L’instruction à domicile bientôt bannie pour freiner les séparatismes

Publié le 2 octobre 2020 à 17h00 - par

Emmanuel Macron a mis l’éducation au cœur de la lutte contre les séparatismes en annonçant vendredi 2 octobre 2020 la fin prochaine de l’instruction scolaire à domicile, sauf justification médicale, une décision « radicale » pour tenter d’enrayer la lente progression des déscolarisations.

L'instruction à domicile bientôt bannie pour freiner les séparatismes

« C’est une nécessité. J’ai pris une décision, sans doute l’une des plus radicales depuis les lois de 1882 et celles assurant la mixité scolaire entre garçons et filles en 1969 », a expliqué le chef de l’État lors d’un discours sur les séparatismes aux Mureaux (Yvelines).

« Dès la rentrée 2021, l’instruction à l’école sera rendue obligatoire » et « l’instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé », a-t-il annoncé, parlant d’un changement de « paradigme ».

Emmanuel Macron a estimé qu’aujourd’hui « plus de 50 000 enfants suivent l’instruction à domicile, un chiffre qui augmente chaque année ».

Sur ces 50 000 enfants, « plus de 25 000 sont malades » et continueront donc d’être instruits par le Cned (enseignement à distance), a ensuite précisé le ministre de l’Éducation Jean-Michel Blanquer sur BFMTV.

Pour Jean-Pierre Obin, inspecteur général honoraire de l’Éducation nationale, cette annonce est « une bonne surprise ». « C’était sans doute le seul moyen pour enrayer cette montée exponentielle d’élèves déscolarisés » et « il était temps d’avoir une telle mesure de limitation car il y a trop d’élèves dans la nature, dans des écoles clandestines », a estimé l’auteur de « Comment on a laissé l’islamisme pénétrer à l’école » (Éditions Hermann).

« On peut se dire que 50 000 élèves concernés c’est peu, mais le jour où il y en aura deux millions, ça sera impossible de l’arrêter, c’est maintenant qu’il faut le faire », a-t-il insisté.

Iannis Roder, professeur d’histoire-géo à Saint-Denis et spécialiste de ces sujets, va dans le même sens. « C’est une annonce très importante car il y a de plus en plus d’élèves déscolarisés, pour lesquels on a du mal à exercer un vrai contrôle de ce qui est réellement enseigné dans les familles », selon lui.

« L’école doit offrir cet espace de respiration, où l’on s’ouvre aux autres et où l’on se confronte aux différentes visions du monde », a-t-il ajouté.

« Sous le choc »

Mais l’annonce de la limitation stricte de l’instruction à domicile n’est pas du goût de tous. Les associations qui défendent ce droit se disent « sous le choc ».

Gwénaële Spenlé, membre des Enfants d’abord est « stupéfaite » : « J’ose espérer que c’est un effet d’annonce ».

« C’est difficile de croire à une telle décision. Emmanuel Macron dit qu’il ne faut pas faire d’amalgame mais là c’en est un, notre objectif n’est pas d’être séparatistes », témoigne pour sa part Alix Fourest, co-présidente de l’association Laia (Libres d’apprendre et d’instruire autrement).

Selon elle, « certaines familles remettent en question le système scolaire car il n’est pas adapté à leur enfant, mais ça ne veut pas dire qu’elles remettent en question la société dans son ensemble ».

« Qu’on nous dise combien, sur les 50 000 enfants déscolarisés, le sont pour des raisons religieuses, on verra que c’est loin d’être la majorité », s’est-elle défendue.

Clémentine Besse, mère de deux enfants de 5 et 7 ans instruits à domicile, parle d’une « décision absurde ». « Je n’en reviens pas qu’on revienne sur ce droit constitutionnel acquis depuis longtemps », tance cette ancienne enseignante, qui dit avoir « vu les manquements de l’école, les dégâts que l’institution peut causer sur certains enfants ».

Selon Me Valérie Piau, avocate en droit de l’éducation, il n’existe toutefois pas dans la Constitution de droit à l’instruction à la maison.

Autre annonce du chef de l’État : les écoles hors contrat « feront l’objet d’un encadrement encore renforcé », avec des fermetures administratives qui pourront être facilitées.

Emmanuel Macron a aussi confirmé que les dispositif de cours facultatifs en langues étrangères dispensés par des enseignants désignés par les gouvernements d’autres pays (Elco) allaient être supprimés.

Ces Elco, qui faisaient l’objet de contrats avec l’Algérie, le Maroc et la Turquie, proposent des cours donnés par des enseignants parfois non francophones et sans contrôle de l’Éducation nationale.

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