Portraits d'acteurs

Fanny Dumont

Fanny Dumont

Directrice générale adjointe aux politiques éducatives à Sevran

« J'ai la conviction qu'un agent bien traité est un agent bien traitant avec les usagers. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Fanny Dumont : J'ai occupé des postes de consultante RH et management en début de carrière puis des postes d'encadrement intermédiaires et de direction dans le secteur de la formation professionnelle pendant une quinzaine d'années dans des environnements professionnels très variés : un établissement public de recherche, au CNFPT au niveau national, dans une branche professionnelle et à la Cour des comptes où j'ai dirigé l'institut de formation interne. Dans tous ces postes, j'ai eu à accompagner des évolutions culturelles, d'organisation et numériques. J'ai alors choisi de mettre cette expertise de la conduite du changement au service de politiques publiques qui visent à transformer nos modes de vie et à répondre à l'urgence sociale et climatique. J'ai été déléguée générale à l'organisation à l'EPT Plaine Commune puis directrice de la transformation au département de la Seine-Saint-Denis. Je poursuis, aujourd'hui, mon parcours professionnel en Seine-Saint-Denis au service de la ville de Sevran sur un poste de Directrice générale adjointe (DGA) aux politiques éducatives. Je suis en charge de l'enseignement, de la politique jeunesse, de la petite enfance, des maisons de quartier, de la culture et du sport (5 directions, 550 agents).

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Fanny Dumont : L'engagement : c'est vouloir agir pour un territoire, pour améliorer la vie des habitants. C'est mettre pour cela ses compétences au service d'une ambition politique dont on est convaincu par le cap. En tant que manager, notre rôle est de convaincre et soutenir son équipe dans l'atteinte d'objectifs communs pour tenir le cap ! C'est essayer sans se décourager, emprunter différentes voies pour y parvenir... On peut renoncer ou différer certains projets mais jamais perdre le cap !

La responsabilité : en tant que manager, l'effet démultiplicateur de notre action tant sur la mise en œuvre du projet de la collectivité que sur le  quotidien de travail de nombreux collègues implique en retour de grandes responsabilités. Il s'agit de porter une exigence dans la qualité de son travail, de ses paroles et de son action pour soi-même et son équipe dans une posture d'ouverture et de dialogue face aux difficultés rencontrées, pour chercher des solutions, soutenir les initiatives, prendre et porter des décisions justes. La méthode : je mets la méthode en dernier car il faut qu'elle soit au service d'une finalité, d'une vision et d'un engagement professionnel. Les accords de méthode sont toutefois essentiels pour mener de façon concerté des évolutions de politiques publiques, d‘organisation et de conditions de travail au bénéfice de la qualité de notre action tout en préservant une qualité de vie au travail pour chacun et avoir un dialogue social constructif. Cela concerne l'élaboration d'une feuille de route et des outils de pilotage de l‘activité pour bien dimensionner l'ambition et les moyens, le travail en mode projet, la clarification du système de réunion ou décision jusqu'à des ingénieries plus innovantes pour concerter la population, les élus et les agents ou rendre compte de notre action et l'ajuster : diagnostics en marchant, budgets participatifs, budgets vert, baromètres de satisfaction, comités usagers, évaluation des politiques publiques et mesures d'impacts, programme entrepreneurial, projet managérial, évaluation 360, plan égalité femme-hommes...

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Fanny Dumont : Ce sont essentiellement des qualités humaines. D'abord, un réel intérêt pour l'autre, sa parole, savoir écouter avec respect voir encourager l'expression des désaccords. C'est en faisant vivre le dialogue et l'échange de points de vue entre les élus, les agents et les citoyens dans un cadre sécurisé qui permet à la fois la liberté de parole et une prise en compte des différentes expertises qu'on arrive à démêler la complexité et mener des actions innovantes au bénéfice de tous dont chacun peut être fier.

Une ressource personnelle qui me paraît de plus en plus centrale avec le temps, c'est la capacité à se remettre en question, intégrer les contraintes de l'autre et rechercher des solutions. Cela nécessite un travail sur soi pour mieux se connaître et trouver le juste positionnement en intégrant ses propres besoins et ceux de son équipe. C'est la richesse et la complexité du métier de manager qui est avant tout une expertise du lien et de la relation. J'ai vécu un problème de communication avec mon équipe qui a rompu le lien de confiance et causé d'importants dysfonctionnements. Cela a été une expérience douloureuse mais qui m'a beaucoup appris sur moi et le métier de manager et que j'ai réussi à dépasser avec le soutien et la bienveillance de ma hiérarchie.

Ce type d'expérience arrive à de nombreux collègues qui acceptent de prendre des responsabilités managériales. Dans ce type de situation, la posture du manager va être autant déterminante que les solidarités mises en place par la collectivité pour soutenir son encadrement. Ainsi, les qualités du manager me semblent tout aussi essentielles pour réussir dans la fonction que les qualités de l‘environnement dans lequel il l'exerce : projet managérial visant à reconnaître le métier de l‘encadrement et à le soutenir ; dispositifs de soutien type échanges/ parrainages entre pairs, coaching, formations ; confiance à priori/ contrôle et évaluation a postériori...

