Françoise Descamps-Crosnier, présidente du FIPHFP : “Nous avançons mais il faut faire plus”

Publiée le 10 février 2025 à 14h35 - par

Entretien avec Françoise Descamps-Crosnier, présidente du FIPHFP, à l'occasion des 20 ans de la loi dite "Handicap" du 11 février 2005 qui a crée le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP).
Françoise Descamps-Crosnier : “Nous avançons mais il faut faire plus”

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Ce 11 février, la loi dite « Handicap » fête ses 20 ans. Celle-ci porte sur de nombreux domaines (emploi, transports, accessibilité, création des MDPH…). Pourquoi demeure-t-elle majeure ?

« C’est une loi très globale. Elle couvre différents domaines et définit les handicaps. Elle vise aussi à l’accessibilité universelle. Cela permet de ne pas stigmatiser et de faire en sorte que chacun soit à égalité avec l’autre. C’est d’ailleurs l’intitulé de la loi : « égalité des droits et des chances, participation et citoyenneté des personnes handicapées ».
Cette loi porte également l’environnement dans la définition du handicap. Elle vise aussi toutes restrictions d’activité ou de participation. Avant le 11 février 2005, la loi de 1987 donnait obligation aux employeurs d’avoir 6 % de personnes en situation de handicap dans leurs effectifs. Mais elle ne contraignait que les employeurs privés à travers les contributions versées à l’AGEFIPH quand elles n’atteignaient pas ces 6 % à partir du moment où elles avaient 20 salariés. Il n’y avait, en effet, pas de contraintes dans le cadre de la fonction publique d’État, territoriale et hospitalière. La loi de 2005 crée justement le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Elle impose encore plus aux employeurs puisqu’elle émet une contrainte : à partir du moment où ils n’atteignent pas les 6 %, ils doivent verser une contribution au FIPHFP. Ces 20 ans sont donc aussi les nôtres. »

Quel bilan tiré de la loi du 11 février 2005 et l’activité du FIPHFP ?

« Il y a le droit tel qu’il doit être appliqué, et il y a la réalité qui n’est pas aussi satisfaisante. Il y a eu des progrès constants. Par exemple, la création du FIPHFP oblige les employeurs, mais il accompagne aussi, facilite la possibilité de recruter, de maintenir en emploi, permettre à leurs collaborateurs d’évolution professionnellement. Ce qui nous manque véritablement, c’est d’avoir un champ de la prévention. La loi ne nous permet que d’intervenir en compensation. Or, nous savons que c’est au cours de la vie professionnelle, ou dans le cadre de la vie, que s’acquiert le handicap. Par la pénibilité, par l’usure… Et les employeurs souhaitent que nous puissions les assister. »

Comment le FIPHFP soutient-il l’État, les collectivités et les hôpitaux à mieux employer les personnes en situation de handicap ?

« Nous finançons les employeurs publics, quelle que soit la taille des effectifs, de leur administration. Nous les accompagnons sur tout ce qui touche aux aménagements matériels, mais aussi à l’accompagnement humain, la formation des personnes en situation de handicap, la sensibilisation de collectifs de travail, la participation à des études de recherche… Nous essayons d’être très pragmatiques et de proposer des mesures adaptées en fonction des besoins émis. Notre résolution est de permettre l’emploi, le maintien et l’évolution professionnelle. Nous finançons aussi l’apprentissage des personnes en situation de handicap, sans limites d’âge. »

Comment interpréter actuellement l’emploi et l’insertion des personnes en situation de handicap dans les 3 versants de la fonction publique ?

