L’hôpital français connaîtra-t-il le même sort que l’hôpital grec ?

Publié le 10 juin 2014 à 0h00 - par

En Grèce, la poursuite de l’austérité comme seule solution annoncée maintient les hôpitaux grecs dans une situation de désarroi sans précédent.

La situation sociale grecque

Le taux de chômage en Grèce a atteint, en novembre 2013, le record de 28 %, soit plus du double de la moyenne européenne (12,1 %) et de 61,4 % chez les jeunes. Les chômeurs sont privés d’allocations et de couverture sociale après un an et doivent s’acquitter de la totalité de leurs frais médicaux. Sur une population de 10 millions de Grecs, un Grec sur trois n’a plus de couverture sociale ! Des millions de Grecs n’ont ainsi plus les moyens d’aller chez le médecin. Ils se ruent aux urgences pour tenter d’obtenir des soins auprès d’un personnel débordé. Entre 2009 et 2012, le budget de la santé a été réduit de 30 %.

Les assurés doivent désormais payer de leur poche les mammographies et les examens prénataux, y compris les échographies. Idem pour les malades cancéreux. Des milliers d’enfants ne sont plus vaccinés. La mortalité enfantine a augmenté de 43 % depuis le début de la crise (d’après la revue médicale « The Lancet »). Les suicides ont augmenté de 40 % en un an. De nombreuses familles vivent désormais avec trois, voire quatre générations coexistant dans un appartement, et avec pour seule ressource financière la pension des grands-parents. Les files sont interminables aux abords des soupes populaires. L’Église orthodoxe distribue plus de 250 000 repas par jour dans le pays.

La situation des hôpitaux grecs

Le budget 2014 est de nouveau réduit de 12,5 % pour les dépenses sociales, de 19,7 % pour les dépenses publiques de santé et de 32 % pour les hôpitaux, c’est-à-dire de 5 milliards. Chaque année, les coupes sont plus importantes. Le ministère de la Santé table sur une diminution d’ici à 2016 de 1,5 milliard d’euros et annonce la fusion d’environ 330 cliniques et 500 laboratoires, après une vague de fermeture d’hôpitaux sans précédent (13 hôpitaux en 2013). 10 000 lits ont été supprimés dans tout le pays. D’ici 2015, la plupart des hôpitaux psychiatriques fermeront et le personnel sera mis en disponibilité ou purement licencié.

« Il y a des queues interminables devant les guichets, des listes d’attente de 5 à 6 mois pour une consultation, de 2 à 4 mois pour une simple radiothérapie pour des malades cancéreux. Des patients qui ont eu un accident vasculaire cérébral (AVC) doivent attendre 8 à 10 heures pour subir un scanner cérébral, d’autres attendent des examens sur des civières aux urgences pendant 24 heures avant d’être transférés dans une chambre. » Les personnes non assurées doivent payer leurs soins dans de nombreux hôpitaux tandis que, dans d’autres, elles doivent remplir une « déclaration d’engagement » à payer le coût des soins. En cas de non-paiement, cette dette est prélevée par le service des impôts. Un reportage récent indiquait que des maternités gardaient les nourrissons dans les maternités tant que les parents n’ont pas payé les frais d’accouchement. Les hôpitaux sont dans un désarroi proche du tiers-monde et mendient auprès de Médecins Sans Frontières pour recevoir des produits aussi élémentaires que des pansements et bandages. « Je suis allé en Ouganda, dit une pédiatre. Ça se passe mieux là-bas. »

Les métiers de la santé sont « libéralisés » et le taux de profit des pharmaciens réduit au bénéfice des monopoles des médicaments. Plusieurs laboratoires étrangers refusent de délivrer des médicaments aux hôpitaux publics, faute de paiement ou par retard de paiement. Les jeunes médecins, bien formés, parlant plusieurs langues, ont quitté massivement la Grèce depuis 2008 et se sont installés principalement en Suisse.

La faillite d’une politique

Depuis 2009, la Grèce est soumise à une cure d’austérité par la « troïka » : Fonds monétaire international, Commission européenne et Banque centrale européenne. Les services publics ont été laminés. Des coupes budgétaires drastiques y ont été effectuées, les salaires ont été divisés par deux, le salaire minimum a été fixé à 476 euros, la TVA a été augmentée, les retraites ont été diminuées, l’allocation d’accouchement a été supprimée…

Si cette politique avait pour but de rassurer les bailleurs de fonds et les marchés, elle a eu pour conséquence directe l’écroulement de l’économie. La misère et la défiance vis-à-vis des élites politiques et économiques ont fait le lit du nationalisme, qui menace la démocratie et la paix civile. La dette quant à elle – au lieu de diminuer – est passée de 124 % du PIB en 2008 à 174 % aujourd’hui…

La référence à la situation grecque de plus en plus souvent utilisée en France

Sous un titre accrocheur « L’hôpital en état de Grèce ! », un responsable du syndicat FO écrit dans une tribune, au sujet des hôpitaux français :

« La procédure imposée à l’hôpital est similaire à celle que le Fonds Monétaire International (FMI) et l’Europe imposent à la Grèce depuis 2008 ! L’austérité serait la seule solution pour résorber le déficit. Casser l’outil service public pour le livrer naturellement au secteur marchand. L’objectif poursuivi par le pouvoir en place, les banques, permet de transformer le citoyen, utilisateur de services publics financés par la solidarité nationale, en consommateur de services payés par l’utilisateur et financés par les banques et assurances privées. Des pans entiers de l’hospitalisation publique sont ainsi abandonnés aux lois du marché. Le malade devient le consommateur de soins prisonnier de dépassements d’honoraires et de frais divers toujours plus élevés. Il faut 1,5 milliard pour les hôpitaux… soit 0,5 % de prélèvement sur les grosses fortunes… Or aujourd’hui, il manque un peu plus d’un milliard d’euros par an pour que les hôpitaux publics puissent fonctionner dans de meilleures conditions. Mais c’est la crise répond le gouvernement. L’austérité est incontournable ! »

En région, le journal « L’Est Répulicain » titre au sujet du CHU de Nancy : « CHU : le syndrome grec » « Le CHU de Nancy ? Le premier hôpital grec de France ». Au-delà de la boutade qui fait rire jaune dans les couloirs du centre hospitalier universitaire, la formule illustre parfaitement la crise financière qui ébranle l’établissement. La direction a évoqué jeudi un déficit cumulé de 298 M€. Il est en réalité à corriger. En intégrant les baux emphytéotiques hospitaliers (BEH)… la projection à fin 2013, selon un document du conseil de surveillance du CHU lui-même publié le 3 juillet dernier, s’élève à 384 M€ ! Énorme, direz-vous ? Oui. Mais le plus préoccupant, c’est qu’à l’aube des années 2000, les comptes du CHU étaient… à l’équilibre. »
 


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