Des recours avait été déposés au printemps dernier devant la plus haute juridiction administrative par trois syndicats, le Sgen-CFDT et l’Unsa Éducation et le Snes-FSU, la fédération de parents d’élèves FCPE ou encore par les parlementaires écologistes, dont la sénatrice de Gironde Monique de Marco.
Ils demandaient « la suspension » de l’arrêté du 15 mars 2024, instituant des groupes initialement baptisés par la communication gouvernementale, groupes de niveau, en mathématiques et en français, et de la note de service l’accompagnant.
Tout en étant maintenus en 6e et 5e, ces groupes désormais appelés groupes de besoin seront très partiellement étendus l’an prochain en 4e et 3e, avec une heure par semaine, soit en maths, soit en français.
Lors d’une audience devant le Conseil d’État mercredi 20 novembre, le rapporteur public Jean-François de Montgolfier a demandé l’annulation de cet arrêté instaurant la nouvelle organisation des enseignements au collège et de la note de service, soit le cœur de la réforme dite du « choc des savoirs », voulue par Gabriel Attal alors ministre de l’Éducation.
Sans se prononcer sur le fond de la réforme, le Conseil d’État doit se prononcer sur la forme juridique choisie par le ministère pour la mettre en œuvre. La décision devrait être rendue dans les prochaines semaines.
Dans ses conclusions, M. de Montgolfier a mis en avant « l’incompétence » du ministère de l’Éducation nationale à instaurer cette réforme à travers un simple arrêté. Selon le Code de l’Éducation, toute modification de l’organisation de l’enseignement dans le second degré relève de la compétence du Premier ministre et doit être faite par décret.
Le rapporteur public a évoqué le risque que « d’autres arrêtés viennent étendre ce mode d’organisation à d’autres matières, généralisent l’enseignement en groupes de besoins et contournent donc la règle selon laquelle l’organisation de l’enseignement relève du décret », a-t-il dit.
« Question de forme »
La réforme ayant commencé à être mise en place depuis la rentrée, le rapporteur préconise un « report de la date de ces annulations à la fin de l’année scolaire 2024-2025 », afin d’éviter « une modification brutale de l’organisation pédagogique mise en place dans plusieurs dizaines de milliers de classes ».
Selon lui, « quasiment toutes les requêtes dénoncent » également (…) la méconnaissance du principe d’autonomie des établissements d’enseignement ». Le Conseil d’État aura à trancher sur ce point.
Par ailleurs, il a rappelé que « le ministère de l’Éducation nationale a laissé ouverte la question de savoir si sa réforme des groupes de niveau, constituait ou non une remise en cause du collège unique ». Un sujet qui « s’avère sinon délicat, du moins sensible », pour lequel les « oppositions partisanes se cristallisent ».
Avant même l’audience devant le Conseil d’État, le ministère de l’Éducation s’était voulu rassurant sur l’avenir de la réforme en précisant aux journalistes que le contentieux relevait « d’une question de forme sur l’utilisation d’un arrêté et non d’un décret ». Selon la rue de Grenelle, « il ne s’agit en aucun cas d’une remise en cause de l’objectif fondamental de cette mesure : répondre aux besoins spécifiques de chaque élève pour garantir sa réussite scolaire ».
« Le ministère de l’Éducation nationale travaille déjà à clarifier ce point juridique en publiant un décret dans les prochains jours qui viendra sécuriser cette mesure essentielle », a-t-il ajouté. Il devra néanmoins être à nouveau soumis aux instances du dialogue social de l’Éducation nationale.
Erreur ou choix délibéré ? La fragilité juridique de la réforme dévoilée à l’occasion de cette audience au Conseil d’État interroge, alors que l’Éducation nationale était à l’époque pilotée par des fins connaisseurs du droit. Elle relance les spéculations sur la sourde opposition entre l’ex-ministre Nicole Belloubet et l’ex-Premier ministre Gabriel Attal sur une mesure très décriée dans le monde éducatif.
Interrogé mercredi 20 novembre sur le fait que le futur décret soit pris par le Premier ministre, le ministère a rappelé que ce dernier « défend les groupes de besoin, comme la ministre ».
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