Enfin, je dirai le courage de prendre et porter des décisions justes, et parfois difficiles, au bénéfice du service public et du collectif de travail. Avoir une communication sincère et responsabilisante sur le système de contraintes dans lequel on agit, expliquer et partager les décisions prises. Dans nos arbitrages, il faut mesurer les risques liés au fonctionnement de la collectivité (budgétaires, managériaux, juridiques, sociaux et politique) tout en sachant être force de proposition pour faire vivre une culture de l'innovation. Cette culture est nécessaire pour renouveler nos façons de faire et répondre aux nouveaux enjeux sociaux, environnementaux et démocratiques.

Qu'est ce qui vous fait lever chaque matin ?

Fanny Dumont : L'idée de participer à la mise en œuvre de politiques publiques qui améliorent la vie des gens et favorisent la cohésion sociale pour apporter à mon échelle une contribution aux défis sociétaux que nous devons relever collectivement : lutte contre le réchauffement climatique, justice sociale, accès aux droits humains...

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Fanny Dumont : Ce sont les dispositifs de formation que j'ai conçus et qui sont encore largement déployés aujourd'hui et représentent pour les salariés de réels leviers d'émancipation. Je citerai le Français Langue Professionnelle (FLP) qui est une méthode d'apprentissage du Français en situation de travail très efficace pour développer l‘autonomie des personnes en situation d'illettrisme ou de travailleurs étrangers sur leur poste de travail en peu de jours. Cette offre est proposée par le CNFPT dans toutes les régions.

Je parlerai également des grands projets transverses qui permettent d'améliorer les modes de fonctionnement internes, créer de la cohésion et du sens au bénéfice de tous. J'ai eu la chance d'initier et de conduire au côté de l'équipe dirigeante de Plaine Commune puis du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis le projet managérial de ces collectivités. Ces projets sont des accélérateurs pour renouveler les façons de faire, développer les compétences managériales et  renforcer la culture de l'innovation nécessaire à notre action. Ils font vivre la symétrie des attentions car j'ai la conviction qu'un agent bien traité est un agent bien traitant avec les usagers.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Fanny Dumont : Agir plus activement en faveur de la transition écologique et de la justice sociale. Trouver la bonne échelle dans les politiques publiques que je pilote pour faire des quartiers plus inclusifs, associer les habitants à la conception et la mise en œuvre de l'action publique en faisant pour et avec eux comme à Loos-en-Gohelle dont je trouve le modèle particulièrement inspirant.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Fanny Dumont : Les élus qui ont de l'ambition et une hauteur de vue, notamment ceux qui se saisissent des contraintes pour en faire des opportunités comme Patrick Braouzec, avec qui j'ai travaillé à Plaine Commune, Stéphane Troussel, le président du Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis qui a à cœur de changer l'image du territoire et sait s'appuyer sur les grands projets, le maire de Sevran, Stéphane Blanchet qui se saisit des enjeux de transition écologique comme l'agriculture urbaine pour faire de la justice sociale.

Les dirigeants qui m'ont fait confiance et m'ont confié des responsabilités ou m'ont soutenue ou inspirée dans le développement de ma professionnalité  : Lyna Srun au CNFPT, Franck Daurenjou à la Cour des comptes, Mélanie Lamant à Plaine Commune, Olivier Veber et Gaelle Galand au Conseil départemental de la Seine-Saint-Denis, aujourd'hui Marc Nivet qui choisit de me faire confiance sur mon premier poste de DGA.

Les soutiens de mon réseau amical, familial, pour les encouragements, la confiance et l'aide dont je tire une grande force. Les collègues pour m'inspirer, me nourrir de visions et d'expériences riches, me situer et progresser. J'ai croisé de nombreux collègues et partenaires qui m'ont inspirée par leur engagement, force de travail et avec qui j'ai eu un grand plaisir à travailler en complicité.

Récemment, j'ai eu la chance de suivre le premier cycle supérieur de la transition à l'INET et je me suis engagée dans l'association Dirigeantes et Territoires. Ces deux expériences m'ont permis et de rencontrer des professionnels formidables et engagés sur tout le territoire et de développer de nouvelles solidarités très solides.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Fanny Dumont : Plusieurs citations m'inspirent mais celle de Gandhi « Sois le changement que tu veux être pour le monde » reste définitivement et dans le temps ma préférée. Elle dit la force de l'optimisme qui est un de mes traits de caractère. La capacité d'action que nous avons chacun face aux déterminismes pour l'émancipation individuelle et collective avec comme moteur parfois l'indignation mais jamais la renonciation !

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Fanny Dumont : La mobilité assumée dans différents secteurs d'activités pour occuper des fonctions à des niveaux de responsabilités et des échelons territoriaux variés est un marqueur assumé de mon parcours. À chaque prise de poste, j'ai développé des capacités d'adaptation et d'agilité nouvelles qui me permettent de porter un regard neuf sur mon environnement tout en étant en posture d'apprentissage.

Toutefois, mon arrivée dans l'EPT Plaine Commune sur ce territoire de la Seine-Saint-Denis qui est une terre de contrastes qui concentre à la fois d'énormes précarités et de formidables ressources liées à sa jeunesse, sa diversité, ses solidarités, aux dynamiques urbaines et économiques exceptionnelles en  Europe, m'a fait prendre conscience de ma plus-value pour agir sur des politiques publiques ambitieuses et innovantes.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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