Les lycées du Grand Est poursuivent leur conversion hâtive au tout-numérique

Publié le 5 juillet 2018 à 14h33 - par

Tablettes et wifi au lieu de pesants manuels : la région Grand Est va continuer à la rentrée de convertir ses lycées au tout-numérique, après une première expérimentation pavée de difficultés.

Les lycées du Grand Est poursuivent leur conversion hâtive au tout-numérique

Avec 62 établissements devenant « lycées 4.0 » en septembre, s’ajoutant aux 49 lancés depuis un an, presque un tiers des lycées du Grand Est auront dit adieu aux manuels papier. L’objectif est qu’ils le fassent tous en 2020.

Devenir 4.0, cela signifie des sacs moins lourds, l’accès partout à des ressources pédagogiques numériques, financées par la région, tout comme le déploiement du wifi, et que chaque élève s’équipe d’un portable ou tablette, en partie financé pour les familles à faibles revenus.

Cette année d’expérimentation « n’a pas été simple à tous les moments, mais nous avons défriché un terrain jusqu’à présent inconnu », qui laisse espérer « des changements importants » dans la pédagogie, la prise en compte de la diversité des élèves et « la construction des compétences du XXIe siècle », s’est félicité la rectrice de la région académique, Florence Robine, lors d’une visite du lycée Paul Lapie à Lunéville (Meurthe-et-Moselle).

Proviseur de ce lycée professionnel retenu pour devenir « 4.0 » en septembre, Gérald Sémont a prévenu ses professeurs que « l’été sera court ». « Tous les enseignants vont être obligés de modifier leurs cours, de se réadapter à la nouvelle technologie », explique-t-il.

« Le numérique est un appui sur les pédagogies dites innovantes » : il permet « d’avoir des ressources beaucoup plus nombreuses pour les élèves » et de travailler de manière différenciée, vante le proviseur.

Voila la théorie. Dans les faits, cela a souvent commencé par des pannes internet, des manuels non disponibles, des problèmes de configuration ou des élèves non équipés. Et des photocopieuses tournant à plein régime.

« Essuyer les plâtres »

« Nous avons probablement un peu essuyé les plâtres de la mise en place d’un dispositif qui s’est faite rapidement », raconte Éric Mariet, proviseur du lycée Bartholdi à Colmar (Haut-Rhin).

Une fois passé un premier trimestre « un peu difficile », il estime que les professeurs de son établissement de 950 élèves « sont fortement intéressés et ont compris l’enjeu de ne pas passer à côté ».

Mais « la difficulté est de faire un bilan objectif avec des indicateurs précis ».

Ce déploiement rapide, de la seconde à la terminale d’un coup, irrite certains professeurs et associations de parents d’élèves, qui réclament « un bilan contradictoire ».

« Il faudra passer au numérique, on en est conscient. Mais il ne faut pas le faire n’importe comment », affirme Juliette Staraselski, présidente de la PEEP Alsace.

« On lance une 2e vague d’expérimentation sans prendre acte des dysfonctionnements de la première, je ne vois pas à quoi ça sert », renchérit Florence Claudepierre de la FCPE Haut-Rhin, critiquant notamment une question des « risques sanitaires », comme l’exposition aux écrans, « jamais abordée » et le coût pour les familles.

« École buissonnière »

Faute de bilan officiel, chacun fait le sien. Un professeur de physique-chimie a fait un sondage auprès de ses élèves de seconde, d’un « niveau scolaire élevé ». Contents au départ du passage au numérique, en mai seuls 10 % estimaient avoir mieux travaillé, 52 % n’y ont pas trouvé d’intérêt et 37 % en ont profité pour faire autre chose en classe.

Une enquête du syndicat des enseignants du second degré (SNES) pointe « une année stressante » pour les enseignants « devant prévoir des cours bis pour parer aux dysfonctionnements du réseau », un écran qui « fait obstacle à la relation pédagogique » et des élèves « initiés à une nouvelle forme d’école buissonnière » en surfant sur internet.

« Je ne pourrais pas faire cours à 30 élèves avec leur ordinateur ouvert, cela change beaucoup de choses dans le rapport aux élèves », explique un professeur de français d’un « lycée 4.0 » en Alsace. Il a donc fait cours sans manuel, seulement avec des œuvres littéraires.

Mais « il ne faut pas imaginer que tous les élèves sont en permanence derrière leur écran », assure Éric Mariet, selon qui les  professeurs ont « des usages très variés » du numérique.

Dès le départ, « nous avons mis les choses au clair : on continuera toujours à écrire, à prendre des notes, à faire des devoirs sur table ». Au baccalauréat, pas d’ordinateur.

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