Portraits d'acteurs

Sonia Pavic

Sonia Pavic

Secrétaire générale adjointe ARS PACA

« Mon métier me porte à chercher ce point d’équilibre entre l’individu et le collectif, entre la stabilité et le changement, entre le conflit et le bien-être au travail. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Sonia Pavic : J’ai pris mes fonctions de secrétaire générale adjointe de l’ARS Paca un mois avant le premier confinement le 17 février 2020. L’ARS Paca était déjà à pied d’œuvre sur la gestion de crise avec l’accueil des ressortissants de Wuhan. Une ruche ! Il fallait pour l’ARS Paca construire la répartition des effectifs pour donner les moyens de gérer le tracing, les clusters, tout en protégeant les agents de l’épidémie et assurer le lien avec l’agence pour éviter un repli du personnel.

Titulaire d’une maîtrise en droit public, j’ai connu trois grandes étapes dans mon expérience professionnelle avec pour constante la gestion des Ressources humaines. L’apprentissage de la gestion administrative du personnel s’est effectuée sur deux communes de strates différentes, progressant avec les méandres du statut sur les dix premières années de mon parcours. Sur les années suivantes, c’est une approche en incrémentation du métier de DRH qui va se faire avec plus de responsabilités et un appui réseau de l’association des DRH des grandes collectivités. Ce seront onze ans d’échanges professionnels avec la conviction de participer à adapter les règles et la fonction RH aux enjeux d’un monde en évolution. Merci Johan Theuret !

Lors de ma prise de fonction en février 2015, comme DGA services aux publics et Ressources humaines de la ville d’Aix-en-Provence, j’ai pu construire une dimension plus stratégique autour de l’accompagnement de l’usager, que celui-ci soit un citoyen ou un agent exerçant des missions de service public. Participer à la transformation d’une ville est un grand bonheur et un sacerdoce de chaque instant.

« Le droit mène à tout il suffit d’en sortir ». Je ne sais pas qui a dit cette phrase mais il est vrai que ma formation de juriste en droit public si elle m’a toujours servi dans les différentes fonctions, m’a surtout permis un mode de pensée en synthèse et une capacité à zoomer les sujets lorsqu’une solution doit être trouvée.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Sonia Pavic : Accompagner, construire, créer la onfiance sont les 3 mots qui conduisent mon action aujourd’hui.

Accompagner : l’accompagnement s’effectue pour le collectif ou pour chaque individu. Il s’agit d’apporter des réponses après avoir fixé un diagnostic pertinent, de finaliser des objectifs dans le va-et-vient d’une communication tournée vers les échanges et l’efficacité.

Construire : la gestion de crise a contribué à interroger les modes de co-construction avec les équipes pour créer l’adhésion. Le management en situation d’incertitude se crée dans la proximité avec les équipes de travail. Même si la prise de décision solitaire peut s’avérer indispensable, elle doit s’accompagner de pédagogie et de clarté dans la mise en œuvre.

Créer la confiance : dans toutes mes expériences professionnelles, le capital sympathie a contribué à lever les obstacles. La confiance se donne d’emblée. Ce n’est pas une naïveté car elle s’accompagne de preuves concrètes de savoir-faire.

Quelles que soient mes fonctions, je reste profondément empathique dans mon travail. L’écoute, la compréhension des enjeux doivent s’accompagner d’une reformulation claire et accessible pour conduire à la réussite.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Sonia Pavic : Il y a un postulat de savoir être quand on est manager : on doit savoir prendre soin. Prendre soin d’observer et décrire les problématiques, prendre soin de décider et d’agir avec courage, prendre soin de l’humain. L’écoute, l’organisation et la rigueur sont de bons alliés.

J’ai eu à connaître des conflits, des contentieux sans fin, des décès, des tentatives de suicides, des retournements de situation et des injonctions contradictoires. Dans l’adversité, nous sommes seuls. Mais nous pouvons partager nos épreuves et faire de nos échecs des apprentissages.

Qu’est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Sonia Pavic : La curiosité m’appelle tous les jours, le sens profond de la découverte humaine. J’apprécie la mise en mouvement. Tout est possible. Il suffit d’y croire.

Je sais aussi que c’est une journée où je vais travailler, lire, écouter de la musique, boire un thé et rire. Ce n’est pas dans l’ordre.

Quel est le projet qui vous a le plus marquée et dont vous êtes le plus fière ?

Sonia Pavic : Quand on est DRH, le projet le plus gratifiant est d’accompagner sur le bon chemin professionnel un travailleur. J’ai toujours pu compter sur ces retours positifs.

C’est toujours le dernier projet qui m’anime. Un projet qui m’a marquée c’est sans doute l’organisation de la DRH à Aix-en-Provence. Nous avons eu la chance d’être accompagné dans cet exercice par un cabinet externe. Un exercice où la pudeur n’était plus de mise, où chacun a pu s’exprimer, et où nos valeurs d’équité, de transparence et nos objectifs : sécuriser nos actes administratifs, améliorer la qualité de vie au travail et partager la fonction Ressources humaines, ont pu converger et devenir communs.

