Portraits d'acteurs

Didier Medori

Commissaire à la lutte contre la pauvreté auprès du préfet de Corse

« Je coordonne la politique interministérielle de lutte contre la pauvreté en Corse. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Didier Medori : Imprégné depuis mon plus jeune âge par l'intention éthique du bien commun, j'ai rejoint l'exercice de l'État comme élève attaché de l'institut régional d'administration de Lyon après des études en économie (licence) puis en droit public (doctorat) et un service national accompli en 1993, à l'âge de 24 ans, en qualité d'adjoint d'enseignement à l'École nationale supérieure de la police à Saint-Cyr-au-Mont-d'Or.

À l'issue de ma formation universitaire et professionnelle, j'ai exercé pendant près de 20 ans comme cadre dirigeant dans différentes collectivités territoriales, des fonctions à dominante gestion financière. J'ai ensuite dirigé en Corse-du-Sud une fédération départementale d'associations employant 700 salariés et réalisant 13 millions d'euros de chiffre d'affaires dans le secteur concurrentiel des services à la personne avant de réintégrer l'État en 2019 pour coordonner la politique interministérielle de lutte contre la pauvreté en Corse.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Didier Medori : Assurer, sous l'autorité du préfet de région, la coordination et le pilotage interministériel de la lutte contre la pauvreté en Corse en mobilisant plusieurs centaines d'acteurs publics et privés concernés par les différentes politiques publiques.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Didier Medori : Humilité, volonté, énergie et capacité à fédérer pour améliorer la contribution de chacune des forces vives de la Nation.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Didier Medori : Au plan professionnel, comme acteur de terrain, participer, avec beaucoup d'autres, à élever un peu plus chaque jour, les conditions de vie de celles et ceux qui ont besoin d'être accompagnés. Sur un plan plus personnel, la joie d'un père, spectateur attentif d'un fils qu'il voit grandir en développant de belles valeurs humaines et dans le cadre d'un parcours académique d'exception. Et d'une manière générale, la complicité de l'ami des Ajacciens, le soleil, qui ajoute une lumière éclatante et une douceur infinie sur le golfe d'Ajaccio, un des plus beaux du monde où j'ai le plaisir de vivre !

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Didier Medori : Avoir convaincu le système bancaire suite à un premier refus lié à une notation dévoilant un risque trop élevé d'insolvabilité financière, de continuer à financer une ville, après avoir construit une trajectoire financière innovante de maîtrise des flux, des stocks et des engagements hors bilan et démontré sa faisabilité. Une note grise qui m'a valu quelques nuits blanches !

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Didier Medori : Mon rêve serait que la Corse, ce territoire que mes grands-parents paternels ont dû quitter pour trouver du travail sur le continent, se libère de toutes les formes de violences qui empêchent ses habitants de créer, entreprendre et travailler librement et que les personnes les plus vulnérables aient les moyens d'améliorer suffisamment leurs capabilités (leur capacité à convertir leurs ressources en libertés réelles) pour que tous vivent dans la dignité.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Didier Medori : Des personnes intellectuellement brillantes et dotées d'une grande indépendance d'esprit qui ont contribué à me faire grandir. La première personne fut ma professeure de philosophie en classe de terminale au lycée Vaugelas à Chambéry, Martine Revol. Elle m'a appris à me questionner. Puis mon professeur de macroéconomie à l'université Grenoble-Alpes, ancien polytechnicien, Bernard Billaudot, qui m'a inculqué la rigueur du raisonnement. Quelques années plus tard, Benoit Mollaret, adjoint aux finances et à l'évaluation de la ville de Meylan dans l'Isère, ingénieur exerçant dans le secteur privé, qui m'a appris à gagner en efficience et en efficacité par son exigence qui imposait d'aller très vite au but et de produire les synthèses les plus courtes. Enfin, le directeur général des services de la communauté d'agglomération Grenoble Alpes Métropole et ancien élève de l'ENA, Serge Darmon, par son intelligence lumineuse. Il m'a incité à penser autrement. J'éprouve à leur égard un profond respect.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Didier Medori : Si je dois en conserver une seule, sans doute le mot de John Steinbeck : "L'esprit libre et curieux de l'homme est ce qui a le plus de prix au monde". La liberté parce que, de mon point de vue, elle est la mère de toutes les valeurs, même si la liberté stricto sensu n'existe pas, seul le sentiment de liberté existe. Et la curiosité, parce qu'elle est source de connaissance, d'amélioration, de compétence, et, in fine, de possibles progrès.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Didier Medori : À l'âge de 26 ans, mon premier poste de secrétaire général de la mairie de Vaujany, station de sport d'hiver de 250 habitants permanents créée dans les années 80. Lorsque j'ai pris mes fonctions, la commune avait la particularité d'avoir un budget équivalent à celui d'une ville de 10 000 habitants grâce aux retombées fiscales du barrage de Grand'Maison et des difficultés juridiques, administratives et financières hors normes. Conséquence des affres de l'argent facile et d'une première décennie de décentralisation marquée par l'absence de professionnalisation et l'insuffisance des règles encadrant le financement de la vie politique et de la commande publique. Pas moins de cinq cabinets d'avocats à piloter pour conseiller la commune dans les contentieux les plus divers, allant du droit de l'urbanisme, au droit commercial, en passant par le droit civil, fiscal, de la fonction publique, de la commande publique sans oublier le droit pénal. Une expérience fondatrice qui m'a fait comprendre très jeune que l'état d'esprit et la capacité de travail étaient plus importants que les diplômes !

Vingt ans plus tard, en qualité de directeur d'une entreprise de services à la personne, la découverte des fins de mois difficiles pour les travailleurs pauvres, essentiellement composés de femmes salariées. Un choc qui a provoqué ma volonté de travailler sur les politiques de cohésion sociale et l'accompagnement des personnes en difficulté, sans renier ma culture de la performance de l'action publique.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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