Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Frédérique Étienne : Je suis diplômée d'une maitrise AES (Administration Économie et Sociale) à l'UFR de Reims. Et depuis 2018, Directrice du CCAS et de la Maison des Services de la ville de Gannat (35 agents), en tant qu'attachée principale.

J'ai débuté comme instructrice auprès de la commission de surendettement de la Banque de France de Chalons (51) puis j'ai rejoint le monde du logement social dans le département de l'Allier (03), d'abord en tant que responsable d'un service contentieux (obtention du concours d'attaché en 1999), puis responsable locatif et enfin en tant que Directrice de pôle social et locatif. Ce domaine spécialisé du logement social fut dense et passionnant : à la croisée du social et de l'économique, du public et du privé, de l'urbanisme et de la politique de la ville.

Le goût pour le travail pluridisciplinaire en prise avec un territoire m'a conduit, presque par hasard, vers le médico-social : l'opportunité d'une création de poste de Direction mutualisé ville-CCAS-SAAD, conjugué à un projet ambitieux d'élus impliqués.

La 1^re année de prise de poste : coup de cœur professionnel immédiat pour « les femmes du lien » : les auxiliaires de vie sociale... les 5 années qui ont suivi ont été une aventure collective assez incroyable avec l'obtention de 5 prix nationaux par l'équipe.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Frédérique Étienne : Accompagnement des plus fragiles, adaptation au besoin du territoire, recherche d'efficience du service public local de proximité.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Frédérique Étienne : Respect : des usagers, des valeurs du service public, des agents et des élus.

Humilité : mener un projet de service sous un mode participatif (un impératif aujourd'hui) suppose de pouvoir accepter une certaine dose d'incertitudes tout au long du processus de transformation. L'expérimentation et le droit à l'erreur sont, de fait, indissociables du management actuel, tout comme l'autodérision !

Marathonien : accompagner la construction d'une organisation souple et réactive aux urgences sociales impose d'investir dans le temps long avec les équipes.

Communication, respect et convictions en sont les graines, fidélisation, implication et qualité de service en sont les fruits.

Qu'est ce qui vous fait lever chaque matin ?

Frédérique Étienne : À titre professionnel, l'engagement des équipes de proximité. À titre plus personnel, il y a 5 ans, mon compagnon et moi avons tous les 2 changé d'orientation professionnelle à quelques mois d'intervalle. Un sacré challenge et une organisation nouvelle dans l'équilibre vie privée, vie professionnelle. Cependant pouvoir être pleinement en accord entre ses convictions, ses actes et son discours de parents étaient devenus essentiels vis-à-vis de nos 2 jeunes filles en devenir. Pour ma part, agir concrètement et de façon engagée dans un milieu quasiment exclusivement féminin souffrant de manque de visibilité n'est pas totalement fortuit : une histoire de transmission de convictions entre la génération de mes parents, très moderne et avant-gardiste sur la question de la place et des droits de la femme dans la cité, et celle de mes enfants à qui je souhaite d'avoir tous les choix du possible. Ne pas « être qu'un penseur » auprès d'elles : voilà ce qui me donne de l'énergie chaque matin. »

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?

Frédérique Étienne : Le projet participatif sur la QVCT mené avec l'équipe du SAAD et du CCAS, pour lequel nous avons reçu le prix des acteurs publics 2023 remis collectivement à l'équipe par Yaël Braun-Pivet à l'Assemblée nationale.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Frédérique Étienne : Pas un rêve mais le souhait de contribuer à assurer une meilleure visibilité du rôle et métier d'auxiliaire de vie sociale auprès du grand public et des professionnels de la filière sanitaire.

Un autre souhait plus large : qu'un vrai débat sur les services publics et leur périmètre soit mené. L'accès à des services publics est un choix financier, politique et sociétal qui va engager durablement les générations sur les sujets du bien vivre et du bien vieillir. À l'heure d'un vieillissement démographique sans précédent et d'une perte d'attractivité majeure de tous les métiers de l'humain (l'école, la santé, la petite enfance et le grand âge), l'implication des professionnels mérite un débat à la hauteur des enjeux.

Les discussions écartent trop souvent les notions de coût réel (versus privé), de qualité de service, d'égalité d'accès aux services et du droit au choix des familles. On oublie également trop souvent que l'attractivité d'un territoire est co-porté par les entreprises et l'investissement public (présence d'une école, d'un hôpital, d'une crèche, de logements sociaux, de transports publics...).

Le livre Les fossoyeurs a posé une pierre importante à la réflexion sur les limites et excès du secteur marchand de l'humain. À l'heure d'un virage domiciliaire souhaité par plus de 90 % des Français, d'un accompagnement sur 10 à domicile en liste d'attente et de l'énième report de la loi Grand Âge, le secteur public du grand âge reste orphelin dans les axes stratégiques de l'État...

Rappel : les personnes âgées de 60 ans et plus sont au nombre de 15 millions aujourd'hui. Elles seront 20 millions en 2030 et près de 24 millions en 2060... nos parents et nous donc...

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Frédérique Étienne : Un professeur de Faculté (passionné par le service public), mon 1^er employeur, la Banque de France, (pour l'exigence à apporter dans la réponse à l'usager) et une élue (impliquée quotidiennement dans la dynamique du vivre ensemble de sa commune).

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Frédérique Étienne : Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Frédérique Étienne : Sans aucun doute la période de confinement : qui a d'une part démontré l'engagement et la mobilisation des services publics à garantir la continuité de services aux plus fragiles, et d'autre part accéléré les transformations du monde du travail (besoin de sens et d'autonomie).

Propos recueillis par Hugues Perinel

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