C’est le même esprit qui a conduit aussi à consolider une Direction des services publics légitime à Aix-en-Provence, coordonnée, alors en pleine mutation des titres sécurisés. Ce sont 150 agents qui se sont retrouvés un samedi matin pour comprendre qui fait quoi où comment.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Sonia Pavic : Mon rêve est d’être entourée de personnes que j’aime et qui m’aiment. Ce n’est pas l’idée de phalanstère ! C’est juste que je m’épanouis dans le partage. Après, que ce bonheur simple puisse se faire dans un monde conscient de ses limites et protecteur des libertés, ce serait assurément parfait. On sait bien que ce n’est pas pour l’heure le sens de l’Histoire. Il faudra juste trouver, au bon moment, des femmes et des hommes honnêtes au sens de Dumarsais, l’encyclopédiste.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marquée dans votre carrière ?

Sonia Pavic : Ma professeur de latin et français du lycée Bonaparte à Toulon, Mme Fenouillet. Elle sentait le potentiel que j’avais et devait me trouver trop rêveuse et imaginative. Elle m’a appris l’abnégation et la rigueur.

Bernard Magnan, l’actuel DGS d’Aix-en-Provence, m’a appris à lâcher prise, à ne pas trop me concentrer sur les détails et à poser ma confiance d’emblée. Il a une sacrée énergie. Nous n’étions pas toujours d’accord mais nous nous respectons et c’est essentiel dans les rapports humains et professionnels.

En fait, chaque rencontre m’apporte. Chacun a à transmettre une vérité acquise par son expérience de vie. J’ai croisé aussi des élus extraordinaires, dotés d’une force de travail peu commune, capables d’avoir une vision de leur ville et de porter des projets ambitieux au service des citoyens. Quand on a la chance de travailler pour plusieurs mandats municipaux d’affilée, les transformations sont concrètes, cette participation à l’intérêt général porte en elle une grande énergie.

J’ai récemment construit une relation d’amitié avec d’anciennes collègues de travail qui se sont révélées essentielles dans le soutien quotidien.

Actuellement, et sans forfanterie, l’exemplarité et la persévérance que portent les agents de l’ARS Paca dans la gestion de crise de l’épidémie Covid forcent l’admiration. Autour du DG de l’ARS Paca qui est un pilier, gravitent de belles personnes, que ce soit le DGA, la secrétaire générale, la Direction de l’organisation des soins, les cadres de la Direction santé publique et environnementale, les délégations départementales (…), elles sont totalement investies. Il y a une méconnaissance des actions des ARS qui désespère. C’est un outil formidable de construction de la santé de demain. Il s’agit maintenant de donner des moyens humains pérennes et compétents pour assurer la gestion de crise et les missions quotidiennes.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Sonia Pavic : « La vie est là simple et tranquille, cette paisible rumeur là vient de la ville » de Verlaine. Je me répète souvent cette phrase qui a un pouvoir lénifiant sur mon impatience. Elle signifie pour moi la possibilité de me ressourcer dans la nature, en marchant, traduit mon caractère urbain et la volonté de rester simple. Elle porte en elle la capacité à avoir confiance en soi et à laisser de côté toutes les rumeurs et pollutions verbales qui peuvent nuire à une bonne qualité de vie.

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Sonia Pavic : Lors de ma prise de fonction de DRH à Aix-en-Provence, le dialogue social avec les représentants du personnel a constitué une clé de voûte de la politique des Ressources humaines. Il s’agissait de donner les moyens de créer une courroie de transmission entre l’administration et les agents. C’est un exercice, digne parfois de jeu de rôles, mais qui, s’il est empreint de respect et de cadre contribue à construire un climat social serein.

Le désaveu progressif de l’élection, de ce rôle de représentation et de participation a contribué à façonner des modes de communication centrés sur l’individu au détriment du collectif.

L’avènement des réseaux sociaux crée des tribus et fait la part belle aux dérives communautaires, cela complexifie le rôle des DRH et des managers. Cette prise de conscience s’est faite progressivement dans ma carrière et me permet tous les jours de recentrer mon action sur le résultat. Il s’agit de favoriser l’expression d’un résultat immédiat car le temps est précieux et pousse à la réactivité. Mais si nous sommes tous capables de mesurer l’efficacité immédiate, le plus intéressant pour un manager est de construire des schémas cohérents de travail sur la durée et d’insuffler des caps de valeurs qui resteront bien après certaines immédiatetés factices.

L’autre changement, qui m’a permis de prendre du recul et d’être humble avec mes objectifs, est la gestion de la crise sanitaire. Nous avons tous dû nous adapter à ces contraintes, et nous avons développé une résilience, et de profondes interrogations sur le sens de la vie. J’ai toujours été persuadée du pouvoir du travail sur la construction d’une identité, sur la réalisation du soi.

Le télétravail a dans cette situation contribué à brouiller les cartes entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Il est aussi une réussite dans la conciliation entre ces deux pans complémentaires de l’individu. Si l’épidémie Covid a montré les possibilités du télétravail, elle en porte aussi les limites dans la construction du collectif de travail. Le collectif n’est pas une addition d’individualités mais bien une construction collective qui devient immanente. Ici, les managers se retrouvent au cœur d’un risque de schisme entre chacun et tous. C’est aussi cette complexité qui, si elle peut être séduisante pour certains managers, peut conduire à une véritable usure professionnelle. Nous sommes là encore dans l’accélération de l’Histoire. Il est important de partager ces risques qui s’ils sont assimilés par les managers peuvent devenir des moteurs de changement positif, à condition que chacun porte sa part.

Finalement mon métier me porte à chercher ce point d’équilibre entre l’individu et le collectif, entre la stabilité et le changement, entre le conflit et le bien-être au travail.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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