Portraits d'acteurs

Stéphane Rochon

Stéphane Rochon

Directeur général des services de la Ville de Biarritz

« Nous avons la chance d'exercer des métiers fabuleux, au service des citoyens, tout en vivant des aventures collectives enthousiasmantes aussi bien dans les moments de réussite que dans les moments plus difficiles. »

Quelles sont vos fonctions actuelles et les grandes étapes de votre parcours professionnel ?

Stéphane Rochon : Je suis actuellement Directeur général des services de la Ville de Biarritz. Mon parcours professionnel est une singulière ascension puisqu'initialement, j'exerçais le métier d'éducateur de rue dans le quartier de la Duchère à Lyon, puis ensuite, enseignant en philosophie de l'éducation et responsable de formation dans un institut de formation en travail social. C'est à la suite de cette double expérience dans le champ du social, que j'ai fait le choix d'intégrer la fonction publique territoriale pour accéder successivement à des postes de cadre dans le Département des Pyrénées-Atlantiques (chef de service en protection de l'enfance) et dans le Département du Gers (Directeur de l'action sociale). Ce choix s'explique par ma volonté d'être de nouveau en prise avec le réel, de contribuer au pilotage de l'action publique, tout en maintenant un investissement assidu à l'égard de la théorie. Ensuite, le fait d'être lauréat du concours interne d'administrateur territorial en 2017 s'est révélé être un formidable tremplin pour accéder à la haute fonction publique et à des postes de dirigeant territorial comme c'est le cas actuellement.

Si vous deviez décrire votre métier actuel en 3 mots, quels seraient-ils ?

Stéphane Rochon : Dialoguer, fédérer et structurer. Ce triptyque correspond bien aux besoins de la collectivité que j'ai le plaisir de diriger, à la fois au regard de son environnement, des femmes et des hommes qui la composent, de son histoire récente. Le projet d'administration que nous avons construit avec les agents est l'outil qui vient donner corps à ces trois mots, tout en leur donnant une traduction en actes et en principes d'actions.

Quelles sont les qualités essentielles inhérentes à vos fonctions ?

Stéphane Rochon : Ce que je comprends de mes fonctions actuelles m'invite à penser que ce poste exige une importante organisation personnelle et professionnelle afin d'être disponible et prêt pour accueillir l'inattendu qui ne cesse d'être présent au quotidien. La seconde qualité est selon moi de prêter une attention assidue à son environnement de travail et d'y prêter soin : l'attitude d'un agent, la remarque ou l'observation d'un élu, la posture d'un partenaire, le courrier d'un administré... Il est nécessaire d'être sensible et à l'écoute de ces détails qui peuvent obérer la réussite d'un projet. Prendre soin de cela, c'est être en mesure d'écouter, de lever les incompréhensions ou les malentendus, imaginer avec chaque interlocuteur du possible. Enfin, la troisième qualité est d'être particulièrement attentif aux besoins de son maire et d'être à la fois pro-actif et le plus visionnaire possible pour lui faciliter la prise de décision.

Qu'est-ce qui vous fait lever chaque matin ?

Stéphane Rochon : Spontanément, je dirais que c'est la passion, le désir et le fait de dire « oui à la vie », d'aimer son destin. La philosophie nietzschéenne m'a toujours guidé hors du ressentiment et avec la tentative de vivre en joie : joie d'apprendre, joie de connaitre, joie de rencontrer, joie de partager, joie d'exister. Nous avons la chance d'exercer des métiers fabuleux, au service des citoyens, tout en vivant des aventures collectives enthousiasmantes aussi bien dans les moments de réussite que dans les moments plus difficiles. Si je prends un peu plus de recul sur ma vie et je réponds avec un peu plus de profondeur, je dirais que l'éducation que j'ai reçue m'invite à penser que la volonté et le goût de l'effort sont aussi ce qui me fait lever chaque matin. Fils et petit-fils de parents et grands-parents éduqués et employés au sein de l'entreprise MICHELIN, il y a une source indubitablement plus abyssale que la simple lecture de Nietzsche et de Spinoza dans le fait de se lever chaque matin avec détermination.

Quel est le projet qui vous a le plus marqué ou dont vous parleriez avec fierté ?

