Convention sur les temps de l’enfant : une « éducation au sommeil » nécessaire en France

Publié le 18 juin 2025 à 15h35 - par

Une « éducation au sommeil », un pilier trop négligé de la santé des enfants, est nécessaire en France, dit dans un entretien à l’AFP le psychiatre Pierre-Alexis Geoffroy, responsable du centre ChronoS (Psychiatrie, Chronobiologie, Sommeil) de l’Hôpital Bichat AP-HP, alors que s’ouvre vendredi 20 juin une Convention citoyenne sur les temps de l’enfant.

Convention sur les temps de l'enfant : une "éducation au sommeil" nécessaire en France
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Que représente le sommeil pour la santé de l’enfant ?

Le sommeil, c’est, avec l’alimentation et l’exercice physique, l’un des piliers de la santé, du développement de l’enfant. Mais si l’importance de l’exercice physique, d’une bonne alimentation, sont largement admises, celle du sommeil ne l’est pas du tout : on a des horaires scolaires bien trop précoces. Les chronobiologistes se battent depuis des années pour retarder le début de l’école à 9h. Car l’enfant se développe la nuit, notamment l’hormone de croissance est sécrétée la nuit. Si l’on dort peu ou moins bien, le développement, la consolidation de la mémoire, la régulation métabolique et émotionnelle, la régénération de l’énergie se font moins bien… la privation de sommeil a un impact développemental global terrible sur l’enfant.

Comment se traduit cet impact ?

Quand un enfant est en privation de sommeil, il y a l’effet direct : être somnolent, s’endormir en cours, etc. Et il y a le fait d’être socialement discriminé : quand vous êtes endormi en cours, les petits copains, les profs font des blagues. Dans une société de « performeurs » où il faut dormir peu, les grands dormeurs sont montrés du doigt comme des feignants, et cela commence dès l’école. Une étude dans 20 pays vient de montrer que le stress associé au fait de ne pas répondre aux normes culturelles de sommeil a un impact encore plus important que la privation de sommeil elle-même.

Comment y remédier ?

Il n’y a pas d’éducation autour du sommeil. On devrait avoir les bases de ce qu’on appelait avant « l’hygiène de sommeil ». Pour un enfant, c’est d’avoir des rythmes réguliers de sommeil, avec un lever un peu à heure fixe, ne pas se décaler de plus d’1h30 le week-end, sinon il aura encore plus de difficultés la semaine suivante à aller se coucher, la privation de sommeil sera encore plus importante, comme sa fatigue cognitive, avec une difficulté à contrôler ses pensées le soir : on va tomber dans un cercle vicieux. Ce « jetlag social » est associé, avec la privation de sommeil et les rythmes irréguliers, à une mauvaise santé mentale et physique, à plus de suicides.

Quelle durée de sommeil est nécessaire à l’enfant et l’adolescent ?

Le besoin évolue avec l’âge, mais c’est entre 10 et 14 heures pour les enfants préscolaires. Entre 6 et 13 ans, la durée recommandée est de 9 à 11 heures. Et les adolescents, c’est plutôt 8 à 10 heures. La population n’a jamais été autant privée de sommeil, c’est 1h30 en moyenne actuellement, et les jeunes paient le tribut le plus important.

Écrans et réseaux sociaux avant de dormir dégradent-ils le sommeil ?

Ils ont un impact mais il ne faut pas confondre la cause et la conséquence. On les diabolise souvent mais c’est aussi une conséquence du fait que, physiologiquement, jusqu’à 11 % des adolescents ont un chronotype (rythme biologique, ndlr) du soir : ils n’ont pas sommeil, ont une température haute, une vigilance importante… Il leur est impossible de s’endormir alors ils s’occupent avec ce qu’ils ont : réseaux sociaux, portables… Mais il est vrai que l’usage de ces écrans, notamment la lumière bleue qui va inhiber la sécrétion de mélatonine – hormone favorisant l’endormissement -, va aggraver ce chronotype du soir. Et avoir beaucoup d’interactions sociales, regarder des vidéos est très éveillant.

Par quoi les remplacer ?

On conseille beaucoup la lecture avant de dormir : c’est très relaxant, cela fait couper avec la rumination, l’anxiété de la journée, on se concentre sur l’histoire qu’on lit et le moment présent, et les études scientifiques montrent que le sommeil sera moins fragmenté, plus profond, de meilleure qualité.

Que faire collectivement ?

Je propose de créer un « Challenge 4S, Sommeil, sport, santé, sérénité » : un défi national de quatre semaines pour améliorer son sommeil, faire du sport quotidiennement même 15 minutes, prendre soin de sa santé mentale, avec des conseils, un site internet et une application gratuits, une campagne média avec des influenceurs, des sportifs de haut niveau et des professionnels de santé, pour créer une prise de conscience de l’effet du sport et du sommeil sur la santé mentale.

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