La trêve hivernale s’achève, au grand dam des locataires

Publié le 31 mars 2016 à 16h15 - par

La trêve hivernale touche à sa fin jeudi soir : après cinq mois d’interruption des expulsions locatives, de 30 000 à 40 000 foyers risquent d’être délogés, souvent en raison de loyers impayés. Un inlassable combat pour les associations, qui réclament plus de moyens.

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« Chaque année, on se contente de dire que la trêve hivernale commence ou s’arrête, mais on n’est pas capable d’être dans une dynamique qui nous permette de protéger les plus fragiles », déplore auprès de l’AFP Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre.

Pour ce militant, « on n’arrive pas dans notre pays à mettre en œuvre une politique de prévention » pour aider ces familles à payer « leurs dettes en cas d’impayés de loyers, trouver une autre solution de logement, leur ouvrir le droit au logement opposable ».

« Si on intervient au bout de deux ou trois mois d’impayés, on peut trouver des solutions, mais au bout d’un an, c’est inextricable », explique M. Robert.

Pour autant, selon lui, « les suspensions d’expulsions ne doivent pas se faire au détriment des propriétaires » qui, eux, peuvent être soulagés de la fin de la trêve hivernale, susceptible de mettre un terme à des mois de difficultés et de procédures.

« En moyenne, on estime de 30 000 à 40 000 le nombre de foyers en France susceptibles d’être expulsés dès vendredi », sur un total d’environ 190 000 décisions de justice pour impayés, selon les calculs du Réseau stop aux expulsions logement (Résal) pour 2015.

Une différence qui vient, entre autres, des délais de procédure mais aussi des locataires, dont beaucoup préfèrent partir d’eux-mêmes plutôt que d’être chassés.

Perte ou changement d’emploi, séparation, changement de situation de famille, problèmes de santé et surendettement sont autant de raisons qui entraînent des impayés, à l’origine d’un décrochage.

Des gens qui souffrent

Pour Loubna, 40 ans, un divorce avec un homme violent et la précarité de son emploi auront précipité ses déboires : « J’ai mis plusieurs mois à rembourser les 35 000 euros de dettes accumulées. » Loubna et ses trois enfants risquent de devoir plier bagage dès vendredi, faute d’être arrivés au bout des démarches administratives. « J’ai préparé l’essentiel : des vêtements pour mes enfants », dit-elle.

Yasin, 42 ans, n’a, quant à lui, pas eu le temps de se préparer quand sa famille et lui ont été délogés de leur appartement 15 jours avant le début de la trêve hivernale. « Quand les flics arrivent et que les enfants pleurent, tout le monde s’en fout. Ils te mettent quand même dehors », se souvient ce père de famille. « Ma femme a été traumatisée pendant plusieurs semaines, mais le pire c’est mon fils de 20 ans, qui se renferme de plus en plus », dit-il. Depuis, ils vivent à quatre dans une chambre d’hôtel de 35 m2, pour laquelle ils paient 600 euros et l’État 1 700 euros. « Une aberration : un logement social d’environ 65 m2 coûterait 500 euros » à ce père de famille, s’insurge Benoit Filippi, du réseau Résal.

Avec plus de 15 millions de personnes touchées par la crise du logement, selon les derniers chiffres publiés dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre, la situation n’est pas prête de s’améliorer.

« L’État continue son plan de pérennisation des places d’hébergement », a assuré la ministre du Logement Emmanuelle Cosse, mardi en déplacement à Lyon, annonçant qu’il y aurait « 2 300 places supplémentaires en 2016 », portant leur nombre à 112 300 contre 80 000 en 2012.

Les associations espèrent davantage. « On sait que la croissance est limitée et que les problèmes budgétaires sont importants », concède Christophe Robert, mais « pour la dernière année du quinquennat, on voudrait que le gouvernement regarde la France vraiment telle qu’elle est, avec des gens qui souffrent ».

Une trentaine d’associations demanderont au cours d’un rassemblement mercredi, place du Palais-Royal à Paris, à la ministre du Logement d’engager les moyens nécessaires pour « mettre fin au sans-abrisme et aux expulsions sans solutions de relogement ».

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