« Le taux d’emploi des personnes en situation de handicap est de 5,66 %. Chaque année, ce taux progresse. Mais en même temps, il est très hétérogène. Nous pourrions, par exemple, être très satisfaits des résultats dans la fonction publique territoriale. Oui et non, puisque des collectivités ont des taux de 8 % et d’autres de 2 %. C’est pour cela que, dans notre ambition stratégique d’ici 2030, nous visons les 6 % sur tous les versants et dans chaque catégorie. En effet, nous savons notamment que c’est dans la catégorie C que l’on trouve le plus de personnes en situation de handicap. Nous avons donc une grande marge d’amélioration pour arriver à l’accessibilité universelle et avoir une vraie égalité des chances.
Cette accessibilité universelle, c’est aussi l’accessibilité numérique. Dans celle-ci, nombre d’applicatifs métiers de différents logiciels ne sont pas conformes au RGAA (le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité). Et s’il n’y a pas d’accessibilité numérique, il n’y a pas d’évolution professionnelle. Tout est interdépendant et il faut essayer d’avancer dans tous les sens. Concernant l’évolution professionnelle, nous avons travaillé avec la Direction générale de l’Administration et de la Fonction publique (DGAFP) à un dispositif permettant d’avoir du développement, du coaching de manière collective, individualisée pour combattre les freins à l’évolution professionnelle. Handi’Talents est ainsi mis en place en 2025 et nous souhaitons convaincre les employeurs, les organismes de formation professionnelle. »

Y’a-t-il d’autres leviers qui permettraient aux employeurs publics de progresser et d’innover ?

« Nous avançons et il faut faire plus. Quand on est une personne en situation de handicap, on trouve que les progrès vont très lentement. Plusieurs domaines et sujets méritent notre attention et notre intervention, comme l’apprentissage et son financement, compliqué. Dans le cadre de la fonction publique, il faut aussi considérer les réductions budgétaires. Toutes les difficultés dans lesquelles vont se retrouver les employeurs. Nous espérons que cela n’aura pas trop d’impacts et que les différences soient vécues comme des priorités.
C’est pourquoi nous demeurons mobilisés avec les employeurs publics avec qui nous avons des complémentarités. Nous intervenons en partenariat dans des évènements, colloques, webinaires. À partir du 11 février, et sur toute l’année, avec le FIPHFP, nous ferons également un tour de France pour donner de la lisibilité sur nos actions, nos perspectives et notre ambition stratégique. »

Propos recueillis par Jérémy Paradis, WEKA Le Mag

Le Tour de France des 20 ans du FIPHFP

À l’occasion de son 20e anniversaire, le FIPHFP organise de février 2025 à juin 2026 un grand Tour de France. Chaque étape, animée par l’auteur et comédien Adda Abdelli, sera l’occasion de faire le point sur vingt années d’intervention du FIPHFP en faveur de l’insertion et du parcours professionnels des personnes en situation de handicap. Cet événement sera également l’occasion de donner la parole aux employeurs publics pour qu’ils évoquent les avancées, mais aussi les freins rencontrés depuis vingt ans.
Dans chaque région, les Trophées Emploi public et Handicap valoriseront également les actions innovantes menées par les employeurs publics pour essaimer auprès d’autres employeurs.

  • 11 mars 2025 – Hauts-de-France – Sciences-Po Lille
  • 25 mars 2025 – Auvergne-Rhône-Alpes – Musée des Confluences
  • Mardi 1er juillet – Guadeloupe
  • Jeudi 3 juillet – Martinique
  • Jeudi 25 septembre 2025 – Provence-Alpes – Côte d’Azur et Corse
  • Jeudi 9 octobre – Bretagne
  • Mardi 4 novembre 2025 – Occitanie
  • Jeudi 6 novembre 2025 – Mayotte
  • Mardi 2 décembre 2025 – Pays de la Loire
  • Fin janvier début février 2026 – Normandie
  • Mardi 10 ou jeudi 12 mars 2026 – Centre-Val de Loire
  • Mardi 24 ou jeudi 26 mars 2026 – Guyane

 

Retrouvez cet article dans notre Dossier Emploi et handicap – Des progrès encore à faire dans WEKA Le Mag n° 19 – Janvier / Février 2025

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