Portraits d'acteurs

Stéphane GUÉRARD

Enseignant-chercheur à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille 2

"Je me sens utile de former des personnes, de leur apporter des savoirs, de les aider grâce à l’animation d’un master professionnel à leur faire acquérir des savoir-faire avec l’aide de professionnels invités et aguerris de la Fonction publique territoriale (...)"

Quelles sont vos fonctions actuelles ?

Stéphane Guérard : Je suis enseignant-chercheur, spécialisé en droit public, à la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille 2 et membre d’une Unité mixte (donc interdisciplinaire) de recherches du CNRS, le Centre Européen de Recherches Administratives, Politiques et Sociales (CERAPS). J’y dirige le master Management des collectivités territoriales, mélangeant du droit public, de la science politique et de la gestion publique (dont la GRH), en collaboration avec l’Institut d’administration des entreprises de Lille, et comprenant une préparation aux concours de rédacteur et d’attaché territoriaux ainsi que celui d’entrée aux instituts régionaux d’administration (IRA).

Quelles ont été les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Stéphane Guérard : J’ai fait des études classiques de droit jusqu’à la maîtrise (aujourd'hui 1re année de master) à la Faculté de droit et de science politique de l’Université de Caen-Basse-Normandie, puis j’ai obtenu, à la suite, deux diplômes d’études approfondies (DEA : aujourd’hui master 2 recherche), en droit public interne approfondi, d’une part et d’autre part, en droit de l’Union européenne, à l’Université de Panthéon-Assas (dite Paris II). À la sortie de ce second master, j’ai obtenu, à Paris II, un contrat doctoral (appelé alors « allocation de recherches) de trois ans puis un contrat d’attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER : celui-là n’a pas changé de nom !) de deux ans, pour faire et soutenir une thèse, sous la direction du Professeur Jean-Louis de Corail, sur la notion de détachabilité en droit administratif français. À l’issue de cette thèse, j’ai obtenu la qualification aux fonctions de maître de conférences et j’ai été recruté, dans la foulée, à l’Université de Lille, où je suis depuis lors.

Citez le projet qui vous a le plus marqué et dont vous êtes le plus fier ?

Stéphane Guérard : C’est naturellement un projet que j’ai lancé, en 2007 : le montage du réseau OLA (Observatory on Local Autonomy), qui recouvre aujourd’hui 36 États européens et regroupe 70 équipes de chercheurs.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Stéphane Guérard : J’en ai 3 :

  • Œuvrer à l’adoption d’une version renouvelée et ambitieuse de la Charte européenne de l’autonomie locale, parce que la démocratie locale est un socle du « mieux vivre ensemble » !
  • Œuvrer à l’élaboration d’un droit universel de l’autonomie locale, et peut-être, un jour, à un Pacte de l’ONU sur les Droits fondamentaux des collectivités locales et de ceux des citoyens ou habitants dans leurs relations avec les collectivités locales.
  • Œuvrer à l’élaboration de règles juridiques, claires et précises, de niveau au moins constitutionnel, sur la répartition des charges financières entre l’État et les collectivités locales : à quand la mue de la Charte européenne de l’autonomie locale précitée vers la Charte européenne de l’autonomie administrative et financière locale, de la démocratie locale et du développement territorial local ?

Comment décririez-vous votre engagement personnel en tant qu’acteur public ?

Stéphane Guérard : En tant qu’enseignant et fonctionnaire, je me sens utile de former des personnes, de leur apporter des savoirs, de les aider grâce à l’animation d’un master professionnel à leur faire acquérir des savoir-faire avec l’aide de professionnels invités et aguerris de la Fonction publique territoriale, de les préparer aux concours de la Fonction publique et/ou de les aider à trouver des stages ou des emplois contractuels dans la territoriale.

En tant que chercheur, il me semble très important de prendre du recul au regard des cadres existants et de devoir les bousculer, tout en proposant des solutions de remplacement et/ou d’y contribuer, de manière plus modeste. Et peut-être et surtout, je souhaite apporter aux Français un regard moins gaulois sur les mutations de notre système d’administration locale avec la promotion d’exemples étrangers, principalement européens, tant dans l’organisation territoriale que dans l’action publique locale…

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Stéphane Guérard : Je pense qu’il faut être à l’écoute et ouvert (aux autres et au monde), avoir un esprit d’analyse et de synthèse actif en permanence, lire et savoir lire vite et parfois beaucoup, savoir communiquer en anglais et en français, savoir et aimer écrire « mais pas que pour soi, mais pour partager et se faire comprendre » et savoir manager.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Stéphane Guérard : Sur le plan universitaire, c’est mon enseignant normand, Maître Jean-Jacques Thouroude, qui m’a donné le « virus de l’enseignement et de la recherche ». C’est quelqu’un que je respecte beaucoup et qui m’a ouvert la voie et passé le relais. Il y a aussi mon directeur de thèse, le Professeur Jean-Louis de Corail, ainsi que le Professeur Jean-Michel Lemoyne de Forges.

Sur un plan plus « politico-territorial », j’ai eu le privilège de croiser et d’échanger à plusieurs reprises avec deux « élus stratèges et visionnaires » : M. Jean-Marie Girault, sénateur-maire de Caen pendant plusieurs décennies et aujourd’hui retraité, ainsi que le regretté Premier ministre Pierre Mauroy. Tous deux ont façonné des territoires, vu au-delà des frontières de ces derniers, préparé et pensé l’avenir, même au-delà des clivages politiques : ils ont grandement servi l’intérêt général avant leur intérêt personnel – cela aussi, ça devient rare…

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière (sociétaux, institutionnels, humains…) ?

Stéphane Guérard : Le premier est assurément l’explosion de l’informatique sous toutes ses formes : progrès très utile, d’un côté, pour chercher les informations, être au courant rapidement des grandes évolutions de la Cité, pour communiquer et diffuser, etc., mais cela rend plus floue la frontière entre les sphères publique et privée, spécialement pour les cadres, ce qui laisse songeur au regard des débats sur le temps de travail et le développement du télétravail.

Le second est tout aussi assurément le chantier « permanent » depuis le début des années 1980 de la « décentralisation » (autonomie locale) en France et, désormais, grâce à l’ONU, au FMI, la Banque mondiale et à l’Union européenne, dans le monde…

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