Portraits d'acteurs

Françoise Piterboth

Françoise Piterboth

Directrice générale des services au Centre de Gestion de La Réunion

« Comme toute DGS, je suis portée par un sens du devoir, un engagement pour le service public et un désir de relever des défis au quotidien. À La Réunion, la DGS d'un centre de gestion doit relever des défis spécifiques liés à l'insularité, à l'éloignement géographique et aux enjeux climatiques, avec les mêmes missions centrales de gestion des ressources humaines. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Françoise Piterboth : Depuis le 6 janvier 2020, j'occupe les fonctions de Directrice générale des services au Centre de Gestion de La Réunion que j'ai rejoint après avoir réussi l'examen professionnel d'administrateur territorial.

Mon parcours professionnel a débuté, voilà 24 ans, en qualité d'attaché territorial, après un DESS en droit et gestion des collectivités locales obtenu à l'Université Montesquieu de Bordeaux. On pourrait penser que je n'ai pas connu de grandes mobilités. En 24 ans, j'ai déroulé ma carrière professionnelle auprès de 3 employeurs publics territoriaux : la commune de Sartrouville (durant près de 9 ans), la commune de Saint-Louis (durant près de 11 ans) et, depuis 4 ans, le Centre de Gestion de La Réunion. Néanmoins, elle est marquée par une évolution croissante au sein de ces organisations. À Sartrouville, de Chef de service marché à Directrice des Ressources Humaines puis à Saint-Louis de DRH à DGS en passant par les fonctions de DGA.

Mon affectation sur le poste de DRH a été un tournant dans ma carrière et pour mes choix d'orientations professionnelles, notamment en privilégiant les postes à dimension stratégique. Désormais, en qualité de DGS, je porte un regard sur l'ensemble des enjeux de la collectivité et je prends davantage conscience du devoir d'exemplarité et de leadership du cadre dirigeant. Chef d'orchestre de l'organisation, le sens et le « tempo » donnés au travail de l'administration prennent, pour moi, toute leur envergure.

Il me semble utile de préciser que de mars 2010 à août 2023, ma carrière de fonctionnaire territoriale se superpose à des missions de tuteur vacataire en ressources humaines au Centre National des Arts et Métiers (Antenne de La Réunion) où j'ai dispensé jusqu'à 6 Unités d'Enseignement. Cette fonction d'enseignement complète mes missions managériales en leur conférant davantage de pédagogie et accroît mes préoccupations de transmission et de formation des collaborateurs qui m'accompagnent.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Françoise Piterboth : Stratégie pour piloter la vision à long terme en donnant le cap à suivre :

  • Définition d'objectifs : orienter l'action du CDG vers des objectifs alignés avec les priorités locales, régionales et nationales en matière de gestion des ressources humaines.
  • Anticipation des besoins : prévoir les évolutions de l'environnement territorial (comme les nouvelles compétences des collectivités ou les mutations sociétales) et adapter l'action du CDG en conséquence.
  • Innovation : rechercher de nouvelles pratiques et solutions innovantes pour améliorer la gestion des collectivités affiliées, par exemple en matière de numérique ou de gestion des talents.
  • Coordination : parce qu'il faut assurer la synergie entre les acteurs.
  • Gestion transversale : le CDG est en contact avec de multiples parties prenantes (collectivités territoriales, élus, personnel du CDG, partenaires externes). La DGS assure une coordination entre ces acteurs pour garantir une cohérence des actions et éviter les doublons ou conflits d'intérêt.
  • Mise en œuvre des politiques : en tant que pivot entre la décision stratégique et l'opérationnel, la DGS doit s'assurer que les actions décidées en amont sont bien exécutées par les différents services. Cela nécessite une coordination rigoureuse des équipes internes, ainsi que des collectivités rattachées au CDG.
  • Facilitation des partenariats : le rôle de coordination inclut également la gestion des partenariats, qu'ils soient publics ou privés, pour développer des synergies profitables à l'action publique locale.

Évaluation parce qu'il est nécessaire de mesurer l'efficacité et l'efficience des actions pour analyser et ajuster en fonction des résultats obtenus :

  • Suivi des performances : l'évaluation permet de mesurer l'impact des stratégies et des actions mises en place, que ce soit en termes de gestion des ressources humaines, de services rendus aux collectivités ou de gestion interne du CDG.
  • Amélioration continue : la fonction d'évaluation permet d'identifier les axes d'amélioration, de corriger les dérives ou dysfonctionnements et d'ajuster la stratégie en conséquence. Elle garantit une dynamique de progression et une bonne allocation des ressources.
  • Reddition de comptes : en tant qu'institution publique, le CDG est redevable de ses actions. L'évaluation permet de justifier, de manière transparente, les décisions prises et les résultats obtenus auprès des collectivités, des élus et des citoyens.

