« 71 % des métabolites de pesticides officiellement à risque de dépasser la norme pour l’eau potable que nous avons identifiés n’ont fait l’objet d’aucun suivi dans les eaux souterraines ou l’eau potable ces dernières années », a alerté mardi 15 octobre 2024 Pauline Cervan, toxicologue de l’ONG, lors d’une conférence de presse.
Générations Futures affirme avoir identifié 56 métabolites de pesticides n’ayant fait l’objet d’aucun suivi alors qu’ils risquent de contaminer les eaux souterraines à des concentrations supérieures à 0,1 μg/l, soit la limite réglementaire, selon leur analyse de travaux de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
« La façon dont les Agences régionales de santé (ARS) sélectionnent les substances à suivre ne permet pas d’inclure de nouveaux métabolites dans les contrôles. C’est complètement incompréhensible et scandaleux », s’est indignée Pauline Cervan.
Sollicité par l’AFP, le ministère de la Santé indique avoir « diffusé, fin 2020, une proposition de méthodologie à l’attention des ARS pour harmoniser les modalités de sélection des pesticides et de leurs métabolites à analyser dans le contrôle sanitaire de l’eau du robinet ».
« Il est ainsi tenu compte des activités et usages agricoles au niveau local (…), de la probabilité de les retrouver dans les eaux, et de leur toxicité sur la santé humaine. Depuis début 2021, selon cette méthodologie, les ARS mettent à jour la liste des pesticides et métabolites recherchés dans l’eau destinée à la consommation humaine », affirme l’administration.
Possible action en justice
Les métabolites sont des molécules issues de la dégradation de substances chimiques, telles que les pesticides, qui peuvent se retrouver ensuite dans les sols, les eaux de surface et les eaux souterraines, avant de potentiellement contaminer les zones de captage d’eau potable.
« Parmi ces 56 métabolites non suivis, nous avons identifié 12 métabolites particulièrement à risque », affirme Générations Futures, dont l’acide trifluoroacétique (TFA), une molécule très persistante déjà dans le viseur du Réseau européen d’action sur les pesticides (PAN Europe).
Le TFA est issu de la dégradation de certains « polluants éternels », les PFAS, des substances présentes dans des pesticides, des gaz réfrigérants, des revêtements anti-adhésif de poêles, des mousses anti-incendie ou des cosmétiques, et particulièrement dans les rejets des usines qui les produisent.
« Les conséquences d’une exposition chronique aux métabolites de pesticides présents dans l’eau potable sont largement inconnues », déplore Générations Futures, qui dénonce régulièrement un déficit d’études sur la toxicité de ces molécules.
Même si les informations manquent pour déterminer avec certitude les niveaux de concentrations sans risque, les associations antipesticides rappellent que les molécules se cumulent dans l’eau et peuvent avoir un « effet cocktail ».
Évoquant l’étude de Générations Futures et citant les cas de cancers pédiatriques recensés dans la plaine agricole d’Aunis, le député écologiste Jean-Claude Raux (Loire-Atlantique) a interpellé mardi 15 octobre le gouvernement à l’Assemblée nationale.
« Pour respecter le principe de précaution, pour garantir une eau potable de qualité, pour la santé publique, soutiendrez-vous (…) ma proposition de loi pour interdire les pesticides sur les aires d’alimentation des captage d’eau ? » a-t-il demandé.
Sans répondre directement, Annie Genevard, ministre de l’Agriculture, a mentionné le caractère « local » des études sur les cancers pédiatriques et a insisté sur la nécessité de mettre en regard leurs résultats avec « des études très approfondies conduites au niveau national ».
« Afin de pouvoir déterminer les bonnes réponses, il faut savoir exactement de quoi l’on parle et établir précisément les liens de cause à effet », a-t-elle ajouté.
Générations Futures demande « la mise en place rapide d’un plan d’action pour améliorer la surveillance des métabolites et relancer une politique ambitieuse de diminution de l’usage des pesticides en France ».
L’ONG est entrée dans une « phase de dialogue » avec les autorités publiques sur le sujet des métabolites à contrôler, mais n’exclut pas d’agir en justice en cas de réponse négative des ARS.
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