L’entreprise a le droit à une indemnisation totale de son préjudice à condition (
CCAG Travaux
, art.18.3) :
- qu’elle ait pris toutes les précautions pour protéger son matériel ;
- qu’elle ait immédiatement dénoncé son préjudice, c’est-à-dire dès qu’elle en a pris connaissance.
Les aléas liés à la force majeure
Une entreprise peut être confrontée à un cas de force majeure lorsqu’elle doit faire face à un événement :
- imprévisible ;
- extérieur aux parties, c’est-à-dire indépendant de leur volonté ;
- irrésistible, c’est-à-dire insurmontable (impossibilité d’exécution définitive ou provisoire).
La force majeure suspend les obligations contractuelles et l’entreprise aura la possibilité de résilier le marché. L’indemnisation s’effectuera dans le cadre de l’article 18.3 du CCAG Travaux.
Ce sera, par exemple, le cas de :
A contrario, il n’y a pas de force majeure lorsque les difficultés invoquées par la société ne lui sont pas extérieures (
CAA Paris, 25 mai 1993, n° 91PA00863, Sté Renoveco
).
La procédure à mettre en œuvre est décrite aux articles 18.3 et 19.2.2 du CCAG Travaux.
L’entreprise, qui se trouve confrontée à un cas de force majeure, doit immédiatement en informer par écrit le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre.
Le maître d’œuvre doit proposer au maître d'ouvrage la durée de la prolongation ou du report des travaux, après avis de l’entreprise titulaire.
La décision finale appartient au maître d'ouvrage qui la notifie à l’entreprise par courrier. Il est impératif que cette décision mentionne que la suspension des travaux intervient pour force majeure afin de ne pas confondre cette procédure particulière avec l’ajournement prévu plus classiquement par le CCAG Travaux pour d’autres situations qui ne sont pas liées à la force majeure : retard administratif, d’un autre lot, etc.
En cas de suspension de travaux pour force majeure, un constat préalable contradictoire des ouvrages exécutés est obligatoire (CCAG Travaux, art. 12). Si, compte tenu des circonstances, il n’est pas possible de la réaliser, il conviendra d’établir un état des lieux le plus précisément possible et de le faire signer par tous les contractants.
Si le maître d'ouvrage refuse la suspension des travaux, l’entreprise qui poursuit, dans ces conditions, l’exécution de ses travaux, pourra obtenir une indemnisation du surcoût financier engendré en application de la théorie de l’imprévision. (cf. Accorder une indemnité pour imprévision).
Actualité — Covid 19
Dans le cadre de la crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus, le ministère de l’Économie et des Finances a indiqué que le virus serait considéré comme un cas de force majeure pour les marchés publics de l’État. Les autres acheteurs publics pourront éventuellement adopter une analyse différente, à justifier selon les circonstances. Le ministère encourage cependant les collectivités territoriales à faire preuve de clémence.
À cet effet, la
loi n° 2020-290 du 23 mars 2020
d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des dispositions qui visent à adapter, entre autres, les règles relatives à l’exécution et la résiliation des marchés publics (notamment en matière de pénalités contractuelles) ainsi que les stipulations du marché. Cette ordonnance est intervenue le 25 mars et prévoit :
- La prolongation du délai d’exécution, d’une durée au moins équivalente à la durée de l’état d’urgence sanitaire (période courant du 12 mars 2020 jusqu’au 23 juillet 2020 inclus). L’entreprise titulaire doit demander au maître d'ouvrage la prolongation de ce délai avant son expiration et justifier, soit ne pas être en mesure de le respecter, soit que cette exécution en temps et en heure nécessiterait des moyens dont la mobilisation ferait peser sur elle une charge manifestement excessive.
À noter : La durée minimale de prorogation des délais d’exécution prévue par l’ordonnance est donc de 4 mois et de 11 jours, soit la période du 12 mars au 23 juillet 2020. Néanmoins, le ministère de l’Économie et des Finances a précisé qu’il ne s’agissait que d’une durée minimale qui s’imposait à tous dès lors que la prorogation est nécessaire pour tenir compte de l’épidémie. Mais, certains marchés peuvent nécessiter une durée de prolongation plus longue.C’est le cas pour le secteur du BTP qui subit des contraintes sanitaires importantes liées à la reprise de l’activité sur les chantiers. En effet, le respect des gestes barrières et des mesures d’hygiène, la limitation de la coactivité et la mise en œuvre d’organisations de travail différentes peuvent entraîner un décalage des tâches qui influe sur le planning d’exécution. Il est donc recommandé au maître d'ouvrage de prendre en considération le contexte d’une reprise des prestations en mode dégradée, pouvant générer un allongement des délais et des retards et de donner une suite favorable aux demandes de délai des entreprises de BTP.
- L’impossibilité d’appliquer les pénalités de retard ou d’engager la responsabilité de l’entreprise à ce titre, là aussi lorsque celle-ci démontre qu’elle ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur elle une charge manifestement excessive
Dans tous les cas, l’entreprise doit justifier que l’exécution des travaux est bel et bien rendue impossible par la crise liée au virus. Par exemple en raison des absences du personnel, de l’impossibilité de mettre en œuvre les mesures sanitaires sur le chantier ou de trouver d’autres moyens d’approvisionnement, des risques liés à la coactivité, de l’impossibilité pour le coordonnateur SPS de poursuivre sa mission…
Dès lors que la suspension du marché suffit à surmonter les difficultés rencontrées par l’entreprise et que l'exécution du contrat peut reprendre, le maître d'ouvrage ne peut résilier le marché, sous peine de voir sa responsabilité engagée.
