Parmi les exemples de dangers graves et imminents reconnus par la jurisprudence, on peut évoquer les cas suivants :
- un chauffeur, informé par des articles de presse et, surtout, par ses propres constatations lors de précédents voyages, de l’insécurité et du climat d’anarchie et de délinquance régnant en Biélorussie, exerce son droit de retrait (CA Douai, 31 oct. 1997, arrêt n° 97-00.826, SA Citernord c/ Lopes) ;
- un chef d’équipe foreur refuse de conduire un camion dont il considère les freins défectueux et mal réglés (CA Paris, 16 janv. 1992).
A contrario, les exemples suivants évoquent des situations de danger grave et imminent non reconnues par la jurisprudence :
- suite à l’attaque à l’arme lourde d’un fourgon blindé, un convoyeur de fonds refuse de poursuivre son travail (CA Aix-en-Provence, 8 nov. 1995, arrêt n° 1055, Société Sécuriposte c/ Lacombe ; JCP, éd. E 1996, II, n° 859) ;
- une infirmière invoque son droit de retrait suite à l’admission dans un service hospitalier de malades porteurs du virus HIV et de l’hépatite virale B (TA Versailles, 2 juin 1994, arrêt n° 872.364, Hadjad et al. c/ Administration générale de l’Assistance publique).
D’autres décisions ne reconnaissent pas à l’agent un motif raisonnable de se retirer du travail, notamment parce que les faits allégués ne sont pas établis ou pas de nature à constituer un motif valable :
- des conducteurs d’autobus s’étant retirés de l’ensemble des lignes du réseau alors que la sécurité n’était compromise que dans un seul quartier de la ville ( Cass. soc., 23 avril 2003, n° 01-44806 ) ;
- un agent invoquant les émanations de solvants provoquées par la pose de moquette dans les locaux où il travaillait (CAA Versailles, 13 déc. 2005, n° 03VE02598) ;
- un agent affecté à la surveillance de la voie publique invoquant le fait de se retrouver seul à procéder à la verbalisation des contrevenants au stationnement payant (CAA Lyon, 22 déc. 2009, n° 07LY00746) ;
- un maître-nageur sauveteur ayant, par son retrait, entraîné la fermeture de la piscine municipale au motif que le fonctionnement d’un défibrillateur n’était plus garanti (CAA Versailles, 6 juill. 2017, n° 15VE02614).
Pandémie du coronavirus en 2020
Il est apparu que le droit de retrait ne peut être invoqué par un agent du fait de la pandémie de coronavirus de 2020 dès lors qu’il bénéficie du télétravail ou du travail à distance.
En outre, ce droit ne peut être invoqué en raison de la continuité des services publics essentiels à la vie de la Nation si l’employeur a pris les mesures de précaution nécessaires. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des Comptes publics, Olivier Dussopt, a rappelé lors de sa conférence de presse du 16 mars 2020 que la seule exposition au risque ne constituait pas un critère de la construction juridique et jurisprudentielle du droit de retrait.
Dans une note de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) publiée le 25 mars 2020 , il apparaît que, « concernant une situation épidémique [...], sous réserve de l’appréciation souveraine des tribunaux, dans la mesure où le droit de retrait vise une situation de travail, la crainte que représenterait par exemple une contamination dans les transports [...] ne saurait constituer a priori une base solide d’exercice du droit de retrait [...].
En période d'épidémie, les personnels qui sont exposés au risque de contamination du virus du fait de la nature de leur activité habituelle [...], parce qu’ils sont systématiquement exposés à des agents biologiques infectieux du fait même de l’exercice normal de leur profession ou parce que leur maintien en poste s’impose pour éviter toute mise en danger d’autrui, ne peuvent légitimement exercer leur droit de retrait, au seul motif d’une exposition au virus à l’origine de l'épidémie.
Pour ces professionnels exposés de manière active au virus, il convient de prévoir des mesures de protection renforcées (masques, consignes d’hygiène, mesures d’organisation, suivi médical…). »
Non. Dès lors que le danger auquel l’agent est exposé est un danger courant, c’est-à-dire inhérent à son activité, il ne peut invoquer son droit de retrait.
Oui, si le défaut de ces systèmes de protection l’expose à un danger grave et imminent.