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Portraits d'acteurs
Rosita Hoarau
DGS de la CINOR (Communauté Intercommunale du Nord de la Réunion)
« À la Réunion, 3 emplois sur 10 relèvent de la fonction publique. Je fais partie de cette belle communauté de 100 000 agents qui construit le service public réunionnais. Aujourd'hui, en tant que DGS d'une grande collectivité locale, j'ai le pouvoir – et le devoir - d'agir et c'est une chance extraordinaire. »
Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?
Rosita Hoarau : Je suis, depuis quatre ans, DGS de la CINOR (communauté d'agglomération du Nord de la Réunion), qui comprend la Ville de Saint-Denis (la capitale), Sainte-Marie et Sainte Suzanne, pour 210 000 habitants. Les enjeux de la CINOR tournent aujourd'hui autour de deux grands axes majeurs : l'aménagement/la mobilité et l'écologie. Construction de deux téléphériques, d'un bus à haut niveau de service, protection des ravines, performance des réseaux d'eau, bonne gestion des déchets... sont quelques illustrations de nos actions pour un territoire résilient.
Administrateur territorial hors classe, j'ai 26 ans de carrière :
De 1998 à 2010 : en tant que directrice financière dans des collectivités de taille et de nature différente. Issue initialement de la filière scientifique, je commence en 1998, après avoir obtenu le concours externe d'attaché territorial, en tant que responsable financier d'une commune du Sud de la Réunion (Saint-Louis, 54 000 habitants aujourd'hui).
Au bout de 7 ans, je souhaite découvrir un autre échelon de la collectivité, et après avoir postulé à plusieurs postes de directeur financier, je choisis celui de l'intercommunalité - celui qui me verra d'ailleurs revenir aujourd'hui. Je suis alors rattachée directement à la DGS, ce qui me permet de participer aux processus de décision, et d'exercer mes fonctions de manière très transversale. Je me dirige alors « tout naturellement » vers ma deuxième partie de carrière où je relève des nouveaux challenges sur des emplois fonctionnels à partir de 2010, dans la Ville de Saint-Denis (155 000 habitants aujourd'hui).
J'occupe successivement 3 postes de DGA différents : DGA Ressources, DGA Transverse de modernisation, et DGA « entreprise municipale » qui comprend toutes les fonctions supports, les élections, les services à la population, la police municipale et la sécurité urbaine. J'assure également pendant un an l'intérim du Directeur Général des Services, parti à la retraite. Pendant toute cette période jusqu'en 2020, mon champ d'action est très large car je suis amenée à piloter des projets de transformation managériale - pour s'adapter aux projets de mandature - tout comme de la gestion de crise, sociale, urbaine (exemple de la crise des gilets jaunes) ou cyclonique par exemple. Lauréate à l'examen professionnel d'administrateur territorial, je peux ensuite prétendre à des postes de DGS.
Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?
Rosita Hoarau : Piloter, écouter, naviguer... quelques fois en eaux troubles !
Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?
Rosita Hoarau : Savoir représenter un « leadership à 360 degrés » : capacité à comprendre les enjeux des élus, des citoyens, des équipes, des partenaires et de l'écosystème environnemental et géo-politique, pour pouvoir agir et fédérer. Être stratège et piloter ; incarner de « vraies » valeurs humaines, d'écoute, d'humilité et d' éthique notamment afin de montrer l'exemple et d'être source d'inspiration. Savoir être résilient... sans jamais se perdre.
Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?
Rosita Hoarau : Je me lève chaque matin avec l'envie de construire en équipe car j'apprécie particulièrement les relations humaines ; mes assistantes et la presse pour bien commencer la journée... l'écoute des élus, le dialogue avec les partenaires sociaux... Je ne m'ennuie jamais et je me dis que chaque jour est l'occasion de construire ensemble des actions et des projets pour le Territoire Nord.
Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes la plus fière ?
Rosita Hoarau : Je pourrais vous parler de pilotage de projet de transformation organisationnelle, ou de gestion de crise, mais j'ai envie de partager une petite journée de ma carrière qui m'a marquée. Une journée de samedi, a priori banale, et qui me fait réfléchir encore aujourd'hui. Lors de la crise des gilets jaunes, qui rappelons-le, a démarré à la Réunion, j'étais DGA à la Ville de Saint-Denis (capitale de la Réunion). Je supervisais les fonctions ressources, les services à la population, la police municipale et la sécurité urbaine (environ 400 agents). J'avais été alors contactée par la Préfecture pour animer une table ronde dans le cadre du grand débat national, décliné en conférences régionales citoyennes. Autour de la table, se trouvaient des citoyens associés aux travaux de l'Observatoire des Prix qui venait d'être installé en Outre-mer par la ministre. Des personnes - calmes et sérieuses - de tout milieu social, de toute origine et des hommes et des femmes. Somme toute, une bonne représentation de la population réunionnaise. Le thème tournait autour de la gestion des deniers publics, les prix, la vie chère et l'octroi de mer (et oui on en parlait déjà...) et de l'optimisation du service public.
