La politique nationale (cf. Plan national de formation de mai 2017) part du principe que la réussite scolaire des élèves vivant dans la précarité est l’affaire de tous et qu’elle relève du pédagogique et de l’éducatif tout autant que du social.
Un devoir de connaissance, élément de professionnalisation
C’est un devoir pour les personnels de l’Éducation nationale de s’informer et de mieux prendre en compte la précarité de certaines familles.
Le travail avec un public défavorisé, sociologiquement différent du sien (le plus souvent), implique, en effet, un questionnement spécifique dans le rapport aux élèves et la prise en compte de leurs besoins.
Désormais, dans le cursus de formation des personnels d’enseignement et d’éducation est intégré un temps d’activité en zone urbaine ou rurale permettant une connaissance concrète des conditions de vie des enfants des milieux défavorisés : encadrement d’activités extrascolaires, aide aux devoirs en liaison avec des associations, actions d’aide à la parentalité, etc.
Ce temps d’activité associative est validé dans le cursus de formation.
Une définition de la précarité
Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde, définissait, en 1987, la précarité dans un rapport au Conseil économique et social : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités permettant aux personnes et aux familles d’assumer leurs responsabilités élémentaires et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit le plus souvent à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle tend à se prolonger dans le temps et devient persistante, qu’elle compromet gravement les chances de reconquérir ses droits et de réassumer ses responsabilités par soi-même dans un avenir prévisible. »
Les sécurités dont il est question sont le travail, les revenus, le logement, l’accès aux soins et à l’instruction, à la culture ; ce sont aussi le lien familial, le lien social, etc.
Des situations génératrices de stress et de souffrances
Selon les études citées, les enfants pauvres (11,2 % des moins de 10 ans) et adolescents (12,1 % des 10-19 ans) ont des parents qui disposent de revenus insuffisants pour différentes raisons : chômage, bas salaires, temps partiel, intérim, CDD, etc. et qui sont partiellement privés des droits fondamentaux.
L’insuffisance des revenus de ces familles génère un stress et une souffrance qui atteignent forcément leurs enfants.
S’ajoutent à cela d’autres facteurs de vulnérabilité : ménages migrants, familles monoparentales et/ou nombreuses, par exemple, qui démultiplient l’impact sur le bien-être des enfants. La pauvreté se concentre dans les villes, mais n’épargne pas certains territoires ruraux.
Les conséquences de ces situations sur le plan scolaire
Un rapport de 2016 du Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), « Le bien-être à l’école des enfants en situation de précarité » (cf. Bibliographie), revient sur les effets du chômage et de la faiblesse significative des revenus sur la scolarité des enfants. Ces difficultés, le plus souvent :
- compliquent leur présence régulière à l’école ;
- rendent difficile le travail à la maison du fait des conditions de logement (espace, surpeuplement, manque de chauffage) ou d’aides à apporter à la famille ;
- engendrent des moqueries entre pairs : les élèves en situation de grande pauvreté sont davantage victimes de harcèlement ou de violences psychologiques de la part de leurs camarades (moqueries concernant l’origine, la manière de parler…) ;
- limitent la possibilité de nouer des amitiés au sein de l’école ;
- réduisent les activités extrascolaires ;
- entraînent une insécurité alimentaire ainsi qu’un moindre accès aux fournitures scolaires ;
- entraînent une plus grande fatigue (éloignement de l’établissement) ;
- limitent l’implication des parents dans le système scolaire ;
- engendrent de plus grandes tensions familiales ; etc.
Ces enfants sont donc généralement moins disponibles pour les apprentissages et il est attesté que le bien-être et la satisfaction à l’école de ces jeunes sont moindres que ceux des enfants issus de milieux plus favorisés.
Cela étant, le rapport Delahaye pointe que la scolarisation structure les temps sociaux et les horaires de ces jeunes et constitue un point d’ancrage pour eux comme pour leurs familles. Aussi sont-ils sensibles au soutien procuré par le personnel scolaire, professeurs et CPE en particulier, ainsi qu’à la solidarité mise en actes par certains établissements.
A noter
Tous les enfants pauvres n’échouent pas à l’école, mais les élèves en échec ou en rupture de scolarité sont en grande majorité des enfants pauvres.
La forte précarisation des jeunes dans certains lycées professionnels
Les élèves de lycées professionnels appartiennent majoritairement aux classes populaires ; différents indicateurs tendent à montrer une surreprésentation de la frange la plus précarisée de ces classes (29 %). Ainsi, des enquêtes sur les LP font aujourd’hui état de la disqualification scolaire et sociale d’une partie de ces jeunes.
La fragilisation socio-économique dans laquelle ils se trouvent va de pair avec une hausse des situations de dégradation de la santé physique et mentale, qui les conduisent à l’absentéisme puis au décrochage. Or les parents n’ont qu’un recours/accès limité aux services médicaux, voire sociaux, utiles.
Ainsi, un nombre non négligeable d’élèves cumulent les problèmes économiques, sociaux et sanitaires qui affectent leurs apprentissages, ce qui impose une approche globale dans leur suivi par la vie scolaire.