Une mesure obligatoirement consensuelle au sein de la famille
L’habilitation familiale est une mesure de protection soumise aux mêmes conditions d’ouverture que la tutelle (cf.
C. civ., art. 425
, Qu’est-ce que la tutelle ? et Qu’est-ce que la curatelle ?).
À savoir qu’il est nécessaire que la personne soit dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération, médicalement constatée soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté.
Aussi, le certificat médical circonstancié rédigé par un médecin inscrit sur la liste du procureur de la République est exigé (
CPC, art. 1260-3
).
Mais l’habilitation familiale requiert une condition supplémentaire. Cette condition est inscrite à l’ article 494-4 du Code civil
selon lequel, lors de la demande d’habilitation, le juge s’assure « de l’adhésion ou, à défaut, de l’absence d’opposition légitime à la mesure d’habilitation ».
L’habilitation familiale est ainsi une mesure qui doit faire consensus au sein de la famille du majeur. À défaut, elle ne sera pas retenue par le juge.
En ce sens, la mise en place de l’habilitation familiale est subordonnée à l’existence d’une situation familiale non conflictuelle recherchée par le juge lorsqu’il en est saisi.
A noter
L’aspect consensuel de ce dispositif renvoie à la différence essentielle qui existe entre cette nouvelle mesure et la tutelle ou la curatelle en ce qu’elle est de nature juridique et non judiciaire. En effet, dans le cadre de l’habilitation familiale, le juge est bien moins présent dans le processus. Il intervient surtout pour la désignation du « protecteur familiale » et à certaines conditions, et éventuellement pour faire modifier la mesure ou son étendue s’il en est saisi (
C. civ., art. 494-10
) ou en cas de conflit entre le protecteur et le majeur protégé. Il n’a aucun rôle de contrôle systématique, d’arbitre ou de décision autre durant de la mesure. En cela, si l’habilitation familiale est créée par la loi et décidée par un juge, elle demeure dans sa quasi-totalité gérée et contrôlée par la famille.
Tutelle ou habilitation ?
Deux requêtes différentes, mais le juge a dorénavant le choix de substitution
Dans ce cadre, le juge des tutelles ne pouvait pas prononcer une habilitation familiale s’il était saisi au départ d’une requête aux fins d’ouverture d’une tutelle (
Cass., 1re civ., 20 déc. 2017, n° 1627507
).
Cependant la
loi du 23 mars 2019
est venue assouplir ce dispositif et permet désormais au magistrat de substituer la désignation d’une personne habilitée à l’issue d’une demande de tutelle ou curatelle (mesure de protection judiciaire) ou au cours de l’une de ces deux mesures ; en effet
l’article 494-3 du Code civil
dispose que « la désignation d'une personne habilitée est également possible à l'issue de l’instruction d’une requête aux fins d'ouverture d’une mesure de protection judiciaire ou lorsque, […], le juge des tutelles substitue une habilitation familiale à une mesure de curatelle ou de tutelle ».
Il relève des attributions du magistrat de pouvoir modifier ou substituer à tout moment une autre mesure prévue mais après avoir recueilli l’avis de la personne chargée de la mesure de protection (
C. civ., art. 442
). Inversement, le dispositif permet au cas où l’habilitation familiale ne conviendrait pas ou plus de rebasculer vers une mesure de protection judiciaire, soit la tutelle, soit la curatelle, selon la situation du majeur protégé (
C. civ., art. 494-5
). Il s’agit ici pour le magistrat d’observer précisément la situation de la personne concernée et de retenir la mesure qui lui sera la plus adaptée, individualisée et personnalisée.
Il s’agit du document officiel à remplir pour une demande de protection juridique dont l’habilitation familiale.
L’exclusivité réservée au protecteur familial
Comme sa qualification l’indique, l’habilitation familiale est réservée à la famille puisque seul peut être protecteur du majeur un membre de sa famille. La liste exhaustive de l’
article 494-1 du Code civil
vise en effet :
- les ascendants, descendants, frères, sœurs à l’exception de ceux ayant cessé la communauté de vie ;
- le conjoint ;
- le partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) ;
- le concubin.
Cette liste de membres de la famille directe de la personne à protéger exclue ceux de la famille par alliance.
Un membre de la famille sera ainsi habilité par le juge à représenter le majeur ou à l’assister, et ce à l’exclusion de toute autre personne hors du champ familial. Par ailleurs, le régime de l’habilitation familiale autorise la désignation d'un ou plusieurs titulaires pour représenter ou assister le majeur. Cependant, et à la différence de la tutelle ou de la curatelle, la loi n’évoque pas la notion de subrogé tuteur/curateur ou tuteur/curateur ad hoc).
Enfin, la personne habilitée devra exercer sa mission à titre gratuit.
Précisions juridiques
On notera qu’il ressort du dispositif d’origine que le juge peut délivrer à la personne désignée une habilitation générale ou spéciale. En cas d’habilitation générale, celle-ci portera sur l’ensemble des actes relatifs à la personne et à ses biens ou sur une de ces deux catégories d’acte (
C. civ., art. 494-6
). En cas d’habilitation spéciale, seuls un ou certains actes seront visés par le juge. Dans ce dernier cas, ils pourront concerner la personne ou les biens. La décision du juge se fondera sur le seul intérêt de la personne protégée.
Ainsi depuis la loi de 2019, on relève en fait quatre formes d’habilitation :
- générale (tous les actes) ;
- spéciale (certains actes importants) ;
- en représentation (en lieu et place de la personne protégée) ;
- ou en assistance (actes qui exigent une double signature).
Il sera possible de combiner l’assistance et la représentation en fonction des différentes catégories d’actes à réaliser.
La saisie du juge pour la mise en place de la mesure
La demande aux fins de désignation d'une personne habilitée peut être présentée au juge par :
- la personne elle-même à protéger ;
- les ascendants, descendants, frères, sœurs à l’exception de ceux ayant cessé la communauté de vie ;
- le conjoint toujours en communauté de vie ;
- le partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) ;
- le concubin ;
- le procureur de la République.