Portraits d'acteurs

Jean-Luc Bœuf

Jean-Luc Bœuf

Conseiller du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) pour les relations avec les élus et les collectivités

« Le numérique bouleverse notre société dans ses usages. Son importance ne doit pas faire oublier l'aide aux publics fragiles qui n'y ont pas accès et la nécessité du contact humain. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Jean-Luc Bœuf : Je suis actuellement conseiller du directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) pour les relations avec les élus et les collectivités. Diplômé de Sciences-Po Paris en 1990, j'ai passé le concours d'administrateur territorial en 1991 et j'ai effectué mon service national en 1992. Après un premier poste de chargé de mission pour l'aménagement du territoire en Franche-Comté, je suis devenu directeur des finances de la région des Pays de la Loire, à Nantes (44). J'ai ensuite occupé les fonctions de directeur général des services en commune, à La Roche-sur-Yon (85) ; en intercommunalité, à Quimper (29) ; en département, dans l'Eure (27), la Drôme (26), le Val-d'Oise (95), les Bouches-du-Rhône (13) et en région (Franche-Comté). J'ai également occupé des fonctions dans le secteur privé (Bull) ainsi qu'au siège de la Caisse des dépôts, à Paris.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en trois mots, quels seraient-ils ?

Jean-Luc Bœuf : Ce seraient les mots d'environnement, d'accompagnement et de formation, afin de permettre à la gendarmerie de renforcer sa présence auprès des élus :

  • environnement, parce qu'il est nécessaire de mettre en perspective pour la gendarmerie les changements à l'œuvre dans les territoires, tant au niveau des compétences des élus que de la montée en puissance des échelons régional et intercommunal ;
  • accompagnement, parce que l'ensemble des échelons territoriaux de la gendarmerie nationale doit tirer partie de ces évolutions dans les régions, dans les groupements (départements), dans les compagnies (intercommunalités) et dans les brigades de proximité auprès des maires ;
  • formation, parce que les jeunes générations de gendarmes vont entrer directement au contact d'élus qui vivent tous les jours ces changements.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Jean-Luc Bœuf : Il me semble qu'il est important d'avoir une connaissance approfondie des territoires, un sens permanent de la synthèse et la maîtrise du temps. Depuis une trentaine d'années, et au gré de mes pérégrinations professionnelles, je me suis rendu dans chacun des 96 départements de métropole, avant de rejoindre la gendarmerie nationale. Ceci est un atout indéniable pour tâcher d'apporter du "sur mesure territorial". La vitesse étant ce levier du monde moderne, le sens de la synthèse est une nécessité pour faire passer son message à ses interlocuteurs, en tachant de combiner la réflexion et les chiffres clés. Quant à la maîtrise du temps, elle permet tout autant de faire plus de choses que... de ne pas s'épuiser en réunions interminables.

Qu’est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Jean-Luc Bœuf : Lève tôt, j'apprécie le calme des petits matins, cette promesse de l'aube d'une nouvelle journée, avec moult choses à faire.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Jean-Luc Bœuf : C'est celui de la construction du barreau principal de la ligne à grande vitesse (LGV) Rhin Rhône. Car il s'agit de l'aboutissement d'un travail collectif de plusieurs dizaines d'acteurs publics. Pour pouvoir être concrètement lancé, ce projet d'envergure a nécessité d'expliquer, de convaincre, de rassembler et... de financer. De la plus petite collectivité concernée par son tracé à l'Union européenne, il a fallu la persévérance des élus pour aboutir, au bénéfice d'un aménagement du territoire renouvelé. Le nom de la gare - Besançon Franche-Comté TGV - témoigne de ce rôle majeur de la région d'alors, sous la houlette de Raymond Forni, président d'envergure.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Jean-Luc Bœuf : Ce serait celui de devenir "traceur du Tour de France", pour reprendre l'expression magnifique d'Erik Orsenna dans son roman L'exposition coloniale. Le Tour de France, c'est le 14 juillet tous les jours... Véritable petit livre jaune de la République, il a servi à unifier la France, en conjuguant la diversité de nos régions dans un même ensemble géographique et culturel. Au fil des ans, il suit l'évolution de nos sociétés. À Quimper, j'ai participé avec bonheur à l'aventure d'une étape de la Grande Boucle. À Marseille, j'ai vu le Grand départ.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Jean-Luc Bœuf : Elles sont au nombre de trois : Olivier Guichard, Jacques David et Ludovic Jolivet.

  • Olivier Guichard, tout d'abord, pour sa hauteur de vue. Baron du gaullisme et père de la DATAR, le président de la Région Pays de la Loire était impressionnant par sa vision d'ensemble et le côté percutant de ses interventions ;
  • Jacques David, ensuite, l'évêque d'Évreux, pour son humanité et sa réflexion. Je l'ai rencontré professionnellement. La collectivité dont j'étais le directeur général des services a pu accompagner ses projets en lien avec le cœur de métier du conseil départemental ; à savoir le suivi des individus fragiles de la naissance à la mort. Nous sommes restés en lien jusqu'à son décès et j'ai pu bénéficier de sa capacité d'écoute, de ses réflexions et conseils, empreints de bienveillance ;
  • Ludovic Jolivet, enfin, le maire de Quimper. Il incarne pour moi le maire de proximité, proche des habitants et infatigable défenseur des solutions de proximité.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Jean-Luc Bœuf : "César avait raison de préférer la première place dans un village à la seconde à Rome ; non par ambition ou par vaine gloire mais parce que l'homme placé en second n'a le choix qu'entre les dangers de l'obéissance, ceux de la révolte et ceux, plus graves, du compromis". Cette phrase figure dans les Mémoires d'Hadrien, de Marguerite Yourcenar. Elle illustre pour moi deux choses fortes que sont l'ambition et l'humilité, d'une part, et l'articulation entre le national et le local, d'autre part. Les territoires en quelque sorte...

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière, sur les plans sociétal, institutionnel, humain ?

Jean-Luc Bœuf : Ce seraient la décentralisation et le numérique.

Je suis un enfant de la décentralisation. Alors que nous fêtons le 40e anniversaire de la loi du 2 mars 1982, portant droits et libertés des communes des départements et des régions, il faut se souvenir de ce qu'étaient les pouvoirs locaux avant : la tutelle du préfet, des investissements décidés depuis Paris et une démocratie locale balbutiante.

Le numérique bouleverse notre société dans ses usages. Son importance ne doit pas faire oublier l'aide aux publics fragiles qui n'y ont pas accès et la nécessité du contact humain ; bref l'essence même des politiques publiques. Que ces dernières soient conduites par les collectivités ou par les soldats de la loi dans les territoires que sont les gendarmes. Au service de la population et par le gendarme, donc...

Propos recueillis par Hugues Perinel

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