Face aux difficultés croissantes de nombreux Français à se nourrir, se loger ou à se chauffer, l’Union nationale des CCAS (Unccas) tire la sonnette d’alarme. Juste avant sa cérémonie des vœux, son président, Luc Carvounas, a réuni les représentants d’associations d’élus locaux (AMF, France urbaine, AMRF, APVF, Intercommunalités de France, Ville & Banlieue, Régions de France) et des grands réseaux associatifs du secteur des solidarités (Fédération des acteurs de la solidarité, Collectif Alerte, Secours catholique). Objectif : « donner l’alerte face à la situation sociale dramatique que traverse notre pays », lance le maire d’Alfortville, également vice-président de l’AMF. Il dénonce un « paradoxe insupportable : dans une société qui produit des richesses chaque année plus nombreuses, les inégalités se creusent, la valeur produite est capturée par quelques-uns, tandis que la précarité gagne du terrain ».
Présent, Noam Leandri, le président du Collectif Alerte, qui réunit 34 fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté, a tenu à remercier l’Unccas pour cette initiative qu’il qualifie d’« acte de résistance ».
« Une main tendue » à Catherine Vautrin
Quelques jours plus tard, le courrier commun, cosigné le 5 février par les différentes associations, a été envoyé à Catherine Vautrin, ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités. Dénonçant une « situation sociale alarmante dans notre pays », il se veut « une main tendue en vue d’une rencontre et d’un travail collectif au service d’une cohésion sociale retrouvée ». Les associations plaident pour engager « une conférence de consensus de nature à partager les éléments de diagnostic mais surtout parvenir à mettre en œuvre rapidement des mesures concrètes et pragmatiques au profit de nos concitoyens les plus en difficulté ».
À noter parmi les associations d’élus locaux signataires l’absence de Départements de France, alors que ce niveau de collectivité possède de nombreuses responsabilités en matière d’action sociale et médicaux-sociale.
« Suspicion à l’égard de la figure du pauvre »
Luc Carvounas interpelle sur la situation des personnes les plus fragiles économiquement, dont de nombreuses familles monoparentales, qui sont les publics des CCAS. Malgré les initiatives des territoires pour « innover, travailler, remuer ciel et terre pour donner à chacun les moyens d’une vie digne », le constat est partout le même selon lui : « la précarité est en train de s’intensifier ».
Estimant que « l’État doit assumer sa part du travail » dans ce combat, le président de l’Unccas fustige « depuis sept ans, une stigmatisation des bénéficiaires des minima sociaux, la mise au travail forcé et gratuit des bénéficiaires du RSA, la baisse des aides personnalisées au logement, la radiation des chômeurs de longue durée de Pôle emploi, devenu France travail ». Dans un discours très offensif, il pointe également des « politiques justifiées par l’obsession austéritaire, la suspicion à l’égard de la figure du pauvre ou la paranoïa xénophobe » en considérant qu’elles « nourrissent la pauvreté et font basculer toujours plus de nos concitoyens dans ses bras ».
Appel à « un réarmement social »
Malgré cette charge, il évoque « une chance de travailler de concert » avec le gouvernement. « Nous allons formuler des propositions fortes et nous nous tiendrons disponibles pour avancer ensemble, associations, collectivités et État », affirme Luc Carnouvas. Et d’appeler le président de la République et le Premier ministre « à travailler avec nous à un réarmement social ».
Parmi les moyens d’y parvenir, il défend un nouveau mouvement de décentralisation « pour construire des politiques protectrices, plus près des citoyens ». Lors d’une rencontre récente avec Éric Woerth, chargé d’une mission sur la décentralisation par Emmanuel Macron, il a insisté sur la nécessité de renforcer le couple maire-préfet et de réformer la fiscalité locale. « La difficulté des communes à anticiper l’état de nos finances à moyen terme nous expose à un effet de ciseaux, mettant en danger notre capacité d’investissement, et donc à mener des politiques publiques efficaces, notamment en matière de prévention de la pauvreté », s’inquiète le président de l’Unccas.
Pour le maire d’Alfortville, la prévention de la pauvreté passe aussi par des politiques tournées vers les plus jeunes, les plus âgés et les familles monoparentales.
Des assises du logement à Montpellier
Lors de ses vœux, il a détaillé les cinq priorités de l’Unccas pour 2024 : la lutte contre la précarité et la grande pauvreté, les Outre-mer (sur la base de son manifeste rendu public en novembre dernier), la construction d’une société du Bien vieillir, l’alimentation (première aide facultative délivrée par les CCAS) et le logement. Sur ce dernier sujet, l’Unccas organisera des assises du logement, cet automne à Montpellier, « pour porter la voix des maires alors qu’une décentralisation de cette compétence semble à l’ordre du jour », souligne Luc Carvounas.
Le prochain congrès de l’Unccas se tiendra au Havre, du 27 au 29 mars prochains, sur le thème : « Les maires et leurs CCAS face aux crises ».
Philippe Pottiée-Sperry
