Si les projets de décret et d’arrêté relatifs à la réforme du diplôme d’État infirmier ont été votés par le Haut conseil des professions paramédicales (HCPP) et le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER), aujourd’hui, le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), chargé d’émettre un avis sur l’impact financier des normes sur les collectivités locales, bloque leur adoption. Les Régions auraient demandé un report du vote à la prochaine session (mi-janvier 2026). Ce sont effectivement les Régions qui financent la formation des étudiants en soins infirmiers et se chargent de l’attribution des bourses. Elles craindraient le poids du coût de la réforme sur le budget des Régions, notamment le remboursement des frais kilométriques pour les déplacements des étudiants en stage. Mais pour la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières (FNESI), il s’agit plutôt d’une conséquence du contexte budgétaire et politique, en lien avec la loi de finances pour 2026 qui prévoit le transfert d’un certain nombre de compétences des Agences régionales de santé aux collectivités locales. Et elle n’est pas la seule à le penser. Ce report « révèle un dysfonctionnement préoccupant de la gouvernance des réformes de santé », pointe le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil), qui estime que cette réforme majeure de santé publique « se retrouve prise en otage par des rapports de force institutionnels et financiers entre l’État et les régions ».
Un report aux conséquences lourdes
Cette réforme de la formation, travaillée depuis 2023, répond à des enjeux d’attractivité, de reconnaissance et d’adaptation des compétences aux besoins réels de la population. « Elle ne peut être ralentie, fragilisée, par des arbitrages budgétaires ou des conflits de compétences qui ne relèvent ni des étudiants, ni des professionnels de santé », estime le Sniil. Ce report de l’examen par le CNEN fait peser un risque sur le calendrier de publication des textes et compromettrait la capacité des instituts de formation, des universités et des acteurs de terrain à préparer correctement la mise en œuvre de la réforme dès la prochaine rentrée. « L’urgence est sanitaire, pédagogique et professionnelle, pas administrative, soutient, pour sa part, la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Retarder cette réforme, c’est retarder l’adaptation de la formation aux réalités du terrain, c’est fragiliser les instituts, et c’est envoyer un signal négatif à toute une profession ».
Un appel au gouvernement
Les représentants de la profession appellent solennellement le Gouvernement à reprendre la main sur la mise en œuvre de cette réforme estimant que la formation des infirmiers « ne peut être l’otage de rapports de compétences ou de négociations financières ». La FNESI va même plus loin et exige un désengagement total de la formation infirmière des Régions et sa centralisation à l’État. Car selon elle, « en optant pour une gestion bâclée et irrégulière de la formation, les Régions méprisent ouvertement les étudiants en sciences infirmières, nous ne pouvons pas continuer d’être opprimés par un système de formation maltraitant. »
Laure Martin