La combinaison de ces fonctions permet à la DGS que je suis de garantir que le CDG reste efficace, agile et capable de répondre aux besoins des collectivités qu'il accompagne.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Françoise Piterboth : Leadership pour guider et inspirer les équipes.

  • Vision claire : définir une vision pour le CDG et la communiquer efficacement. La DGS doit être capable d'incarner cette vision, tout en influençant et mobilisant les équipes pour atteindre des objectifs stratégiques.
  • Prise de décisions : prendre des décisions éclairées, souvent dans des situations complexes où il faut concilier les intérêts de différentes parties prenantes (collectivités, élus, agents, partenaires). Le leadership permet de trancher de manière juste et cohérente.
  • Gestion du changement : le secteur public, notamment au niveau local, est en constante évolution (réformes, mutations économiques, besoins des citoyens). Pour cela, il convient non seulement d'anticiper ces changements, mais aussi d'accompagner les équipes dans leur mise en œuvre. Cela exige une capacité à convaincre et à diriger dans des moments d'incertitude.

Capacité à fédérer pour travailler ensemble vers un objectif commun.

  • Mobilisation des équipes : la DGS doit fédérer les équipes autour d'un projet commun, notamment dans un environnement où les services peuvent être fragmentés. Cela implique de créer une dynamique collective en donnant du sens à l'action et en impliquant chacun dans la réalisation des objectifs.
  • Gestion des parties prenantes : le CDG interagit avec de nombreux acteurs (collectivités locales, élus, organisations syndicales, agents), et la DGS doit être capable de rassembler ces différentes parties prenantes autour d'intérêts partagés. La capacité à fédérer est essentielle pour construire des relations de confiance et créer des synergies.
  • Résolution des conflits : dans un contexte où les intérêts peuvent diverger, la DGS doit savoir gérer les tensions, désamorcer les conflits et maintenir un climat de coopération et de dialogue.

Adaptabilité pour répondre efficacement aux évolutions et aux imprévus.

  • Réactivité face aux changements : le CDG évolue dans un cadre législatif et réglementaire en constante mutation. La DGS doit être capable de s'adapter rapidement à ces changements (nouvelles lois, réformes territoriales) et ajuster les stratégies du CDG en conséquence.
  • Flexibilité opérationnelle : l'adaptabilité permet à la DGS de réagir aux imprévus, qu'ils soient d'ordre politique, financier ou organisationnel. Cela implique de pouvoir repenser les priorités et les méthodes de travail face à des situations nouvelles.
  • Innovation et gestion des transformations : dans un environnement public de plus en plus tourné vers l'innovation (digitalisation, gestion de la transition écologique, télétravail), la DGS doit être ouverte aux nouvelles pratiques. L'adaptabilité est nécessaire pour promouvoir et intégrer les innovations tout en s'assurant qu'elles soient pertinentes pour les collectivités locales gérées.

Ces qualités sont donc indissociables de la réussite de la DGS dans un contexte où la gestion publique territoriale nécessite autant de rigueur que d'agilité.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Françoise Piterboth : En tant que directrice d'un Centre de Gestion, je ne manque ni de raison de motivation ni de sens des responsabilités, du devoir de gestion efficace à la prise en charge des crises et imprévus. Ces écarts entre quotidien et urgence obligent à faire preuve d'innovation et de créativité pour proposer des politiques de gestion des ressources humaines adaptées. C'est une source de motivation. Ainsi, comme toute DGS, je suis portée par un sens du devoir, un engagement pour le service public et un désir de relever des défis au quotidien.

Mais je suis surtout directrice du CDG de La Réunion, île française en plein cœur de l'Océan Indien. À La Réunion, la DGS d'un centre de gestion doit relever des défis spécifiques liés à l'insularité, à l'éloignement géographique et aux enjeux climatiques avec les mêmes missions centrales de gestion des ressources humaines. Sur notre territoire, la dimension humaine et environnementale, née de la singularité de notre fonction publique territoriale, accentue certains aspects de mon engagement et de mes responsabilités, notamment pour maintenir un service public performant, équitable, adapté aux réalités locales, dans un contexte de développement spécifique et différent des territoires continentaux.

Travailler et œuvrer chaque jour pour le territoire qui nous a vu naître est une véritable chance qui développe un sens du devoir pour maintenir et préserver ce qui en fait le sel. C'est mon leitmotiv.

