Analyse des spécialistes / Élus

Vers la fin de l’exception du régime électoral de Paris, Lyon et Marseille ?

Publié le 28 avril 2025 à 15h45, mis à jour le 19 août 2025 à 11h10 - par

La représentation démocratique au sein des communes de Paris, Lyon et Marseille fait l’objet d’une proposition de loi actuellement soumise au processus législatif. L’objectif fondamental de ce texte est d’abroger le régime dérogatoire institué par la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982, dite loi « PLM », qui régit le mode d’élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille.

Vers la fin de l'exception du régime électoral de Paris, Lyon et Marseille ?
© Par jasckal - stock.adobe.com

Cet article fait partie du dossier :

Élections municipales et intercommunales 2026: tout ce qu'il faut connaître
Les dates clés des élections municipales 2026
Élections municipales et intercommunales 2026 : tout ce qu'il faut connaître
Voir le dossier

Ce régime spécifique se caractérise par un scrutin de liste à l’échelle sectorielle ou des arrondissements, distinct du périmètre communal, et par une désignation des maires et conseillers municipaux s’opérant au second degré, constituant ainsi un scrutin indirect.

1. Les objectifs poursuivis

Les auteurs de cette proposition de loi articulent leur démarche autour de plusieurs arguments juridiques et de principes démocratiques fondamentaux. Ils mettent en exergue la nécessité de renforcer la lisibilité du processus démocratique, en permettant une identification claire par l’électorat des candidats et du niveau de représentation concerné. L’instauration du suffrage universel direct est présentée comme un moyen d’accroître la responsabilité politique des élus, en supprimant le mécanisme de désignation indirecte qui dilue le lien direct entre l’électeur et l’élu communal. Un impératif d’harmonisation du droit électoral local est également avancé, visant à rapprocher le régime applicable à ces trois métropoles du droit commun régissant les élections municipales dans l’ensemble des autres communes françaises, conformément au principe d’égalité devant la loi et le suffrage. Enfin, la proposition entend prévenir les effets potentiels de « prime majoritaire excessive », inhérents au système actuel où une majorité relative dans quelques secteurs peut engendrer une majorité absolue disproportionnée au sein de l’assemblée délibérante centrale.

2. Les éléments clés de la réforme

La proposition de loi articule sa réforme autour de plusieurs axes majeurs :

  • Suppression du système PLM.
  • Mise en place de deux scrutins distincts simultanés (dans les mêmes conditions) :
  • Une liste pour le conseil municipal (suffrage universel direct) : désigne les conseillers de Paris ou les conseillers municipaux de Lyon et Marseille.
  • Une liste pour l’arrondissement : élit les membres des conseils d’arrondissement.
  • Scrutin proportionnel à deux tours avec prime majoritaire limitée :
  • Système similaire à celui des communes de plus de 1 000 habitants.
  • La liste arrivée en tête obtient une prime majoritaire de 25 % des sièges (contre 50 % aujourd’hui à Paris, Lyon et Marseille).
  • Il y a la possibilité d’être candidat dans les deux listes.
  • Une articulation est prévue entre les deux : possibilité pour le maire d’arrondissement d’assister au Conseil de Paris ou au conseil municipal même s’il n’en fait pas partie. À sa demande, il peut se faire entendre pour les affaires relatives à son arrondissement.
  • Entre les deux conseils, une instance de coordination dénommée « conférence des maires » peut avoir lieu, où tout sujet d’intérêt municipal peut être débattu. Elle est présidée par le maire de la ville et comprend donc les maires des arrondissements. Ils doivent se réunir au moins 1 fois par an soit à l’initiative du maire de la ville ou soit à la demande de la moitié des maires d’arrondissements, sur un ordre du jour déterminé. Ses modalités de fonctionnement sont déterminées dans le règlement intérieur du conseil.
  • Trois tableaux fixent, pour Paris, Lyon et Marseille, les arrondissements constituant les secteurs et le nombre de sièges de conseiller d’arrondissement attribué à chaque secteur. Chacune des listes doit proposer le même nombre de noms qu’il y a de sièges à pourvoir dans le secteur.

3. Les étapes du texte

Le texte a franchi une première étape significative avec son adoption en première lecture par l’Assemblée nationale le 9 avril 2025, recueillant 183 voix favorables contre 53. Le 3 juin, les sénateurs se sont massivement exprimés contre ce texte. Parmi les suffrages, 97 sont pour et 217 contre. Le 4 juin 2025, le gouvernement a convoqué une commission mixte paritaire. Elle s’est réunie le 17 juin pour trouver un texte de compromis, qui devra ensuite être approuvé par les deux assemblées. Le 24 juin 2025, la commission mixte paritaire n’a pas pu parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi. Cependant, le 7 juillet 2025, l’Assemblée nationale a finalement adopté la proposition de loi en nouvelle lecture. Par une décision n° 2025-892 DC du 7 août 2025, le Conseil constitutionnel a validé la loi de réforme du mode d’élection à Paris, Lyon et Marseille en ce qu’elle respectait la Constitution, rejetant tous les arguments des requérants. Il a estimé que la loi ne créait pas de charge publique nouvelle et n’était donc pas irrecevable. Selon, le Conseil d’État, les dépenses supplémentaires liées au double scrutin étaient considérées comme incertaines ou non significatives. Les arrondissements ne sont pas des collectivités territoriales au sens de l’article 72 de la Constitution et ne remettent pas en cause la libre administration. La loi ne modifie pas les compétences des villes et n’établit aucune tutelle illégale. La prime majoritaire dérogatoire de 25 % pour ces trois grandes villes est justifiée par leur situation particulière et leur taille. L’objectif est d’améliorer la représentation du pluralisme des opinions. Le Conseil a estimé que l’organisation de deux scrutins distincts mais simultanés n’était pas trop complexe et ne risquait pas de créer de confusion pour les électeurs. Le délai de plus de six mois entre la promulgation de la loi et le prochain scrutin est jugé suffisant pour que les électeurs et les candidats s’adaptent aux nouvelles règles.

La loi n° 2025-795 du 11 août 2025 prévoit donc une obligation pour le gouvernement de transmettre au Parlement, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant les potentiels transferts de compétences de la mairie centrale vers les mairies d’arrondissement au sein des villes de Paris, Lyon et Marseille, ouvrant ainsi la voie à une possible redéfinition des équilibres institutionnels locaux.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public

Auteur :


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Services à la population »

Voir toutes les ressources numériques Services à la population