Lorsqu’il s’agit d’un marché forfaitaire en cours d’exécution, la suspension liée à la crise sanitaire entraîne le règlement sans délai de celui-ci, selon les modalités et pour les montants prévus. À l’issue de la suspension, un avenant détermine les modifications du contrat éventuellement nécessaires, sa reprise à l’identique ou sa résiliation ainsi que les sommes dues à l’entreprise ou, le cas échéant, les sommes dues par ce dernier au maître d'ouvrage.
Le Premier ministre a adressé le 9 juin 2020 aux maîtres d’ouvrage de l’État, pour leurs marchés de travaux, une instruction pour leur demander de négocier rapidement avec les entreprises du BTP une prise en charge d’une partie des surcoûts directs liés à l’arrêt des chantiers et aux mesures sanitaires. Il demande également aux préfets, dans une note du 20 mai 2020, de promouvoir des chartes définissant une approche solidaire des surcoûts entre les entreprises du BTP, les maîtres d’ouvrage (dont les collectivités et bailleurs) et les maîtres d’œuvre.
Dans certains cas, le maître d'ouvrage peut passer un marché de substitution avec une autre entreprise (sans que cela ne soit prononcé aux frais et risques de l’entreprise titulaire), voire résilier le marché initial. Lorsque cette résiliation est la conséquence de la crise sanitaire, l’entreprise a droit à être indemnisée par le maître d'ouvrage des dépenses engagées.
Les dispositions dérogatoires prévues par cette ordonnance sont applicables jusqu'au 23 juillet 2020 inclus.
Cependant, la Direction des affaires juridiques du ministère de l’Économie et des Finances a confirmé que les mesures visant à soutenir et accompagner les entreprises pourraient, sauf mention contraire, toujours être mises en œuvre après cette date si le contrat en cause a été conclu avant.
Ainsi, les entreprises dont le contrat a été conclu avant le 23 juillet 2020 pourront continuer à bénéficier après cette date notamment des reports de délais contractuels et de l’exonération des pénalités dès lors que les difficultés qu’elles rencontrent dans l’exécution du contrat sont directement liées à l’épidémie ou aux mesures prises pour contenir sa propagation.
Les aléas liés aux intempéries
Les conditions climatiques peuvent affecter le bon déroulement de l’exécution des travaux et entraîner un arrêt de chantier.
C’est l’article 19.2.2 du CCAG Travaux qui prévoit dans ce cas les dispositions applicables.
Il convient donc de distinguer l’incidence des intempéries sur les délais et sur les prix.
Incidence sur les délais (prolongation)
Les intempéries rendant le travail impossible ou dangereux pour la santé et la sécurité des travailleurs (au sens du
Code du travail
) donnent lieu à une prolongation du délai.
Les autres intempéries ne sont prises en compte que si elles sont prévues et définies par le CCAP.
Incidence sur les prix (indemnisation de l’entreprise)
Si le marché ne prévoit rien, il convient d’appliquer la théorie des sujétions imprévues. Si le niveau a été atteint au moins trois fois sur les trente dernières années, il n’y a pas sujétion imprévue car l’intempérie est considérée comme normalement prévisible.
Il est conseillé que le marché définisse les intensités limites au-delà desquelles l’entreprise peut prétendre à indemnisation (cf. Clause fixant le seuil de difficultés climatiques).
Si le marché ne prévoit rien, l’entreprise aura le droit à une indemnisation totale de son préjudice à condition que :
- l’événement soit imprévisible au moment de la signature du contrat ;
- l'événement soit extérieur aux parties et à l’ouvrage ;
- l'événement entraîne le bouleversement de l’équilibre du contrat. Cette condition n’est pas nécessaire quand le marché est à prix unitaire, mais elle l’est quand le marché est à prix forfaitaire (l’événement doit dépasser les aléas normaux d’exécution).
Les aléas liés à la nature géologique du terrain
Lorsque des difficultés géologiques, insoupçonnables au moment de la conclusion du contrat, apparaissent, elles nécessitent la réalisation de travaux supplémentaires, généralement sur prix nouveaux.
Ce chef de réclamation peut être indemnisé au titre des sujétions imprévues ou des travaux supplémentaires.
Les données géologiques et géotechniques sont généralement rendues contractuelles.
Attention, l’aléa imprévisible n’est pas synonyme d’aléa imprévu. En effet, l’aléa imprévisible est l’aléa qui ne pouvait absolument pas être envisagé par l’entrepreneur. À l’inverse, l’aléa imprévu est l’aléa qui aurait pu être prévu mais qui ne l’a pas été. Ainsi, le juge se fonde très souvent sur l’expérience et les compétences acquises par l’entrepreneur pour conclure que ce dernier, eu égard à son professionnalisme et à son expertise, ne pouvait ignorer l’aléa géotechnique en cause et aurait pu le prévoir, ce qui exclut l’indemnisation.
L’aléa ne présente pas un caractère imprévisible dès lors qu’un rapport géotechnique figure dans le dossier de consultation qui vous est remis (
CE, 27 septembre 2006, n° 26992
).