Stéphane Rochon : L'un des projets les plus marquant de ma carrière a été celui réalisé au sein du Département du Gers en tant que Directeur territorial. Avec une équipe sociale ouverte aux nouvelles idées, nous avions tenté d'organiser une action sociale départementale passant d'une politique de guichet à une politique de projets. Les personnes vulnérables, parfois lourdement impactées par les aléas de la vie, avaient été mobilisées pour co-construire avec les professionnels des actions, permettant aux personnes fragiles des remises en mouvement, des relations renouvelées, des tentatives concrètes et une estime de soi réinvestie. Le territoire de Marciac et son écosystème culturel lié au festival du Jazz in Marciac avaient été un formidable laboratoire à ciel ouvert de cette expérimentation. Les actions continuent de vivre, 10 ans plus tard, comme par exemple les renc'arts de Marciac. Encore aujourd'hui, je suis toujours aussi reconnaissant à l'égard des personnes qui nous ont soutenus dans cette démarche : Rosemonde Cathala, Philippe Jassef, Robert Rouquette parmi tant d'autres.

Avez-vous un rêve que vous souhaiteriez concrétiser ?

Stéphane Rochon : Je n'ai pas particulièrement de rêve à réaliser. J'ai conscience de la fragilité de l'existence et d'une carrière professionnelle : un aléa et tout l'édifice peut s'écrouler. Je déroule ma carrière avec une certaine ambition mais cela se fait au gré des opportunités, des rencontres et du principe de désir que j'évoquais précédemment. Je suis très sensible aux rencontres, aux perches qui me sont tendues, aux objets qui sont sur ma route. J'essaie de les saisir, de récolter tout cela et d'en faire quelque chose. Il m'arrive de tracer des pistes, de poser quelques jalons pour l'avenir mais sans véritablement prendre conscience que cela peut éclairer ou définir mon avenir professionnel.

Quelles sont les rencontres qui vous ont le plus marqué dans votre carrière ?

Stéphane Rochon : Plusieurs me viennent spontanément à l'esprit. Jean-Pierre Audureau, professeur de philosophie à l'université Lyon 2 m'a ouvert la voie et a contribué à lever des barrières. J'ai pu ainsi faire mienne cette citation d'Alain « La puissance de penser ne se délègue pas ». C'est ensuite une multitude d'écrivains, de chercheurs en sciences humaines, de philosophes : ce ne sont pas de véritables rencontres dans le sens où je n'ai pas discuté physiquement avec chacun d'entre eux, mais à travers leurs livres, le dialogue reste permanent, générant une source d'inspiration incroyable parfaitement identifiable à travers des dizaines de cahiers remplis de mes écritures et des tentatives concrètes qui jalonnent mon quotidien professionnel. Enfin, mais elle devrait finalement être première, mon épouse. Sans elle, ce déroulement de carrière n'aurait simplement pas été possible : son indépendance, sa force, son soutien m'ont permis de m'investir professionnellement de façon conséquente.

Quelle est votre citation préférée et pourquoi ?

Stéphane Rochon : C'est un abécédaire qu'il faudrait mais comme il faut retenir qu'une citation, je retiendrai la formule du prince des humanistes, Érasme : « Festina lente » - Hâte-toi lentement ». Elle fait sens dans mon quotidien. Il y a tant de choses à faire et, dans le même temps, la précipitation et l'accélération, peuvent obérer le sens de la démarche que l'on initie, faute d'avoir pris le temps de définir, d'expliquer, de converser. Cette citation exprime selon moi l'idée qu'il n'est pas toujours pertinent d'accélérer le rythme ; que l'action ne doit pas annihiler la réflexion, l'écoute, l'observation préalable voire une certaine forme de contemplation.

Quelle est votre routine quotidienne pour prendre soin de vous ?

Stéphane Rochon : Lire, écrire, courir. Cela fait partie intégrante de mon existence. Les trois activités m'aident à penser et à être dans les meilleures dispositions pour le reste de la journée !

Quels sont les deux changements les plus importants qui ont impacté votre carrière ?

Stéphane Rochon : Le fait d'avoir été lauréat du concours d'administrateur a constitué à la fois une prise de conscience et un formidable tremplin pour la suite de ma carrière. Ce changement dans le regard que je pouvais porter sur moi-même s'est révélé être à la fois un remède et un poison. Un remède car j'ai pris confiance en mes capacités, un poison aussi car les remises en question sont plus difficiles quand les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaite.

Aussi, l'autre changement important a été la décision de faire un choix professionnel hors du champ social. Ainsi, le fait d'avoir eu la confiance de François Bayrou en tant que Maire de Pau et de François Mengin-Lecreux (DGS Ville et agglo de Pau en 2020) pour diriger la Direction de la sécurité a été l'occasion de « sortir du social » et de m'ouvrir à d'autres problématiques, à d'autres métiers, à une autre façon de concevoir l'action publique.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel

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