Les contraintes budgétaires accrues qui pèsent sur les établissements publics de santé (EPS) impliquent de développer dans un temps raccourci des projets de développement plus complexes et plus innovants. Le management par projet est ainsi devenu un mode de gestion privilégié du changement dans les EPS.
Avec lui, les pratiques professionnelles se sont transformées et la classique césure entre les concepteurs du projet et ceux qui le mettent en œuvre est désormais révolue. Ce mode de management participatif modifie fondamentalement les rôles et les relations interprofessionnelles et se focalise sur les résultats obtenus.
Qu’est-ce qu’un projet et quel type de management implique-t-il ?
Le projet est une production collective, sériée dans le temps, et qui répond à un besoin défini.
Le projet se situe en effet à la conjonction de contributions individuelles pluriprofessionnelles multiples et variées, tant internes à l’établissement qu’issues de son environnement externe (et partenarial en particulier). Cette pluridisciplinarité des projets implique un management dynamique et de coordination des acteurs.
La gestion de projet est une activité singulière et spécifique, qui n’est pas amenée à se répéter à l’identique.
C’est une activité transitoire, dont les bornes temporelles sont définies avant son lancement.
Cette irréversibilité des projets conditionne un principe essentiel du management inhérent : l’anticipation maximale ou la résolution des problèmes à froid, en amont.
Gestion et management de projet
La gestion de projet regroupe l’ensemble des outils et procédures qui étayeront le projet (définition des objectifs, du budget, des organisations, de la méthode, etc.).
Le management de projet, quant à lui, regroupe l’ensemble des actions que l’établissement engage depuis la conception du projet jusqu’à sa réalisation en passant par son lancement et son suivi.
Enfin, eu égard au caractère transitoire du projet dont la finalité est toutefois pérenne, on peut donner une tout autre définition du management de projet (complémentaire). Ainsi, le management de projet est aussi la transformation progressive des projets en activités, les secondes finançant les premiers.
Manager les projets
Tout management articule une fonction d’organisation et une fonction de pilotage, qui mettent en présence les outils et les acteurs.
La programmation
En termes d’organisation, il convient avant tout de déterminer les différentes phases de progression du projet, depuis sa conception jusqu’à sa consolidation, en passant par des phases de créativité autant que de rationalisation. Elles en permettront la programmation, le suivi, l’évaluation et éventuellement le réajustement, soit le pilotage.
Les outils
La programmation peut s’appuyer sur des outils de gestion classiques, tels que le célèbre diagramme de Gantt qui permet de planifier un projet en croisant du temps en abscisses et des tâches en ordonnées.
Mais aujourd’hui, le directeur d’établissement peut s’appuyer sur des outils plus modernes que sont les logiciels de gestion de projet qui proposent pléthore d’outils de pilotage, en particulier de gestion du temps, mais aussi des outils d’aide à la décision.
Tandis que la gestion de projet s’appuie plutôt sur des outils dits « hard » (de gestion financière du projet notamment), le management de projet s’appuie lui sur des outils dits « soft » (de communication de projet notamment).
Les acteurs
C’est bien sûr l’implication des acteurs du projet qui en constitue le principal levier de performance ; c’est le cœur du management de projets.
Plusieurs étapes cruciales du projet relèvent de la coordination des acteurs :
- le « recrutement », interne la plupart du temps (sauf en cas de projet de développement d’activité de grande envergure), des protagonistes du projet. Le choix se fait en fonction des compétences requises mais aussi de l’émulation potentielle qui émanera du collectif ainsi constitué ;
- la structuration de l’équipe, qui consiste à distribuer les rôles mais aussi à faire varier sa géométrie (interventions permanentes ou ponctuelles, croissance ou décroissance de l’équipe jusqu’à sa dissolution éventuelle, voire interventions extérieures à l’établissement avec associations ponctuelles de partenaires, etc.) selon les différentes phases du projet ;
- l’animation de l’équipe, qui passera par la gestion des crises et des conflits, l’ajustement éventuel des compétences via la formation, et à terme par l’accompagnement du repositionnement des acteurs vers leurs missions originelles qui peut parfois s’apparenter à un vrai travail de deuil. Car le projet est une période parfois euphorique qui dynamise les équipes, le retour aux activités routinières pouvant ainsi s’avérer difficile.
Les bénéfices et les écueils du management de projet
En quoi l’enthousiasme au travail peut-il constituer un risque ? Le management de projet modifie fondamentalement mais transitoirement les fonctionnements habituels et les relations interprofessionnelles au sein des services concernés de l'établissement. L’autonomie et la motivation se substituent au stress, l’animation se substitue à l’autorité et le pilotage se substitue au contrôle. C’est une période quelque peu idyllique pour les acteurs, dont les résultats sont souvent transcendés.
Mais le management de projet peut parfois incarner une chimère : celle de l’action heureuse et stimulante qui, certes, rend les équipes performantes, mais peut aussi les plonger dans une forme de dépression collective lorsque le projet s’arrête et que les salariés reviennent à une activité routinière. En ce sens, parce qu’il déstabilise les identités professionnelles, parce qu’il exacerbe l’investissement des acteurs parfois jusqu’à l’épuisement professionnel, le management de projet constitue un risque psychosocial à part entière.
Remarque
Doit-on dépasser ou maîtriser le management de projet ? C’est ainsi que certains managers glissent du management de projet au management par projet qui consiste à gérer toute action en mode projet, quelle qu’en soit l’envergure. Le service concerné devient alors un chantier permanent qui peut stimuler les équipes autant qu’il les épuise, mais surtout qui oblige le cadre/directeur à une créativité insatiable.
Conclusion
Si ce mode de management est efficace, il ne semble pas pérenne et doit tendre vers une temporalité équilibrée entre phases projets et phases en routine, en veillant à accompagner les transitions. La diffusion du management de projet doit aller de pair avec la compréhension et le contrôle de ses effets sur les acteurs.
La figure ci-après présente un schéma d’analyse du projet qui facilite sa bonne compréhension puis sa mise en œuvre. Ce travail préalable à la gestion de projet permet d’analyser et de mieux comprendre la genèse ainsi que les finalités du projet, tant vis-à-vis de l’institution publique de santé que des patients et des résidents, pour en optimiser ensuite les résultats.