Portraits d'acteurs

Cédric Macron

Magistrat financier à la chambre régionale des comptes Grand Est

« Le collectif est une force qui sait déplacer des montagnes. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Cédric Macron : Je suis, depuis 3 ans, magistrat financier à la chambre régionale des comptes Grand Est. Après une maîtrise en droit à l'Université de Bourgogne, j'ai débuté dans le service public en 2001 en devenant commissaire des armées, corps d'officiers exerçant des missions d'administrateur militaire. Après une première expérience au sein du ministère de la Défense dans le domaine de l'audit, j'ai rejoint les collectivités locales pour y occuper des fonctions de direction générale pendant une quinzaine d'années, avec une interruption entre 2010 et 2012 au ministère de l'Économie, comme chef de service à l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Cédric Macron : La diversité : comme de nombreux métiers exercés par les hauts-fonctionnaires ou, plus largement, les cadres dirigeants, la diversité des missions, des actions et des interlocuteurs rythme notre quotidien. Elle nécessite de s'adapter en permanence en termes de discours et de méthodes, d'évoluer de réflexions stratégiques sur les grands enjeux des politiques publiques à des situations beaucoup plus concrètes de résolution de points de blocages techniques.

La collégialité : c'est un élément structurant du fonctionnement des juridictions financières, et des juridictions au sens large ; il implique que les décisions qui sont prises et la parole qui est portée par l'institution ne reposent pas sur l'approche d'un seul individu mais sont soumises à l'appréciation et à la décision de la collégialité. Il s'agit à la fois d'un principe de respect des droits de la défense pour les organismes contrôlés, j'y préfère la notion de fair-play, mais également d'une école de l'humilité et de l'apprentissage permanent pour le magistrat.

La responsabilité : les missions d'un magistrat financier, les instructions conduites, les décisions prises et les rapports produits sont engageants pour l'institution et nos interlocuteurs ; ils nous obligent en contrepartie. En ce sens, les enjeux de déontologie, de confidentialité, de posture professionnelle ou de mesure dans les prises de position sont essentiels.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Cédric Macron : Assez logiquement, il est préférable de disposer des qualités de rigueur et de méthode. Les fonctions de magistrat financier laissent en effet assez peu de place à l'« à peu près ». D'abord par respect pour nos interlocuteurs, ensuite parce qu'au plus la position est étayée, vérifiée voire indiscutable, au mieux elle produit de la valeur et donne du sens. La pluralité des missions et les logiques d'actions et de calendriers sous-tendues impliquent une organisation solide et une action pro-dynamique.

Enfin, la pédagogie me paraît être une qualité déterminante car la conviction permet d'intégrer « naturellement » l'amélioration continue du service public.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Cédric Macron : Je dors assez peu et suis plutôt optimiste de nature, je trouve donc toujours une bonne raison de croire que la journée va pouvoir permettre d'accomplir des actes positifs et faire avancer les dossiers, aboutir un projet ou apporter un service à nos concitoyens. Lorsque les actions sont moins couronnées de succès, ce qui peut arriver, une belle rencontre ou une situation cocasse sont autant d'évènements du quotidien qui apportent une part de bonheur et dont je sais me satisfaire.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Cédric Macron : Il y en a plusieurs et cela a toujours été, j'insiste sur ce point, un succès partagé, impossible sans l'intelligence collective, la mobilisation des équipes, le soutien des élus ou des décideurs publics. S'il fallait en choisir un : j'ai été, entre 2012 et 2017, directeur général des services du centre de gestion de Saône-et-Loire. Les centres de gestion étaient, à ce moment, à la croisée des chemins, dans la nature de leurs missions et dans la justification de leur rôle, au profit des collectivités locales. Il a donc été nécessaire de passer d'une logique d'administration à une logique de service, quasi-entrepreneuriale et d'être identifié, comme tel, résultats à l'appui, par nos interlocuteurs.

Le défi consistait donc à changer d'approche en interne, à se donner les moyens de notre développement et de son évaluation, et à rénover l'image du centre et les attendus de nos collectivités. Une autre difficulté de l'exercice était son calendrier, avec les élections municipales en 2014. Au final, le succès de cette démarche, du moins je l'analyse comme tel, a été rendu possible par la volonté forte des élus, l'engagement dans la durée des agents du centre à tous les niveaux, et un réseau national et local solidaires : ce n'est pas un vain mot, le collectif est une force qui sait déplacer des montagnes.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Cédric Macron : Je ne sais pas si l'on peut parler d'un rêve, je parlerais plutôt d'un espoir : c'est celui que notre jeunesse puisse se réaliser dans la paix et dans une certaine forme d'insouciance. Elle est la véritable richesse de notre Nation et son devenir. À ce titre, je considère qu'il est de la responsabilité de ceux qui en ont la possibilité, d'apporter leur pierre à la construction de son avenir. Dans ce cadre, j'interviens modestement, depuis une vingtaine d'années, dans différents cycles de formation universitaires en droit et en économie et, plus récemment, pour les classes « Talents du service public » en IPAG. Le contact et l'écoute des autres générations permet également, me semble-t-il de ne pas en être « déconnecté ».

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Cédric Macron : Globalement, je peux dire que tous les différents « patrons » pour lesquels j'ai eu à travailler m'ont, d'une manière ou d'une autre, marqué au cours de ma carrière : qu'ils soient parlementaires, élus locaux ou grands « commis » de l'État. Je crois pouvoir dire que chaque changement de situation professionnelle a été le fruit et la conséquence d'une rencontre, peut-être plus que d'un projet. J'ai ainsi eu la chance de pouvoir travailler aux côtés de personnages brillants, portant des valeurs d'humanité, d'écoute et soucieux d'œuvrer pour le bien commun, tout en restant humbles : ce qui m'empêche de les citer tous ici, même s'ils se reconnaîtront.

Sur un plan plus personnel, j'ai eu l'opportunité de rencontrer et d'échanger à plusieurs reprises avec Hubert Reeves, dont la personnalité autant que la capacité à expliquer simplement des processus particulièrement complexes forcent le respect.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Cédric Macron : C'est la phrase de Sun Tzu qui nous rappelle que « celui qui excelle à résoudre les difficultés les résout avant qu'elles ne surgissent ».

Je crois que la question de l'anticipation et de la perception des « signaux faibles » et de leur prise en compte est une qualité première du décideur, public ou non. Il s'agit d'aller au-delà des options qui semblent s'imposer à un instant T pour envisager celles qui seront les meilleures, compte tenu des évènements à venir, connus ou pressentis. C'est un exercice difficile qui implique d'accepter l'erreur potentielle et de ne pas se reposer sur ses seules certitudes.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Cédric Macron : Une forme de libéralisation du secteur public, suite du « new public management », qui a rapproché les modes de fonctionnement entre secteurs public et privé : j'ai ainsi connu la mise en œuvre de la LOLF, de plusieurs RGPP, des lois « Sauvadet » et « de transformation de la fonction publique » et le pilotage de délégations de service public portées par de grands groupes privés. Je ne porte pas de jugement sur le fond, tant que la satisfaction de l'intérêt général reste « l'objet social » du service public. Il est en revanche indéniable que ce mouvement a modifié en profondeur les postures et les méthodes.

La montée en puissance du digital avec ses conséquences en matière de lien à l'usager, de management à distance, de communication entre collègues, et ses conséquences encore à évaluer. Dans ce contexte, s'agissant de l'attractivité et de l'efficacité du service public, la question des modalités de la relation managériale et de l'animation des communautés professionnelles constituent, à mon sens, un des enjeux majeurs des prochaines années pour les organisations publiques.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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