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Françoise Piterboth : Pendant longtemps, j'ai considéré que la définition et le management d'un plan stratégique de retour à l'équilibre des finances de la commune de Saint-Louis a été le projet le plus marquant de ma carrière. En réalité, il a été déterminant à plus d'un titre : tant dans la conception du management et ma manière de l'exercer que dans la perception de l'importance de la coopération interne et externe. Depuis, le projet de transformation du Centre de Gestion de La Réunion entrepris depuis 2020 et en passe d'être réalisé aujourd'hui est aussi un projet déterminant dans ma capacité à fédérer, à conduire les équipes au-delà de leurs pratiques habituelles et dans la considération de la place prépondérante de la relation clients.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Françoise Piterboth : Sans le savoir, je crois que mon rêve est déjà réalisé. Il s'agit des deux garçons que j'ai pu mettre au monde et que j'ai la chance, encore aujourd'hui, de voir grandir. Être en vie et mener une vie personnelle et professionnelle où mes valeurs peuvent trouver à s'exprimer est le rêve que je pourrais poursuivre à présent.

Au-delà, je souhaiterais évoluer dans un environnement serein où l'ordre des priorités n'est plus à discuter : l'intérêt général avant les intérêts particuliers.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Françoise Piterboth : Croiser le chemin professionnel du premier DGS de ma carrière, Damien Vanoverschelde, a été une étape déterminante. Il a été un véritable miroir en mettant en lumière ce que j'avais envie de reproduire, de transposer et en éclairant ce qui ne ferait pas partie de mes pratiques professionnelles.

De la même manière, rencontrer des DGS du secteur privé comme Pascal Demurger m'a permis de mieux comprendre la place de la relation clients dans la délivrance du service public.

Les maires qui m'ont fait confiance. Pierre Fond d'abord en me confiant les fonctions de DRH à seulement 24 ans et alors que j'étais enceinte. Claude Hoarau, ensuite, qui m'a permis de bousculer mes certitudes en dépassant le cadre de mes compétences techniques. Patrick Malet enfin pour m'avoir permis d'occuper la plus haute fonction managériale d'une organisation communale.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Françoise Piterboth : « L'union fait la force » dont l'apparition la plus lointaine remonterait jusqu'à Ésope, repris par Jean de La Fontaine. Plus que jamais, dans les périodes troublées, les proverbes jouent leur rôle à plein. Face à l'instabilité du monde, ils offrent l'immuabilité de leurs enseignements. Face à l'incertitude du lendemain, ils proposent de fermes îlots de sécurité. Face à la sidération qu'inspirent les événements, ils constituent des repères stables, maintes fois confirmés par l'expérience.

C'est le cas du proverbe « L'union fait la force » qui me renvoie au sujet de la coopération, colonne vertébrale de la 1re conférence régionale pour l'emploi public territorial que le CDG que je dirige a organisé le 8 octobre dernier mais aussi facteur essentiel de la réussite de nos politiques RH et plus largement d'un service public adapté et agile. Cette citation me conduit systématiquement à considérer l'autre malgré sa diversité, sa différence puisqu'il est nécessaire de faire ensemble. À La Réunion, il est plus aisé pour chacun d'entre nous d'éviter le biais de similarité ou encore le clonage.

Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?

Françoise Piterboth : Instinctivement, j'ai envie de répondre le yoga même si je ne parviens pas toujours à le pratiquer régulièrement. Néanmoins, pas un jour ne passe sans que j'en applique un des préceptes, comme la pratique de la respiration ou de la méditation. Retrouver mon antre (ma maison) et ceux que j'aime sont de véritables sources de bonheur et d'apaisement.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Françoise Piterboth : indéniablement, le Covid qui a engendré le déclenchement de l'état d'urgence sanitaire et les périodes de confinement m'ont conduit à faire preuve d'adaptation lors de ma prise de poste au sein du CDG. Arrivée le 6 janvier 2020, j'ai dû faire preuve de créativité dans mon mode de management de cette nouvelle équipe pour maintenir motivation et activité. Cette période et ses incidences ont marqué un tournant dans ma conception du management et les pratiques que j'en avais.

L'autre changement est plus individuel : il s'agit de ma réussite à l'examen professionnel d'administrateur territorial. La reconnaissance par mes pairs m'a permis de reprendre confiance en moi, en mes compétences et en mes capacités après avoir vécu des situations qui ont pu altérer mon regard sur la professionnelle que je suis.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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