Loi sur le cancer du sein : où en sont les décrets d’application ?
Adopté définitivement au Parlement fin janvier, à l’unanimité, promulgué le 5 février, le texte d’initiative communiste nécessite quatre décrets et arrêtés pour s’appliquer. Jusqu’ici, aucun n’a été publié, alors que l’opération annuelle de sensibilisation au dépistage du cancer du sein, Octobre Rose, a récemment démarré.
« Des femmes me questionnent sur la prise en charge de sous-vêtements adaptés (facturés entre 50 et 100 euros, ndlr), elles pensent, à juste titre, que la loi s’applique », confie à l’AFP Cathy Apourceau-Poly (PCF), qui a porté la proposition de loi au Sénat.
« À la pharmacie, elles doivent payer, et elles me demandent quoi faire », poursuit-elle, rappelant qu’« elles ont déjà été éprouvées par la maladie et manquent parfois de moyens financiers ».
Avec plus de 61 000 nouveaux cas par an et plus de 900 000 personnes atteintes en France, le cancer du sein est le plus répandu des cancers féminins.
Or avec un reste à charge de « 1 400 euros en moyenne », les patientes « les plus précaires renoncent aux soins ou produits non pris en charge ou insuffisamment remboursés qui s’avèrent trop onéreux », avait souligné en janvier le rapporteur du texte devant l’Assemblée nationale, le communiste Yannick Monnet.
La loi votée prévoit la prise en charge intégrale par l’assurance maladie du renouvellement des prothèses mammaires, la dermopigmentation de l’aréole ou de sous-vêtements adaptés. Elle instaure aussi un forfait pour acheter des produits prescrits mais actuellement non remboursés, comme des crèmes contre la sécheresse ou des vernis pour prévenir la chute des ongles induite par certains traitements.
En théorie, après la publication d’une loi, les décrets d’application doivent être pris rapidement, dans les six mois – sauf entrée en vigueur différée – comme souligné fin 2022 par une circulaire d’Élisabeth Borne, alors Première ministre.
Cancer du sein : les patientes attendent l’application de la nouvelle loi
Là, « on n’a pas de contenu, pas de délai, pas d’interlocuteur » sur les textes d’application, déplore Caroline Mercier, directrice générale de l’association Rose Up. « Si ça repasse sous les fourches caudines du futur projet de loi de Finances de la Sécurité sociale et de la baisse annoncée des dépenses de santé, on a peu d’espoir », glisse-t-elle, alors que l’instabilité politique augmente les incertitudes.
Interrogé par l’AFP sur les textes d’application, le ministère de la Santé n’a pas répondu.
« Si ça fait pschitt (…) ça risque de créer énormément de déceptions. Des femmes atteintes de cancer du sein attendaient cette petite bouffée d’air », réponse à « une nécessité », plaide Mme Mercier.
Pour Charlaine (qui n’a pas souhaité donner son nom), 38 ans, qui a subi une double mastectomie, il s’agit de pouvoir acheter des sous-vêtements adéquats. « J’ai appelé une boutique spécialisée pour demander s’il fallait une ordonnance et j’ai appris que la loi n’était pas encore appliquée », confie-t-elle, « très déçue ». « Je n’ai qu’un soutien-gorge adapté pour ma prothèse externe. Cela reste un coût assez conséquent, surtout en étant maman solo de trois enfants… »
La sénatrice Cathy Apourceau-Poly, qui a écrit plusieurs fois à la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, pour réclamer la publication des décrets, juge « incroyable qu’on ne respecte pas le Parlement ». Le député Hadrien Clouet (LFI) a considéré sur X que l’exécutif « s’efforce désormais même d’annuler a posteriori les votes de l’Assemblée nationale ».
Caroline Mercier veut croire que « rien n’est perdu », promettant de « rester mobilisée ».
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