La Cour des comptes veut une « règle d’équilibre » pour la Sécu, et plus de contraintes pour les médecins

Publié le 30 novembre 2017 à 7h11 - par

Pour guérir l’Assurance maladie de ses déficits chroniques, la Cour des comptes veut inscrire dans la loi une « règle d’équilibre » qui l’obligera à réaliser des économies, grâce notamment à un arsenal de mesures financières coercitives à l’encontre des médecins libéraux.

Médecins libéraux et mesures financières coercitive

L’Assurance maladie « n’a pas retrouvé l’équilibre depuis 25 ans », provoquant « l’accumulation d’une dette sociale considérable », rappelle la Cour des comptes dans un rapport publié mercredi 29 novembre. Une situation « dangereuse » qui nécessite un remède radical : instaurer une règle « obligeant à présenter et à voter ses comptes sans déficit ».

Face à l’explosion annoncée des dépenses liées au vieillissement, aux maladies chroniques et aux nouveaux traitements, il faudra « puiser dans les gisements d’efficience » pour tenir cet objectif. En clair, serrer toutes les vis.

À titre d’exemple, à l’hôpital « le simple réajustement des tarifs dans quelques domaines (…) permettrait d’envisager des gains élevés proches de 2 milliards d’euros », affirme la Cour, qui préconise un alignement progressif « sur les coûts observés dans les établissements les plus performants ».

Autre filon identifié : les médicaments génériques, qui permettraient de dégager « près de 2 milliards d’euros supplémentaires ».

Mais ces ajustements techniques ne suffiront pas. « Des évolutions fortes et vigoureuses seront nécessaires », a affirmé Didier Migaud, président de la Cour des comptes, lors d’une conférence de presse mercredi, appelant à des « restructurations » à l’hôpital, où les pouvoirs publics ont jusqu’à présent fait preuve d’un « renoncement croissant ».

« Il y a en France un excédent de lits d’hôpitaux qui reste absolument considérable », a souligné Antoine Durrleman, auteur principal du rapport.

Mais les mesures les plus explosives sont réservées aux médecins libéraux, dont les négociations avec l’Assurance maladie vont de réformes « enlisées » en « désaccords insurmontables ».

Puisque « les déconvenues s’accumulent », la Cour des comptes recommande de changer de méthode : fini la carotte, place au bâton.

L’arme du déconventionnement

Pour porter « un coup d’arrêt » aux dépassements d’honoraires, le rapport suggère d’inclure dans la loi « des règles de plafonnement (…) entraînant en cas de non-respect l’exclusion du conventionnement du professionnel de santé en cause ».

Une sanction synonyme de déremboursement pour les patients, la consultation chez un médecin non conventionné n’étant remboursée qu’entre 60 centimes et 1,20 euro par la Sécurité sociale.

De son côté, l’Assurance maladie fait valoir l’efficacité des mesures incitatives engagées depuis 2012 avec la profession. « Nous sommes parvenus à inverser une tendance historique de plus de 30 ans d’augmentation du taux de dépassement des médecins » à tarifs libres, s’est ainsi félicité mercredi son directeur général, Nicolas Revel.

« Pour obtenir un rééquilibrage » de la répartition géographique des médecins, la Cour des comptes veut par ailleurs leur imposer le « conventionnement sélectif », déjà appliqué aux infirmiers et aux sages-femmes.

Deux options sont envisagées : une mesure limitée aux « zones les mieux dotées », ou un dispositif national avec « un nombre cible de postes conventionnés » dans chaque territoire.

Autre piste : forcer les jeunes diplômés à exercer « dans des zones sous-denses pour une durée déterminée ».

L’enjeu est aussi financier, une répartition homogène des médecins libéraux pouvant générer des « gains potentiels d’efficience » de 800 millions à 1,4 milliard d’euros, selon le rapport.

« Nous ne remettons pas en cause le principe même de la liberté d’installation » a assuré M. Migaud, jugeant « pas anormal que les pouvoirs publics puissent peser sur la répartition géographique des professionnels de santé ».

D’autres formes de contrainte financière sont proposées, comme la création d’« enveloppes limitatives » par région pour « limiter le nombre d’actes et de prescriptions ».

Les magistrats conseillent en outre de lier « une partie des rémunérations des médecins » à leur participation à la permanence des soins, pour remédier à leur « disponibilité insuffisante » et désengorger les urgences hospitalières.

Des recommandations logiquement rejetées par les syndicats de médecins : « idées saugrenues », a réagi la CSMF, principale organisation de la profession, « vieilles recettes éculées », a abondé la Fédération des médecins de France (FMF), le Syndicat des médecins libéraux (SML) dénonçant des « solutions de facilité ».

« À l’heure où les médecins sont prêts à s’engager sur la voie de l’innovation, pourquoi toujours en revenir aux ficelles de la coercition ? », s’est pour sa part interrogé le député (LREM) Olivier Véran, rapporteur général de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée et neurologue hospitalier.

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