7 974 postes d’internes pour les étudiants de troisième cycle de médecine ouverts en novembre prochain dans les hôpitaux publics de France : c’est le nombre fixé par un arrêté paru au Journal officiel du 9 juillet 2024. Et qui suscite depuis de nombreuses réactions. Car cette baisse de 16 % (9 484 postes avaient été ouverts en 2023) ne sera pas sans conséquences sur le fonctionnement des établissements de santé.
Faire tourner les services
En premier lieu, selon Frédéric Valletoux, ministre délégué à la Santé démissionnaire, interviewé dans Ouest-France le 20 août 2024, “le Gouvernement n’a pas fait le choix de diminuer d’autant le nombre de postes”. Et de préciser : “S’il y a moins d’internes, c’est que 7 800 étudiants ont passé et validé leur examen cette année. S’il y avait eu 9 500 admis, on aurait créé autant de postes ». De fait, en raison de la réforme du deuxième cycle de médecine mise en œuvre en 2023, qui introduit pour la première une note éliminatoire à l’écrit et une épreuve orale au concours, de nombreux étudiants ont préféré redoubler leur cinquième année. Selon la Conférence des doyens de médecine, ces redoublants représentent 7 % de la promotion contre 3 % habituellement.
Quoi qu’il en soit, cette diminution des effectifs d’internes pose problème. Elle « aura un impact » sur l’hôpital, et en particulier sur les centres hospitaliers universitaires (CHU), « dont 40 % des ressources médicales sont constitués par des internes », a expliqué le Dr Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France, le 16 août, sur franceinfo. Les professionnels « se demandent comment ils vont faire tourner leurs services » alors que « les internes travaillent 59h/semaine en moyenne », a souligné Guillaume Bailly, président de l’Intersyndicale nationale des internes (Isni), auprès de l’AFP. D’autant que Frédéric Valletoux, toujours dans Ouest-France, a déclaré qu’une cinquantaine d’hôpitaux étaient en tension.
Des choix par défaut
Ce nombre d’internes en baisse a également un autre impact. Pour Hélène Hérubel, étudiante parisienne qui a lancé une pétition ayant déjà recueilli 48 703 signatures le 22 août 2024, cette réduction ne prend pas en compte “la force des demandes pour certaines spécialités”. Sur le site de la pétition il est ainsi détaillé que les postes de chirurgie plastique et reconstructrice ont été diminués de moitié, tandis que la médecine générale à Bordeaux l’a été de 20 %. En revanche, le nombre de postes en chirurgie pédiatrique reste inchangé. “Trop d’étudiants devront choisir une spécialité par dépit dans laquelle ils seront moins investis et la qualité de leurs soins en pâtira. Après six ou sept ans d’études acharnées, on ne nous permet pas de choisir notre métier”, est-il ajouté. Les pétitionnaires veulent par conséquent la réouverture des négociations sur le nombre de postes d’internes proposés pour mieux adapter leur répartition à la demande des étudiants.
Faire appel à des médecins étrangers
« Nous allons donc avoir un trou d’air qui sera rattrapé l’an prochain”, a néanmoins souligné Frédéric Valletoux dans le quotidien régional. Et d’ajouter : « J’observe qu’avec cette nouvelle formule d’examen, le taux d’échec n’est pas plus important que précédemment : il reste d’environ 2 % ». Arnaud Robinet, président de la Fédération hospitalière de France (FHF), tient le même discours. Sur France Inter, le 20 août, il a estimé que « cette baisse peut inquiéter mais ce n’est pas un effondrement » et que ce chiffre « va normalement se rétablir » dès l’an prochain, avec l’arrivée des redoublants. Dans cette attente, afin de faire face aux difficultés des hôpitaux, le Gouvernement envisage de recourir temporairement à des médecins étrangers. Une solution également évoquée par Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale d’établissement au sein de l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), dans Le Monde du 21 août : « Nous allons compenser avec des “FFI” [faisant fonction d’internes], c’est-à-dire des médecins stagiaires à diplômes étrangers, mais ce n’est pas très agréable ni loyal de devoir s’en servir comme variable d’ajustement ». Mais il soutient également qu’« il est aussi nécessaire, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, de s’adapter à un changement de paradigme : les internes ne doivent pas être considérés comme du personnel qui fait tourner le service, ce sont des étudiants ».
Magali Clausener