À l’Éducation, sept ministres en trois ans et des réformes qui piétinent

Publié le 13 octobre 2025 à 16h15 - par

Sept ministres en trois ans. L’arrivée d’un nouveau locataire rue de Grenelle, Édouard Geffray, qui succède à Élisabeth Borne, provoque lassitude et exaspération chez les enseignants, car si ce haut fonctionnaire maîtrise les dossiers, des réformes attendues piétinent.

À l'Éducation, sept ministres en trois ans et des réformes qui piétinent
© Par Florence Piot - stock.adobe.com

« Nous allons bientôt manquer de doigts pour compter » les nouveaux ministres de l’Éducation nationale, ironise le président du syndicat d’enseignants Snalc, Jean-Rémi Girard.

Après Jean-Michel Blanquer, resté en poste cinq ans entre 2017 et 2022 et dont Édouard Geffray était l’un des lieutenants, se sont succédé rue de Grenelle Pap Ndiaye, Gabriel Attal, Amélie Oudéa-Castéra, Nicole Belloubet, Anne Genetet, puis l’ex-Première ministre Élisabeth Borne.

Laquelle, selon une source gouvernementale, doit son départ à de mauvaises relations avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, et à sa proposition d’un éventuel gel de la réforme des retraites sans coordination avec Matignon, ce qui aurait semé le chaos dans les rangs macronistes.

M. Lecornu voulait aussi renouveler le casting de son gouvernement 2.0 après l’échec du premier, qui maintenait beaucoup des poids lourds du gouvernement de François Bayrou.

« Rien ne change »

Pour Aurélie Gagnier, cosecrétaire générale du syndicat du primaire FSU-Snuipp, Édouard Geffray, ex-numéro deux du ministère de l’Éducation nationale, représente « la continuité de la politique éducative conduite depuis Blanquer. Rien ne change à part les personnes ».

« Ça nous met en colère car (…) l’Éducation nationale va mal et que les personnels ont besoin d’être écoutés », insiste-t-elle.

« Édouard Geffray a soutenu et accompagné toute la politique éducative que nous avons combattue depuis 2017 » : « choc des savoirs » mis en œuvre par Gabriel Attal, « réforme du bac » de Jean-Michel Blanquer, « réforme de la voie professionnelle sans prise en compte des alertes sur les difficultés », énumère Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE-Unsa.

Elle relève aussi l’« absence de poids politique » d’Édouard Geffray « pour peser auprès de Matignon et de Bercy », alors que Mme Borne avait réussi à maintenir dans l’ensemble le budget de l’Éducation nationale, le premier de l’État.

Toutefois, les effets des contraintes budgétaires se font ressentir concrètement sur les établissements (remplacements assurés grâce au Pacte enseignant ou sorties financées par le pass culture), déplorent les syndicats.

Pendant dix mois, la ministre macroniste a aussi dû gérer une série de crises, dont plusieurs attaques au couteau par des adolescents contre des élèves, des encadrants ou des enseignants, ou la retentissante affaire des violences physiques et sexuelles à Notre-Dame de Bétharram.

Elle a parachevé la mise en œuvre du programme d’éducation à la vie affective et sexuelle (Evars), et lancé un plan « filles et maths », la réussite des femmes en sciences étant l’un des chevaux de bataille de cette ingénieure de formation.

Continuité de l’action

En parallèle, Élisabeth Borne a partiellement détricoté certaines des mesures contestées du choc des avoirs, revenant ainsi sur l’obligation d’avoir le brevet pour passer en seconde, ou introduisant plus de souplesse pour la mise en œuvre des groupes de besoin en 6e et 5e, dont le bilan divise.

Face à la perte d’attractivité du métier d’enseignant, Mme Borne a réussi à mener la réforme de la formation initiale qui ramène au niveau licence le recrutement et non plus au niveau master.

Mais d’autres dossiers piétinent, au premier rang desquels la rémunération des personnels, soulignent les syndicats enseignants. Mme Allain-Moreno cite aussi « l’accueil des élèves en situation de handicap, la santé des personnels, la formation continue, l’éducation prioritaire, la voie professionnelle au lycée »…

M. Geffray va se voir rapidement rattrapé par le mécontentement enseignant, avec un premier appel intersyndical à manifester et faire grève dès mardi 14 octobre pour demander le retrait de la réforme du lycée professionnel.

Lors de la passation de pouvoir lundi 13 octobre, Mme Borne a répété que « seule la continuité de l’action permettra d’agir efficacement », ajoutant « regretter » que ne perdure pas le « grand ministère » Éducation nationale-Enseignement supérieur.

Philippe Baptiste, qui reste au gouvernement, a en effet obtenu que le portefeuille de l’Enseignement supérieur devienne un ministère de plein droit.

Pour le premier déplacement de son nouveau mandat, le ministre a déjeuné lundi dans un restaurant universitaire avec des représentants étudiants. « Les questions de la précarité et du logement étudiants sont des enjeux majeurs », a-t-il souligné auprès de l’AFP. « Il faut évidemment qu’on soit attentif à leur situation ».

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