Je fus sidérée par le besoin des participants d'attaquer les fonctionnaires, les élus et la classe dirigeante de manière générale. Je constatais à quel point le fonctionnement des collectivités était méconnu – et peut-être tout simplement incompréhensible. Comment a-t-on pu laisser un tel gap se creuser entre le citoyen et les institutions pendant toutes ces années, alors que le niveau d'instruction et de réussite n'a cessé de croître à la Réunion ? Quelle responsabilité collective et individuelle ? Qu'est-ce qu'un citoyen éclairé ? Et quelle part de responsabilité des cadres territoriaux - que je suis - qui sont aussi acteurs du système ? J'ai passé une journée à écouter, vulgariser les concepts, apaiser la situation, et à essayer de réconcilier les participants avec la démocratie... et depuis, je ne cesse d'intégrer davantage le citoyen dans mes fonctions et celles de mes équipes. Sinon, je me dis qu'il est inutile que les DGS travaillent autant d'heures.
Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?
Rosita Hoarau : J'avoue que j'ai beaucoup de mal à répondre à cette question car ma vie est épanouie, à titre personnel comme professionnel, ce qui ne m'empêche pas bien évidemment de « mouliner » beaucoup d'idées. Disons que, si j'avais un rêve aujourd'hui, ce serait de participer à la création d'instituts de santé intégrative à la Réunion et à Mayotte.
Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?
Rosita Hoarau : J'ai pris beaucoup de plaisir à rencontrer et à débattre avec un consultant et essayiste qui s'appelle Navi Radjou. Nous avons travaillé ensemble dans mes précédentes fonctions. C'est un indien qui a grandi à Pondichery, territoire français dans les années soixante et qui a ensuite étudié à Paris. Il a puisé dans sa culture indienne pour théoriser le concept « d'innovation frugale » ou « comment faire mieux avec moins ». Jugaad, en hindi, pourrait se traduire par « résilience créative ». Son livre est un bel exemple et je trouve qu'à la Réunion, nous pourrions nous inspirer d'avantage de notre histoire et notre diversité culturelle pour être innovant, agile, et résilient.
La deuxième rencontre est un équipement et j'ose parler de rencontre car c'est comme cela que je l'ai ressenti. J'ai eu la chance de pouvoir visiter un sous-marin nucléaire lanceur d'engin (SLNE). Je ne peux pas donner de détail car tout est classé secret défense (les téléphones étaient d'ailleurs confisqués, les contrôles d'identité renforcés...). Mais cet équipement, à lui seul, représente une leçon de stratégie - celle de la dissuasion nucléaire -, une leçon de prouesse technique, une leçon de force humaine pour le commandant et son équipe qui sont dilués dans les Océans pendant des semaines sans contact et in fine, une leçon de vie professionnelle et personnelle.
Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?
Rosita Hoarau : J'ai envie de partager un proverbe créole : « plant in pyé'd bois zordi, sé fèr lonbraz pou domin » ou « planter un arbre aujourd'hui, pour s'assurer de l'ombre demain ». L'action publique doit être visionnaire et réfléchie sur le long terme. Les actions d'aujourd'hui portent leur fruit demain, et dans cette société d'immédiateté et de réseaux sociaux, je pense qu'il faut accepter ces temps longs. Et puis évidemment, c'est une citation qui me touche, quand on sait que la Réunion représente un haut lieu de la biodiversité dans le monde.
Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?
Rosita Hoarau : Je pratique des exercices de cohérence cardiaque tous les matins de ma véranda d'où je vois la mer – quelle chance ! De quoi me donner de la force et de l'inspiration pour la journée.
Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?
Rosita Hoarau : Je citerai le plus récent : le diagnostic d'une maladie grave qui m'a obligée à m'arrêter de travailler quelques mois en 2023. La résilience, à titre personnel et professionnel, n'est pour moi, pas seulement un « joli » mot mais un vécu.
Propos recueillis par Hugues Perinel
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