Être parent et handicapé : compliqué, mais pas impossible

Publié le 11 février 2019 à 14h55 - par

Donner le bain à bébé, aller chercher l’aîné à l’école, sortir en famille au cinéma : pour les parents atteints d’un handicap, beaucoup de situations anodines peuvent s’avérer compliquées. Mais pas impossibles, proclament les associations, qui appellent à un « changement de regard » et à un soutien des pouvoirs publics.

Être parent et handicapé : compliqué, mais pas impossible

Pour tout comprendre

« Quand les gens voient que j’arrive à me débrouiller, les préjugés s’envolent », résume Florence Méjécase-Neugebauer, 36 ans, maman de deux enfants de 2 et 11 ans. En fauteuil roulant, « tout prend plus de temps, donc il faut s’organiser, se faire aider, anticiper en permanence », détaille la jeune femme, qui préside l’association « Handiparentalité ». Trop souvent, les parents concernés doivent en outre affronter idées reçues et regards désapprobateurs, déplore-t-elle. « Les gens se disent : comment pourra-t-elle s’occuper d’un enfant alors qu’elle ne peut déjà pas s’occuper d’elle-même? Ils pensent que c’est inconscient et égoïste de faire un enfant quand on est en situation de handicap », ajoute la militante.

Pour les parents en situation de handicap, le quotidien est d’autant plus compliqué que « la crèche, l’école ou le club sportif sont souvent inaccessibles », souligne Alain Rochon, le président de l’association APF France Handicap. Et souvent les adaptations nécessaires sont refusées, au motif que les enfants ne sont pas eux mêmes handicapés. Un comité associatif, créé en 2017 par plusieurs organisations, vient de proposer différentes mesures pour favoriser « l’accompagnement à la parentalité » des personnes handicapées. Ses membres prônent notamment la création de « pôles ressources » partout en France, où les parents pourraient être conseillés et aiguillés, et qui pourraient piloter la formation de tous les personnels concernés : médecins, sages-femmes, professeurs… Formation nécessaire car, trop souvent, le parent handicapé n’est pas accueilli ou accompagné comme il se doit, ce qui peut conduire à des situations de « maltraitance », explique Agnès Bourdon-Busin, porte-parole de ce « Comité parentalité ».

« Auto-censure »

Ce peut être ce papa malvoyant que personne n’assiste pendant l’échographie de son bébé. Ou cet autre atteint de troubles de l’élocution, à qui l’enseignant ne fait pas l’effort de s’adresser directement, préférant communiquer via l’enfant. Pourtant, « l’enfant n’a pas à être l’accompagnateur de son parent », s’agace-t-elle. Elle cite aussi le cas de cette maman aveugle, qui avait demandé à l’institutrice d’enregistrer sur un dictaphone la liste des devoirs à faire pour le lendemain. Refus de l’enseignante : « votre enfant n’a qu’à vous lire son cahier de texte ». Autre limite pointée par les associations : la prestation de compensation du handicap (PCH) – une allocation modulable en fonction des besoins concrets de chacun – ne permet pas de financer des aides spécifiques à la parentalité. Ce point pourrait cependant évoluer prochainement : il fait partie des sujets soumis à un groupe de travail dans le cadre de la Conférence nationale du handicap, qui doit rendre son rapport en juin 2019 aux députés.

Pour Mme Bourdon-Busin – qui a elle-même élevé quatre enfants alors qu’elle se déplace en fauteuil roulant -, les progrès passeront nécessairement par un « changement de regard » de la société. Les adultes en situation de handicap en arrivent même à renoncer à devenir parents par une sorte d’« auto-censure », car « dans toute leur éducation, on ne leur a pas laissé penser qu’ils pouvaient avoir des enfants », dénonce-t-elle. On ne note pourtant « pas de corrélation » notable entre le handicap des parents et le « bien-être de la relation parents enfants », assure le Pr Marc Dommergues, gynécologue obstétricien à l’hôpital parisien de la Pitié Salpêtrière. Dans son service habitué à prendre en charge les grossesses de patientes handicapées ou atteintes de maladies graves, ce médecin a mené une étude sur 22 familles volontaires.

Dans l’ensemble, les familles concernées « s’estiment capables » d’assurer leur fonction de parent pour « les câlins, le jeu, l’interaction » avec les enfants, et disent avoir « besoin d’un peu plus d’accompagnement pour les soins du corps ». Au final, observe le médecin, le développement des enfants dont les parents sont porteurs d’un handicap est « peu différent de celui de la population générale » : même si « tout le monde pense que ça va être impossible (…) ça se passe finalement pas si mal ! »

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