sites inscrits ou classés ;
- Les sites désignés Natura 2000 ;
- Les sites patrimoniaux remarquables ;
- Les abords des monuments historiques.
Action civile fondée sur l’article 1240 du Code civil
Une personne qui subit un préjudice direct et certain du fait de la réalisation irrégulière d’une construction peut également introduire une action en responsabilité délictuelle devant la juridiction civile sur le fondement de l’
article 1240 du Code civil
.
Cette action suppose, en premier lieu, que des travaux soient réalisés en contravention avec les règles d’urbanisme et non conformément à un permis de construire. En outre, la démonstration d’un préjudice personnel lié à la violation d’une règle d’urbanisme est indispensable.
Cette action se prescrit par 5 ans à compter de la naissance du trouble.
Le juge civil peut statuer sans intervention du juge administratif et ordonner la démolition de l’ouvrage. Il s’agit, le plus souvent, d’une action en responsabilité pour méconnaissance des servitudes d’urbanisme entendues au sens large, telles que la violation des règles locales d’urbanisme prévues par un plan d’urbanisme, la violation des règles de participations dues par des aménageurs ou constructeurs, la violation d’un règlement de lotissement ou de règles sanitaires.
Une construction dont la nature ne respecte pas les dispositions, d’un plan local d’urbanisme ou encore du règlement national d’urbanisme et qui cause à un voisin un préjudice direct et certain peut faire l’objet d’une démolition.
De même, la violation des dispositions d’ordre public de l’
article R. 111-21 du Code de l’urbanisme
peut être invoquée sur le fondement de l’
article 1240 du Code civil
.