Portraits d'acteurs

Bruno Paulmier

Manager « en transition »

« Un DGS, qui veut être à la hauteur de ses défis, doit cultiver beaucoup de qualités et donc se former intensivement au management public territorial.  »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Bruno Paulmier : J'ai plusieurs casquettes et je suis un manager en pleine transition. Je suis en train de terminer mon parcours dans l'exercice de mes fonctions de DGS de la Ville de Niort, mais j'exerce souvent aussi en tant qu'intervenant formateur notamment pour le CNFPT et l'INET en particulier (co-conception et co-animation du nouveau cycle supérieur de la transition). Je préside l'association des dirigeants territoriaux et anciens de l'INET (ADT-INET) et à ce titre, j'ai rejoint le bureau du Comité 21 en tant que président du collège des collectivités territoriales et assimilés.

Je viens d'apprendre au congrès du SNDGCT qu'en espagnol le mot utilisé pour désigner la « retraite », c'est « jubilacion ». J'adore l'idée, je vais pouvoir me consacrer avec joie et énergie à mes nouvelles activités !

J'ai mis les pieds dans une mairie pour la première fois il y a 40 ans (l'année de la décentralisation) en tant que collaborateur de cabinet pendant mes études à Sciences Po Paris (des années sacrément intenses !). J'ai passé le concours d'attaché et j'ai choisi les finances avant d'accéder aux fonctions de direction générale (chef de service à Massy, chargé de développement régional dans une filiale de la CDC en PACA, DGA à Athis-Mons). Puis, j'ai fait le « grand saut » à 35 ans, en devenant DGS du Kremlin-Bicêtre, puis DGS de retour à Athis-Mons, ensuite directeur de la coordination au sein de la DG du Conseil départemental de l'Essonne (et promu administrateur) avant de prendre ma fonction actuelle de DGS à Niort (depuis 14 ans mais en vivant une alternance en 2014). J'aurai passé plus de 30 ans dans des fonctions de direction générale. J'aime passionnément ce métier.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Bruno Paulmier : Impulser, faire converger, animer, mais je peux dire aussi incarner, piloter, réparer ou encore défricher, conquérir, protéger ou bien encore veiller, arroser, récolter... Il faut que j'en laisse un peu pour celles et ceux qui répondront au même questionnaire !

En fait non. Je voudrai dire aussi transgresser, transformer, transmettre. Il nous faut changer de référentiel public si l'on veut réussir la transition des territoires, c'est maintenant mon obsession.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Bruno Paulmier : Un DGS, qui veut être à la hauteur de ses défis, doit cultiver beaucoup de qualités et donc se former intensivement au management public territorial. Être mu par la curiosité, écouter et entendre, penser et agir en ensemblier, décider vite et juste, gérer les ressources, veiller aux « grains du service public » et aux femmes et hommes qui le servent, aller au-delà de ses prérogatives pour être utile aux élus et au territoire qui vous paie.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Bruno Paulmier : La volonté d'exercer le métier utile que j'ai choisi, la richesse des rencontres et des relations humaines de la journée, répondre présent pour les hommes et les femmes qui comptent sur moi. De la fierté, incontestablement, à être « au service ».

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Bruno Paulmier : Récemment, j'ai voulu et piloté la co-production avec les acteurs du territoire, de la feuille de route Niort Durable 2030 en déclinaison des 17 objectifs de développement durable de l'ONU, une première en France (délibération adoptée à l'unanimité par le conseil municipal en novembre 2019 à quelques mois des élections municipales). Auparavant, j'aurai répondu que j'avais piloté la création de la communauté d'agglomération du Val de Bièvre (7 communes du Val-de-Marne de sensibilité différentes, 197 000 habitants), ex-nihilo et en 3 mois, dans le cadre de la loi Chevènement (1999), un « truc de dingue » !

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Bruno Paulmier : Que la trajectoire climatique demeure en dessous de + 2 degrés ; que ce qui reste de la biodiversité soit préservé de l'extinction en cours ; que les pollutions cessent de s'aggraver grâce à l'action conjuguée des humains et non à cause de catastrophes... Et que les territoires français en métropole et dans les Outre-mer aient réussi à prendre leur part. Que ma génération puisse passer le relais à d'autres avec espoir. Vous m'aviez autorisé à rêver... En attendant, au travail ! Il n'y a pas une minute ni un mètre carré à perdre.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Bruno Paulmier : Elles sont nombreuses. Des collègues : un jeune DGA promis à un beau parcours de DGS, Jean-Pierre Dayras, dont l'exemple il y a 40 ans m'a définitivement convaincu d'exercer ce métier. François Bée, DGS d'Athis-Mons (puis de Saint-Malo) qui me l'a appris, et Jacques Marsaud, Boris Petroff, Gilles du Chaffaut, Joël Boscher, de grandes figures de la profession et tant d'autres collègues et ami(e)s avec lesquel(le)s je milite à l'ADT-INET ou au SNDGCT. Coup de chapeau à Stéphane Pintre qui quitte la tête du syndicat !

Des Elu(e)s : quand j'ai débuté, Georges Verry, un vieux maire-adjoint, ancien ouvrier du bois et libre penseur, vétéran de tous les combats politiques et syndicaux qui était tout mon contraire ; Marie-Noëlle Lienemann, alors députée-maire d'Athis-Mons, défricheuse du développement durable municipal, ardente ministre du Logement et européenne militante ; Jean-Luc Laurent, maire du Kremlin-Bicêtre qui m'a confié mon premier poste de DGS ; Geneviève Gaillard et Jérôme Baloge, les deux maires de Niort si différents avec lesquels j'ai eu l'honneur de travailler et de tracer une trajectoire cohérente et pérenne en matière de développement durable.

Des universitaires et des consultants tellement nombreux et à qui je dois tant ! Annie Bartoli, Joseph Carle, Jérôme Dupuis, Jacques Duranton, Philippe Dressayre et plus récemment Guillaume Serre... Et puis de formidables intellectuels qui révolutionnent la vision du monde et nous aident à inventer les nouveaux modèles. Je me nourris de leur enseignement chaque jour avec enthousiasme.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Bruno Paulmier : « Il faut manger pour vivre et non point vivre pour manger ! » (L'Avare de Molière). N'est-ce pas une drôle de définition détournée de la sobriété ? J'utilise aussi le fameux « Il ne faut jamais gaspiller une bonne crise » de Winston Churchill.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Bruno Paulmier : Le numérique (et l'explosion des télécommunications) qui a profondément modifié des relations de travail et bien au-delà. L'irruption de la question planétaire qui révèle les impasses et fait tomber les masques de la croissance par la mondialisation. Toutes les cartes de la politique, du social et de l'économie sont rebattues.

J'ai droit à une question joker ? Un souvenir fort à partager avec vos lecteurs. J'étais jeune DGA, je me souviendrai toujours de la poignée de main devenue fragile et du regard si impressionnant du président François Mitterrand, déjà très malade, en visite à Athis-Mons quelques semaines avant la fin de son second quinquennat. L'Histoire et un homme, en face de soi.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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